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Equité, sécurité alimentaire, qualité, entretien des paysages, durabilité… Pour débattre de la réforme de la Politique agricole commune (Pac) en 2013, les diverses forces politiques ont les mêmes mots à la bouche. Cet apparent consensus masque de profonds clivages (cf. la table ronde des eurodéputés).
Les grands États européens ayant, par un gel du budget, renoncé à une politique commune ambitieuse, la Pac est sous contrainte. Certains, pour la réduire à peau de chagrin, suggèrent que l’agriculture émarge à d’autres lignes budgétaires : énergie, développement territorial… (cf. V. Chatellier et H. Guyomard). Reste que la manne suscite les convoitises nationales, qui biaisent largement la bataille sur ses clés de répartition.
Si nul ne conteste la nécessité de « verdir » l’agriculture, il est des nuances de taille entre des subventions conditionnées à des exigences minimales et une transformation du modèle de production faisant de l’agriculture un outil de préservation de la biodiversité, de captation du carbone, de recharge des nappes phréatiques, etc. (cf.M. Griffon). Le fossé est large entre partisans d’une unification de l’agriculture européenne autour d’exploitations intensives et exportatrices, et défenseurs de la pluralité des figures agricoles (cf. B. Hervieu et F. Purseigle).
Restent les tensions non-résolues sur les prix. Les 13,7 millions d’actifs agricoles, au revenu moyen moitié moindre que dans les autres secteurs, pourront-ils sans subventions accrues répondre aux exigences sanitaires et écologiques légitimes des consommateurs si ces derniers n’en paient pas le prix? Peut-on penser la Pac sans s’attaquer à la volatilité des prix sous l’effet de la financiarisation? Il en va de l’accès à l’alimentation au Sud, et du revenu de millions d’agriculteurs pauvres. Pourtant, s’étonne B. Munier, la Commission reste muette. Une lacune que ne suffira pas à combler la transparence sur laquelle pourraient s’accorder les ministres de l’Agriculture du G20 en juin à Paris.