Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Un climat de méfiance s’est installé chez les citoyens à l’égard des institutions européennes. L’Union est perçue comme imposant des politiques exigeant des efforts des populations, une image accentuée en période de tensions économiques et sociales. Dès lors que la paix, valeur fondatrice du processus d’intégration, ne semble plus menacée, l’Union apparaît plus abstraite, plus éloignée des citoyens. Pourtant, elle demeure un environnement protégé comparé à d’autres territoires en proie aux menaces.
Pour combler le fossé en train de se creuser entre les instances de l’Union européenne et les citoyens, il faut faire preuve de pédagogie afin de retrouver l’esprit d’une construction dont l’âme a été dessinée par les générations passées. Promouvoir une citoyenneté européenne, une société civile active, forte et indépendante, avec la participation de tous, en particulier des plus exclus, souvent oubliés. Ce processus doit venir des citoyens et des institutions, y compris des autorités locales.
2013 et 2014 sont les années européennes des citoyens1. Pour non seulement rendre les citoyens conscients de leurs droits, mais leur donner les moyens de repérer les obstacles qui entravent leur exercice et y remédier. C’est l’occasion de rappeler que les droits ne se réduisent pas à l’économie (mobilité, droit des consommateurs…) mais qu’ils incluent des droits civils, politiques et sociaux. Le droit à une bonne administration, le droit d’avoir accès aux documents, le droit de faire appel à l’ombudsman de l’Union européenne, le droit de pétition au Parlement, le droit de circuler et de résider librement, le droit à la protection diplomatique et consulaire de n’importe quel État membre. Dans un contexte de crise et de politiques d’austérité, les institutions européennes doivent accorder une attention particulière aux besoins des citoyens vulnérables. Il s’agit ici de se mobiliser pour promouvoir l’Europe sociale de demain.
Le Secours catholique - Caritas France mène depuis plusieurs années, avec les personnes qu’il accueille, ses réseaux (national et européen) et ses partenaires2, une réflexion sur la participation active des citoyens et des associations à l’élaboration des politiques sociales nationales et européennes. Cette action passe par une meilleure connaissance des institutions européennes de la part du grand public, en particulier des personnes vulnérables, et par un appel à la mobilisation à l’occasion des élections. Mais les citoyens européens ne sont pas seulement des électeurs passifs, ils ont un rôle à jouer dans la définition des politiques. Ils ont en principe voix au chapitre pour promouvoir des alternatives à la gestion actuelle de la crise, afin de mettre l’homme au cœur des choix politiques. Car la citoyenneté englobe tous les aspects de la vie au sein d’une société démocratique : l’éducation, la culture, la lutte contre les discriminations et l’intégration des minorités, le développement durable, le changement de regard sur les personnes en situation de pauvreté et d’exclusion sociale…
En novembre 2013, 150 personnes, venues de 30 pays différents et réunies par Caritas et ses réseaux, se sont retrouvées à Marseille pour vivre pleinement leur citoyenneté. Le dialogue avec d’autres citoyens, des responsables politiques et des institutions s’articulait autour de trois grands thèmes : l’Europe et la crise, les droits des citoyens européens, l’Europe en 2020. Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, et Christine Taubira, garde des Sceaux, ont participé, de même que l’évêque de Marseille, Mgr Georges Pontier, président de la Conférence des évêques de France, qui a appelé à une Europe basée sur la fraternité. Un travail préparatoire avait été mené dans chaque pays en lien avec les réseaux des autres associations de solidarité sur des thèmes variés : vieillissement actif, dépendance et inter-générations, santé mentale et logement, participation, lutte contre la traite des êtres humains, discriminations des personnes roms, justice et détention, migrations, emploi des jeunes, la finance au service des citoyens. Citoyens vulnérables et citoyens indignés, de différents pays, ont échangé leurs expériences. En Seine-Saint-Denis, neuf rendez-vous « Europe, tu m’entends ? » ont permis d’aller à la rencontre des citoyens, qui ont pu formuler leurs questions et leurs propositions sur des ardoises. Le tout pour enrichir le grand débat avec la Commission (sur www.debat-europe2014.fr).
Les 9 et 10 mai 2014, un événement « Faites l’Europe » est organisé sur le parvis de l’Hôtel de ville de Paris par la Commission, la Mairie de Paris et la Maison de l’Europe. Le Secours catholique y présente l’exposition « Enfants et pauvreté » : des paroles d’enfants, les propositions des Caritas d’Europe et les points repris par la Commission dans sa recommandation « Investir dans l’enfance pour briser le cercle vicieux de l’inégalité ». Le tout autour de 10 photos de plusieurs pays européens.
Comment rendre « eurodigestible » ce qui se passe à Bruxelles ? Des outils d’animation en français et anglais ont été élaborés3.
Le guide pédagogique « Élections européennes 2014 : qui fait quoi ? » permet de connaître les détails du fonctionnement de l’Union et de ses institutions. Qui vote et qui est élu lors des élections du Parlement européen ? Comment s’élabore le budget européen ? Ce guide propose aussi des pistes de réflexion sur des sujets majeurs, comme le droit à l’alimentation ou la régulation financière.
Le « Passeport pour un citoyen européen » est un outil plus ludique. Présenté sous la forme d’un vrai passeport, il rappelle les liens de solidarité qui unissent les Européens. Par des exemples concrets, il évoque les actions à mener pour inciter l’Europe à s’engager auprès de ses citoyens.
Le quiz « Voter aux européennes ? Et pour quoi faire ? » permet de tester ses connaissances sur la composition et le fonctionnement du Parlement européen, en particulier sur son rôle sur les questions sociales. Il permet de découvrir l’étendue de ses pouvoirs mais aussi ses limites !
Une bande dessinée, « Europe, où es-tu ? », met en scène le quotidien des plus vulnérables et l’impact qu’a pour eux l’Union européenne, mais aussi des situations où elle n’intervient pas. Elle montre comment la société civile s’organise, en Europe, pour agir et plaider ses causes auprès de l’Union.
Le Parlement européen adopte des lois qui influencent la vie de plus d’un demi-milliard d’Européens. Il représente chacun et chacune et agit en notre nom. C’est lui qui élira le prochain chef de l’exécutif européen. Depuis les dernières élections européennes, les règles du jeu ont changé : le Parlement a désormais davantage de pouvoirs. Pour déterminer la direction politique de l’Union et ainsi influer sur le quotidien de chacun d’entre nous. À l’occasion du scrutin de mai 2014, le Secours catholique lui demande d’être moteur dans la lutte contre la pauvreté. De redonner la parole aux citoyens les plus exclus pour construire ensemble des solutions qui respectent l’égale dignité de tous. Dans trois domaines en particulier : la réduction de la pauvreté en Europe (objectifs énoncés dans la stratégie « Europe 2020 »), l’accueil des réfugiés, le droit à l’alimentation en Europe et dans le monde. Les élections ne sont qu’une étape : le dialogue avec les élus se poursuivra pour que les promesses de campagne soient tenues.
1 Après 2010, année de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, 2011, année de promotion du bénévolat et du volontariat et donc de l’engagement solidaire, et 2012, année du vieillissement actif et de la solidarité intergénérationnelle.
2 Accueil et aide aux personnes âgées, AGE Plateforme, Coordination France Armée du Salut, Babelea, Caritas Europa, Caritas Luxembourg, Convention nationale des associations de protection de l’enfant, Confédération française des retraités, Esclavage tolérance zéro, Fédération des centres sociaux et socioculturels de France, Fédération nationale des associations de retraités, Fédération nationale des associations solidaires d’action avec les Tsiganes et les gens du voyage, Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, France bénévolat, Grands Parrains, La Cimade, Les petits frères des Pauvres, Maison de l’Europe de Paris, Mouvement chrétien des retraités, Mouvement européen - France, Réseau européen anti-pauvreté France, Santé mentale et exclusion sociale - Europa, Secours catholique - Caritas France, Union française des retraités, Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux, Université catholique de Lille.
3 Voir le site www.construireleurope.org.