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On y perd son latin ! Que faire devant tant de réformes moins proposées à la négociation qu'imposées comme indispensables ? Les oppositions qu’elles suscitent ont déjà entraîné l’abandon de plusieurs projets, tel celui du travail dominical. D’autres auraient sans doute mérité un vrai débat, qui partaient d’une nécessité réelle de changement.
Le dossier de Projet « Réformer sans modèle » (novembre 2006) soulignait que, si toute réforme a besoin d’être soutenue par une fraction suffisante de l’opinion, la difficulté réside dans l’articulation des légitimités des partenaires du débat. Aujourd’hui encore, les idées ne manquent pas, dans tout l'éventail politique. On voit même des hommes de gauche et de droite dépasser leur opposition systématique et s’allier pour avancer ensemble des réflexions audacieuses et proposer des mesures propres à transformer notre vie politique. Mais se heurtent souvent la rationalité des projets gouvernementaux et la logique des métiers concernés par de telles nouveautés.
D’un autre côté, le refus d’une réforme imparfaite, voire injuste, n’est pas toujours signe de conservatisme et de la volonté de défendre seulement des « avantages acquis ». La contestation face aux réformes vient aussi de la droite comme de la gauche. La coordination des soignants, juristes, enseignants et hommes de culture dans « l’appel des appels » était révélatrice ; elle ne se réduisait pas à une logique corporatiste mais traduisait un sentiment généralisé d’avoir été floués. Discuter avec les enseignants chercheurs avant de décider d’un autre système pour leur évaluation était normal. Discuter après la contestation et la grève comporte le risque d’un enlisement dangereux. Le changement engagé dans un mouvement brownien donne le vertige. Il existe en France, dans la société civile, des hommes de terrain prêts à bouger, à bousculer leurs habitudes, à partager le travail pour que les choses progressent. Mais il faut cesser de les prendre pour des sujets, voire de simples chiffres. La démocratie exige des interlocuteurs qui réfléchissent : c’est la condition de leur légitimité.