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Dossier : Les promesses du rural

Les promesses du rural (introduction)


De la pointe nord de l’Ecosse aux plaines des Pouilles, de celles de Prusse orientale aux monts armoricains, les paysages européens ont été façonnés par la main de l’homme. Villages regroupés autour des clochers et des mairies, bocages ou grandes plaines, terrasses de montagne ou marais domestiqués, l’architecture et les territoires semblent témoigner d’un développement marqué, tout à la fois, par les structures politiques et religieuses, l’organisation foncière et les transformations agricoles des siècles passés.

Ce portrait demeure réducteur. Car l’agriculture n’a jamais été le tout de l’organisation du monde rural. Forêts, pêcheries ou culture du ver à soie..., nombreux étaient les prolongements naturels d’une économie de subsistance. L’industrie a eu aussi sa part. Ici, comme dans le Limousin ou la Charente, vestiges de forges ou témoins d’une sidérurgie ancienne. Là, comme dans l’Orne ou la Manche, petites usines construites au plus près de la main d’œuvre. Les vallées alpines, les coteaux du Beaujolais, les plaines du Forez attestent un développement qui a puisé dans le monde rural les ressources humaines nécessaires à l’industrialisation dans les différentes phases de son expansion.

Loin d’être des territoires isolés, les campagnes n’ont pas cessé d’étendre leurs relations avec les centres urbains avoisinants. Des plus hautes vallées aux capitales régionales et nationales, un maillage de routes migratoires s’est constitué. Aujourd’hui, les mutations démographiques s’inscrivent dans des réseaux urbains reliés aux campagnes. Dans le même temps, les dynamiques rurales ont occupé une place importante de la vie politique française et européenne. On sait le poids de la France « profonde » dans la composition du Sénat, la vigueur des débats sur les questions rurales et agricoles. Dès le début de l’Europe, la mise en place d’une politique agricole commune a mobilisé énergies et ressources. L’élargissement à l’Est, avec l’arrivée de pays très agricoles comme la Pologne, force à reconnaître l’évidence : le consensus social européen ne va pas perdurer indéfiniment.

Les menaces sur cet équilibre sont nombreuses, les alternatives difficiles à mettre en place. Le vieillissement des populations, l’accélération des déplacements, les délocalisations industrielles, l’ouverture des marchés agricoles et l’intensification de la concurrence mettent en péril le socle ancien et appellent un véritable investissement dans la réflexion et la concertation. Comment construire un avenir dans toutes les campagnes ?

Les réponses à imaginer ne devront-elles pas honorer l’histoire de nos villages ? Déjà, des dispositifs sont inscrits dans la loi : politique des pays, structures intercommunales... S’agit-il de faire vraiment du neuf ou simplement de rafistoler, de rhabiller ce qui existait auparavant ? Le nouveau cadre permettra-t-il la concertation de tous les acteurs ? Libérera-t-il l’énergie des habitants ?

C’est aussi sur les conséquences des évolutions européennes qu’il faut porter le regard. On le ressent, davantage qu’on ne l’admet, la politique agricole commune ne pourra durer en l’état. Que faire alors ? Succomber au libre-échange, à l’ouverture globale des marchés ? Encourager les agricultures et élevages placés sous le signe de la qualité, de l’excellence traditionnelle ou de l’écologie ? Favoriser la pluri-activité, le tourisme et les services en zone rurale ? Il y a urgence, mais aussi crise. Saura-t-on construire sans « abandonner » ceux qui ont risqué beaucoup dans une installation agricole précaire, dans un pari économique incertain ? Si l’agriculture n’est pas le tout du rural, comment trouvera-t-elle sa place ?

Finalement, en cette période d’incertitude et de remise en cause, n’est-il pas légitime que le monde rural se sente orphelin ? De la politique, des stratégies économiques, des réflexions sur l’avenir du pays. Le passage à vivre doit-il se faire à marche forcée ? Quelles étapes peuvent déjà être repérées ?


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