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Depuis le décret du 13 mars 1911, qui a rattaché les prisons au ministère de la Justice, les problèmes de l’organisation judiciaire et ceux du fonctionnement de l’Administration pénitentiaire sont liés. Dans ce cadre, notre système carcéral a bien des difficultés à trouver sa voie entre l’exclusion et la réinsertion.
Nos concitoyens qui ont à faire, de près ou de loin, avec le système carcéral français sont édifiés d’une autre manière sur le malaise actuel. Quelles réponses à ce jour ? Tous les efforts accomplis jusqu’ici sont restés sans grand résultat. Le Parlement n’a cessé, sous tous les gouvernements, d’aggraver le code pénal, de réformer le code de procédure pénale, de tenter de protéger la présomption d’innocence, de modifier la composition voire les missions du Conseil supérieur de la Magistrature...
Les révoltes dans les prisons conduisent, entre 1975 et 1985, à une progressive amélioration des conditions de vie des détenus. En 1981, Robert Badinter obtient le vote du Parlement abolissant la peine de mort (loi du 9 octobre 1981). Mais cette mesure fondamentale entraîne un réflexe sécuritaire qui s’exprime par l’instauration des périodes de sûreté. En 1987, Albin Chalandon lance, dans l’urgence, « le programme 13 000 ». Ces nouvelles places de prison évitent l’implosion du système pénitentiaire, miné par la vétusté et la dégradation d’un parc d’établissements qui date pour l’essentiel de la fin du xixe siècle et se trouve confronté à une vague de surpopulation. Pierre Méhaignerie, en 1994, fait voter une loi quinquennale pour la justice augmentant, insuffisamment, les dotations budgétaires des juridictions. Pour le parc pénitentiaire, il propose un nouveau programme de 4 000 places. Il s’agit encore d’une mesure quantitative, élargissant l’offre de détention. Le progrès le plus sensible est réalisé grâce à la loi relative aux soins et à la protection sociale des détenus (loi du 18 janvier 1994), élaborée par Simone Veil.
A partir de 1997, Elisabeth Guigou met en route un ambitieux processus de réforme du système judiciaire, articulé en sept projets de loi. Elle propose en outre de remplacer les vieilles maisons d’arrêt surchargées des principales villes de France. A son départ de la place Vendôme, il reste de sa démarche principalement la loi du 15 juin 2000 sur le renforcement de la présomption d’innocence et les droits des victimes. Ce texte offre, malgré les nombreuses questions actuelles, des améliorations importantes, en particulier la judiciarisation des décisions des juges d’application des peines.
Dès son installation au ministère de la Justice, Marylise Lebranchu ouvre le chantier d’une nouvelle loi pénitentiaire. Le projet de loi « sur la peine et le service public pénitentiaire » n’a pas encore été soumis au Parlement. Cette évolution de la politique gouvernementale est la conséquence d’un retour au premier plan de l’actualité de la situation dans les établissements pénitentiaires.
A la suite de la tempête déclenchée par le livre du docteur Véronique Vasseur, Médecin-chef à la prison de la Santé, deux commissions d’enquête parlementaire se sont constituées en février 2000, l’une à l’Assemblée nationale, l’autre au Sénat. Leurs conclusions, publiées en juillet, sont édifiantes et presque concordantes. De même, en mars de cette année 2000, s’achevaient les travaux de la commission Canivet, à laquelle j’ai eu l’honneur d’appartenir. Les propositions de cette commission portent sur la nécessité de faire sortir les établissements pénitentiaires de l’arbitraire administratif, en définissant par la loi ou par un code pénitentiaire les obligations et les droits du citoyen-détenu. Elle préconise aussi la création d’un poste de contrôleur général des prisons, selon le modèle anglais.
Le constat dressé dans tous ces rapports est unanimement sévère. Il souligne la nécessité de réformes importantes et pour certaines urgentes. En réalité, ce débat est lié à notre conception de la justice. Il faut s’interroger sur le sens et les objectifs de la peine. Conçoit-on la prison comme un lieu de sûreté, d’exclusion des délinquants, ou comme un lieu de préparation à la réinsertion dans la vie quotidienne ? Un tel débat concerne toute la société et demande à être tranché, en préalable.
La prison, peine privative de liberté, est devenue un élément fondamental du système pénal à partir de la Révolution. Pour autant, faut-il la considérer comme une conquête intangible ? Les excès d’enfermement de la Terreur de 1792 à 1794 conduiraient à répondre par la négative. Pourtant, la prison a remplacé des pratiques répressives encore plus douloureuses et humiliantes.
La conception de la prison comme peine privative de liberté est assez récente. Elle a pu exister pendant le Haut Moyen Age en étant étroitement liée au développement de la pensée chrétienne : elle est ainsi assimilée à la notion de pénitence lors du concile d’Aix-La-Chapelle, en 817. Mais cette idée semble disparaître par la suite. Elle ressurgit au xvie siècle. Se développe alors à Amsterdam, Londres, Florence, Gand, la construction d’édifices destinés à l’emprisonnement. Les détenus y sont maintenus pour le rachat de leur faute, dans un but d’amendement. En France, cette idée de l’emprisonnement comme peine progresse lentement. Ainsi, en 1670, l’ordonnance criminelle de Louis XIV, qui énumère les principales pénalités de l’Ancien Régime, ne fait pas apparaître la prison comme une peine infligée par la justice ordinaire. L’enfermement demeure à la discrétion du pouvoir régalien qui dispose des lettres de cachet.
Au xviiie siècle un mouvement d’idées se fait jour, favorable à la substitution de l’enfermement individuel aux châtiments corporels. Inspirateur du Droit pénal moderne, Cesare Beccaria s’élève contre la torture pour l’instruction du procès et contre la barbarie des peines infligées, y compris la mort. Il définit la peine du point de vue de son utilité sociale dans son ouvrage, Des délits et des peines, publié en 1784 : « Le châtiment a pour but d’empêcher le coupable de nuire désormais à la société et de détourner ses concitoyens de la voie du crime. » C’est la notion d’exemplarité de la peine qui apparaît et va durcir les conditions de son application, s’ajoutant à la notion d’exclusion, protectrice du corps social.
Toutefois, Beccaria reconnaît que « le but des peines ne saurait être de tourmenter un être sensible ». La conception moderne de la peine s’inscrit dans cette voie. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 affirme que « la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ». C’est en 1791, avec les premières dispositions pénales prises par l’Assemblée législative, que naît la prison en tant que lieu d’accomplissement des peines. Pourtant, malgré les conclusions du rapport présenté par Le Peletier de Saint-Fargeau, l’enfermement n’est pas encore la clef de voûte de l’arsenal répressif des crimes et délits. Au sommet de l’échelle des peines subsistent la mort, les travaux forcés ou les galères. Mais la prison en constitue très vite un élément fondamental.
Entre 1791 et 1945, l’histoire de la prison s’écrit en dents de scie. Tantôt la volonté d’intimidation, de punir ou d’exclure l’emporte, comme dans le Code pénal de 1810 ou durant le second Empire, avec les grandes déportations en Nouvelle-Calédonie. De même, la IIIe République organise le bagne en Guyane et la relégation. Tantôt c’est un objectif d’amendement qui est recherché, avec la loi de 1875 sur l’emprisonnement cellulaire, évoquant une différence de traitement selon la nature des condamnations, et surtout les lois sur la libération conditionnelle (1885) et sur le sursis simple (1891), votées à l’initiative du sénateur René Béranger.
En 1945, la réforme de la politique pénale, la « réforme Amor », prône la nécessité pour la peine de participer à la réinsertion du délinquant. Elle énonce dans son premier principe que la peine privative de liberté a pour but essentiel l’amendement et le reclassement du condamné. En réadaptant l’individu, l’on assure la protection de la société et l’on prévient la récidive. Les péripéties de la vie sociale et la surpopulation carcérale vont pourtant continuer de placer, durant la seconde moitié du xxe siècle, les préoccupations sécuritaires au centre de la politique pénale. Cet objectif a prévalu jusqu’à ce jour.
Néanmoins, un mouvement d’humanisation et de libéralisation s’est dessiné peu à peu, avec la volonté d’ouvrir plus largement la prison
sur l’extérieur. Ce décloisonnement s’est traduit par l’intervention croissante de personnels qualifiés et de bénévoles – dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la formation, du sport ou de la culture –, et par l’exécution de peines en milieu ouvert. Cette avancée a été confortée par la loi du 22 juin 1987 réaffirmant la mission de réinsertion sociale des personnes confiées à l’administration pénitentiaire par la Justice.
On trouve en prison des gens qui n’ont rien à y faire. Les maisons d’arrêt sont utilisées comme variable d’ajustement du système pénitentiaire. Elles mêlent, en effet, les prévenus et les condamnés. Elles accueillent par ailleurs depuis une vingtaine d’années de nouvelles populations qui posent de redoutables problèmes de coexistence. C’est le cas des étrangers en situation irrégulière, des toxicomanes, des malades mentaux, des mineurs et jeunes adultes délinquants mais aussi des détenus âgés, et d’autres fragilisés par la maladie (le sida, la tuberculose ou les hépatites), par des handicaps physiques et aussi par le développement de l’indigence consécutive au chômage et à l’exclusion.
La prison est redevenue la prison-asile, la prison-hospice et la prison-hôpital d’antan ! Pour toutes ces catégories de personnes, les structures pénitentiaires classiques se révèlent tout à fait inadéquates. Elles signifient l’exclusion dans l’exclusion, qui conduit souvent au suicide.
Si la délicate mission de garde est bien remplie par l’administration pénitentiaire, la mission de réinsertion a plus de mal à entrer dans les faits. Comment préparer une réinsertion sociale en un lieu qui désocialise et déresponsabilise ? Bien sûr, il y a le travail souvent remarquable d’intervenants en prison et de membres de l’administration pénitentiaire. Mais faute d’une évaluation claire de ces objectifs d’insertion, l’administration pénitentiaire tend à se recentrer sur l’impératif de sécurité. Les moyens des services pénitentiaires d’insertion et de probation sont très insuffisants. Et si les actions socio-éducatives sont multiples et diverses, si un grand nombre de possibilités sont offertes, les pratiques et l’accès à ces activités s’avèrent très différents selon les établissements et les détenus.
Quant au travail en milieu carcéral, il apparaît avant tout comme un instrument de gestion de la détention. Rares sont les cas où son contenu prépare à une nouvelle vie professionnelle. Et les conditions de son exercice, en dehors des règles du droit commun du travail, laissent un sentiment d’insatisfaction 1
Enfin, quelle place peut-elle être faite à la réinsertion pour ceux qui effectuent la totalité ou la quasi-totalité de leur peine en détention provisoire ou pour ceux condamnés à de courtes peines ? Pour les premiers, rien ne peut être sérieusement envisagé durant cette période à la durée incertaine. Quant aux courtes peines, elles sont souvent vécues par une population jeune, déshéritée et entrée dans un cycle de délinquance comme la confirmation et l’aboutissement d’un processus définitif d’exclusion sociale. Elles brisent le délinquant sans lui donner les clés de la réinsertion. La peine de prison est encore trop souvent conçue comme une mise à l’écart, une manière de préserver la société des éléments dangereux.
Faut-il aller vers la fin de la prison ou de la peine d’enfermement comme réponse aux délits, voire aux crimes ? Les rêveurs, les philosophes, ceux qui s’aventurent sur les chemins inexplorés dans l’espoir de répondre à des questions angoissantes ne répugnent pas à le penser. Déjudiciarisation par la médiation, fin du droit pénal et abolition de la peine comme l’ont prôné le hollandais Hulsman ou l’italien Battista ? Les théoriciens de la défense sociale nouvelle ont voulu que l’on sorte de la logique implacable de la souffrance donnée par l’enfermement en compensation de l’infraction commise. Ils ont voulu rendre au délinquant sa personnalité et sa responsabilité. Le but ne serait pas de punir mais de socialiser autrement que par la prison.
C’est dans cette matrice que se sont coulées les peines nouvelles. Le sursis avec mise à épreuve, l’ajournement, le travail d’intérêt général devaient permettre d’éviter la prison. Ils se sont ajoutés à la libération conditionnelle et au sursis simple qui, à la fin du siècle dernier, avaient déjà fait espérer sortir d’une réponse unique à la délinquance. Mais il faudra sans doute continuer à vivre avec la prison, car toutes les sociétés ont le droit et le devoir de se protéger des individus dangereux ou qui violent gravement la loi. Pour ces derniers, la privation de liberté doit garder sa place.
La proposition d’instaurer un numerus clausus, c’est-à-dire de fixer un nombre maximal de personnes incarcérées impliquerait une révolution complète de la gestion de l’administration pénitentiaire mais aussi un bouleversement dans la pratique des magistrats. On évoque souvent l’exemple des Pays-Bas, qui se sont obligés par le numerus clausus à réformer leur système pénitentiaire.
Le sens donné à la peine détermine le regard du citoyen sur la prison, le regard du détenu sur son temps de détention, le regard du personnel pénitentiaire sur les missions qui lui incombent. La peine est un moyen à la fois de réparation pour les victimes et de protection de la société. La réflexion sur la prison doit évidemment prendre en compte ces deux missions et ne jamais oublier l’impératif de sécurité qui s’y rattache. La dangerosité est une réalité du monde carcéral et l’excès d’angélisme serait aussitôt taxé de laxisme.
Mais, au-delà de l’impératif de neutralisation, les réponses qu’on apporte à la question du sens de la peine traduisent les valeurs fondamentales d’une société. Ce sens devrait apparaître clairement à la fois pour l’auteur du délit ou du crime, et pour ceux chargés d’exécuter la sanction. Il ne saurait être l’enfermement pour l’enfermement. Celui-ci, quand il est nécessaire, doit avoir un objectif d’amendement en vue de la réinsertion. Il doit en être ainsi, que l’enfermement se déroule en prison ou par placement sous surveillance électronique.
Aujourd’hui, devant une police agressée, une loi bafouée ou une justice impuissante, l’opinion s’émeut et demande des sanctions toujours plus sévères à la fois contre les auteurs d’incivilités quotidiennes et contre les coupables des crimes les plus monstrueux. Les dispositions législatives traduisent cette exigence de fermeté, instaurant, en plus de la perpétuité, des peines toujours plus longues et des périodes de sûreté, jusqu’à 30 ans sans possibilités d’aménagement. Une telle demande conduit à placer la neutralisation du délinquant, pendant une période de plus en plus longue, comme la mission prioritaire de l’administration pénitentiaire : la réinsertion ou l’amendement sont devenus une question secondaire. Dès lors, le problème de la détention et de l’utilisation du temps correspondant n’est plus analysé avec l’attention qu’il mérite.
Pour le détenu, la question du sens de la peine est fondamentale. Il doit comprendre pourquoi il est là. Sans réponse à cette question, comment parler de s’amender et encore moins se réinsérer ? Mais l’adhésion du condamné au système carcéral ne sera possible que si les conditions de détention sont dignes d’une démocratie et conformes à un Etat de droit. Comment exiger du détenu qu’il respecte à sa sortie les règles de la société si le fonctionnement de l’institution carcérale n’a pas lui-même respecté le détenu en tant que sujet de droit, dans un établissement pénitentiaire aux conditions de vie et d’hygiène décentes ?
La définition du sens de la peine et une claire perception de celui-ci par l’opinion publique doivent circonscrire les missions de l’administration pénitentiaire. Le désarroi exprimé par le personnel de surveillance traduit un manque de visibilité dans la définition de ses missions. La loi du 22 juin 1987 est une première tentative pour les éclaircir. Elle énonce dans son article premier que « le service public pénitentiaire participe à l’exécution des décisions et sanctions pénales et au maintien de la sécurité publique. Il favorise la réinsertion sociale des personnes qui lui sont confiées par l’autorité judiciaire. Il est organisé de manière à assurer l’individualisation des peines ». Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 20 janvier 1994, a précisé la hiérarchisation de ces missions : « L’exécution des peines privatives de liberté en matière correctionnelle et criminelle a été conçue non seulement pour protéger la société et assurer la punition du condamné, mais aussi pour favoriser l’amendement de celui-ci et préparer son éventuelle réinsertion. »
En réalité, la différenciation entre la mission de sécurité et celle d’insertion est plus factice qu’il n’y paraît. Sans l’objectif de le réinsérer, la garde du détenu se révèle plus difficile et favorise la révolte et la récidive. Il faudrait aujourd’hui inverser les priorités, sans négliger la vigilance sécuritaire. Les incidents de l’été 2001 ont entraîné des réactions fortes des personnels et la concertation entreprise par Madame Lebranchu a montré combien les syndicats de l’Administration pénitentiaire étaient sensibles au problème.
Le projet de loi pénitentiaire propose une nouvelle classification des détenus selon le degré de dangerosité. Au Canada, l’évaluation des capacités du détenu et de sa dangerosité détermine l’affectation en établissement et conditionne son parcours d’insertion. Il n’y a plus dans ce système d’antagonisme entre sécurité et insertion : les deux principes répondent à une même logique de prévention de la récidive. Il en est de même en Espagne, où une nouvelle prison située dans une région isolée regroupe les détenus les plus dangereux. Il faut aussi repenser le temps de l’incarcération et le programme d’activités journalières, culturelles, éducatives et sportives. A cet égard, le système hollandais est un exemple d’équilibre. La réinsertion et l’organisation du temps de vie en prison sont l’objet d’une concertation entre personnels, détenus et intervenants extérieurs.
Enfin, la prison est-elle la réponse adéquate à tous les types de délinquance et surtout à toutes les catégories de détenus ? Pour certains, elle ne peut favoriser une compréhension de la sanction, donc permettre l’amendement ou préparer la réinsertion. Et la promiscuité dans les maisons d’arrêt fait plutôt le lit de la récidive, offrant parfois une véritable école de perfectionnement dans la délinquance.
Il importe de sortir d’un système de sanctions axé sur le tout carcéral, et de développer d’autres formes du rappel de la loi, en limitant les incarcérations. Il faut aussi renforcer les capacités d’accueil des centres hospitaliers spécialisés pour les malades psychotiques, coordonner la politique de lutte contre la toxicomanie, modifier la législation sur l’entrée et le séjour des étrangers.
Les peines substitutives s’inscrivent dans une logique selon laquelle l’apprentissage de la vie en société se réalise mieux en liberté ou en semi-liberté. Le large éventail des mesures existantes permet d’adapter la sanction aux différents types de délinquance : sursis simple, sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt général, jour-amende, ajournement avec mise à l’épreuve, placement à l’extérieur, libération conditionnelle et enfin placement sous surveillance électronique (créé à mon initiative par la loi du 19 décembre 1997).
Dans de nombreux pays démocratiques, ces peines sont entrées dans les mœurs judiciaires. En France, malgré des progrès sensibles, elles sont loin d’être pleinement utilisées. Certains magistrats semblent réticents à retenir des solutions qu’ils estiment peu fiables sur le plan de la sécurité ou pour leur valeur pédagogique. Renforcer l’encadrement et les moyens attribués aux services d’insertion et de probation permettrait de les crédibiliser. Il importe aussi de rappeler à l’opinion publique qui, confusément, ressent ces peines alternatives comme une forme d’impunité, qu’elles sont bien des sanctions au même titre que l’incarcération.
Certains actes réclament une sanction et celle-ci peut prendre la forme d’une peine d’emprisonnement. Mais il est nécessaire de penser davantage la sanction en termes éducatifs. Les peines substitutives, avec la réparation des dommages subis par les victimes, constituent une manière pertinente de responsabiliser le condamné.
La sanction doit retrouver une vertu positive, sans être réduite à sa fonction répressive. Elle suppose de mieux faire participer le condamné à l’exécution de sa peine. La prison demeure un moment transitoire et un espace transitionnel. Autrement dit, l’emprisonnement nécessaire s’inscrit dans la perspective du retour au principe fondamental de la liberté individuelle, donc de la réinsertion dans la société. Cette démarche implique des accompagnements psychologiques, professionnels, des aides et des assistances individuelles, personnalisées, y compris pour ce qui concerne les victimes et l’environnement familial du délinquant. Si la prison survit encore au sein de l’arsenal répressif, elle devrait être considérée comme un dernier recours et n’être prévue que lorsque la gravité de l’infraction rendrait toute autre mesure manifestement inadéquate. A cette exception près, l’exécution des peines « hors les murs » est la perspective que nous devons proposer pour un avenir plus serein de notre société.
1 / Voir, pp. 104-109, l’article de Madeleine Perret sur « Le détenu, sujet contractant ».