Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Avec la tempête financière de 2008, quelque chose prend fin : mais quoi ? Le capitalisme ? B. Vermander et B. Amable en montrent la multiplicité aujourd’hui. Mais sans doute la limite de fonctionnement d’ un capitalisme est-elle atteinte : sa version libertarienne anglo-saxonne, dont J. Sapir explique, à partir des États-Unis, qu’elle n’est pas prête de relever la tête de sitôt. Vers quels types de compromis économiques allons-nous ? C’est l’autre versant de la question : le dogme de la toute-puissance bienveillante du marché prétendument autorégulé s’étant effondré, que peut-on construire ? Les États joueront un rôle majeur encore à inventer.
Il conviendra d’ailleurs de réfléchir au retour du politique plutôt qu’à celui de l’État car celui-ci est débordé. De l’intérieur, trois décennies de déconstruction libertarienne l’ont en effet réduit parfois à une relative impuissance. J. Sapir suggère qu’en dépit de l’espoir soulevé par l’administration Obama, il faudra des années pour relever les ruines provoquées par le mot d’ordre de Reagan : « L’État n’est pas la solution, c’est le problème ». Et S. Palombarini montre que la démocratie italienne est désemparée quand s’effondre un modèle auquel elle venait de se « convertir ». De l’extérieur, la coordination internationale requise va au-delà des souverainetés nationales : les règles d’une gouvernance économique requièrent de penser en termes de « régions souveraines » : États-Unis, Union européenne, Chine, Amérique latine… De même, tolérer l’inflation, ce dont E. Fortgaillard se fait l’apologiste iconoclaste, n’est possible que si la majorité des États y consentent simultanément. On le sait, la dette accumulée par les ménages américains s’élève à plusieurs milliers de milliards d’euros. La traversée de la crise actuelle passe-t-elle par l’effacement de la dette des ménages pauvres ? Et le meilleur moyen en serait l’inflation ? Mais à condition que les salaires suivent, avec un nouveau compromis politique, social et économique, dont Bruno Amable esquisse les traits.