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Droit à la santé ? L’idée, de plus en plus vulgarisée, tient-elle vraiment la route ? Il est plus juste de parler d’un droit d’accès aux soins. Mais derrière la requête d’un « accès » à la santé, s’expriment deux visions, celle d’un bien privé – pour lequel l’offre doit être la plus large, proposée à la responsabilité des personnes –, et celle d’un bien commun, où l’état de chacun concerne aussi la santé de tous.
Un droit individuel est de plus en plus affirmé : le patient attend la garantie de résultats de plus en plus performants, de la part d’un système de soins et d’un système de protection sociale, la garantie d’un diagnostic et de traitements, celle d’un environnement à l’abri de risques sanitaires… Le droit de la santé devient un droit d’usagers, voire de plaignants. Et l’Etat, lui-même, contractualise avec des prestataires sur la façon d’assurer la satisfaction des clients et sur les résultats, compte tenu des possibilités de financement.
Pourtant, le droit à la santé n’est pas seulement un droit d’accès à des réponses toujours améliorées sur le plan technique. La santé a un rôle plus important : elle assure l’accomplissement de possibilités de relations, et non seulement la réalisation d’un « état ». Elle permet – y compris dans l’épreuve de la maladie et la vulnérabilité de son corps – de « se maintenir en vie » et de maintenir la vie de ses relations. Or ce droit à la santé est bien inégalement réparti. Ce qui se traduit par des différences d’accès, mais aussi par une méconnaissance des possibilités d’être « mis en santé », à partir des conditions de vie mêmes que permet la société. Les professionnels de santé savent bien les écarts qui peuvent exister entre soignants et soignés. Le droit à la santé suppose une compréhension réciproque de ce qu’est l’urgence pour chacun, une prévention qui ne se réduise pas à une stratégie face à des « cibles » mais se traduise dans une véritable prévenance…
Le droit à la santé auquel appellent les plus fragiles de nos sociétés, tous les précaires dont parlent plusieurs textes de ce dossier, pourrait bien servir de voie d’accès pour tous !