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Barcelone n’est pas seulement la capitale européenne du football. C’est aussi là qu’en 1995, les dirigeants des deux rives de la Méditerranée se sont accordés pour « construire une zone de prospérité partagée », « un espace commun de paix et de stabilité » et « favoriser la compréhension entre les cultures et les échanges entre les sociétés civiles ». Au regard de la politique menée depuis, l’Europe s’est visiblement affranchie des objectifs affichés alors.
Pour Jean-Robert Henry, le printemps arabe a mis en lumière l’échec patent du partenariat euro-méditerranéen. Il revient ici sur les raisons – mélange de realpolitik, d’islamophobie et de paralysie institutionnelle – qui ont présidé à cet échec, pour pointer le défi central à présent : assumer la continuité de l’espace humain qui lie les deux rives. L’Europe est ici renvoyée à son histoire : la Grèce puis l’Empire romain avaient leur épicentre en Méditerranée. Le mythe veut même qu’Europe soit née en Phénicie (actuel Liban) avant d’être séduite par Zeus. Luis Martinez analyse, quant à lui, les révoltes depuis la perspective des pays arabes. Il y voit, pour l’Europe, « une surprise stratégique comparable à l’effondrement du Mur de Berlin ». Après 1989, le Vieux Continent a su faire preuve d’audace pour réconcilier l’espace européen divisé.
Ce printemps prépare-t-il le réveil d’une Europe tournée vers le monde? Il lui appartient à présent de puiser dans la formidable leçon de démocratie des populations arabes l’énergie nécessaire pour inventer un avenir commun. Rappelons que les pays du sud de la Méditerranée comptent 30 à 45 % de moins de 15 ans, contre 15 à 20 % dans les États européens. S’il est prématuré, à l’heure où nous écrivons, d’évoquer un été européen, les indignados des places espagnoles rappellent l’Europe à ses valeurs sur le fond d’une même incertitude économique.