Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Entre dix et quinze millions de personnes (on ignore leur nombre, tant il est dangereux pour elles de se laisser répertorier), citoyens européens, rejetées où qu'elles aillent, se retrouvent nomades souvent malgré elles. La communauté des Roms est, en ce mois d'août, au centre de l'actualité. En France, en Allemagne et en Italie, mais aussi en Belgique et au Danemark, les politiques ont décidé de renvoyer cette population de manière plus systématique dans son pays d'origine, Roumanie pour l'essentiel, Bulgarie, Bosnie ou Kosovo. Et le gouvernement français, qui s'affirme soucieux de ne pas déroger à ses devoirs – pourtant, la Convention européenne des droits de l'homme interdit les expulsions collectives d'étrangers –, et se couvre de grands principes – "Nous faisons tout pour combattre ceux qui abusent de cette population"–, proclame bien haut des "résultats" chiffrés pour rassurer une population majoritairement méfiante ! Ce renvoi des Roms vient juste après la guerre déclarée contre les gens du voyage – dont certains sont de langue et de culture rom mais pour la plupart établis dans l'Hexagone depuis des siècles –, et rend possible tous les amalgames. Boucs émissaires pour la délinquance, voire la criminalité, traités quasiment comme des immigrés clandestins, ils supportent l'expulsion et demeurent reconnaissants envers la France pour son aide. Pauvres et exclus, en Roumanie comme ailleurs, les Roms ont des passeports mais pas de lieu à eux; peuple sans territoire, ils espèrent trouver plus à l'ouest un accueil dénué de racisme. On le sait, ils reviendront dès que possible, car la libre circulation des hommes est encore réelle dans l'Union européenne. A l'échelle de l'Europe, la responsabilité est collective : aider, avec les fonds de l'Union, à créer les institutions et à lancer les actions d'éducation et de formation, de logement et d'intégration sociale en faveur de cette population afin qu'elle cultive son particularisme et sa richesse humaine et qu'elle en fasse profiter tous les pays qui l'accueillent, dans la liberté.
Partant à la retraite, je suis remplacée par un jeune rédacteur en chef, Jean Merckaert, à partir du prochain numéro (à paraître fin novembre 2010).