Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Les ressorts se sont-ils détendus de la solidarité entre générations? Doit-on diagnostiquer une « panne » dans la transmission intergénérationnelle ?
L’hypothèse de travail de ce dossier est la suivante : au-delà de leur diversité, nombre de « jeunes », appréhendent aujourd’hui que le monde qui leur est légué par les « aînés » est sans avenir pour eux, inhabitable d’un point de vue climatique, financièrement proche de la faillite, politiquement illisible. Les ratés de la transmission intergénérationnelle peuvent se comprendre comme le fruit de « stratégies » de survie de la part des « cadets », stratégies où leurs aînés ne déchiffrent plus leur propre héritage.
Plusieurs lieux invitent à explorer pareille hypothèse : le sous-investissement dans l’enseignement supérieur et le nombre de jeunes quittant l’univers scolaire sans diplôme expliquent-ils les mouvements sociaux, dans lesquels une « jeunesse sans avenir » est en pointe? A l’autre bout de la pyramide des âges, en 2040, la France comptera un retraité pour 4 actifs, au lieu d’un pour 7 en 1999. Comment financer les retraites de l’avenir et comment ceci pèse-t-il dès aujourd’hui sur les relations intergénérationnelles? Troisième « lieu » : la menace écologique. Si nos parents sont nés dans le contexte de la menace d’une guerre, c’est celle de la « fin de la planète » qui hante désormais les esprits. Cet horizon affecte-t-il la perception de l’avenir? Le concept même de crise pourrait jouer un rôle : depuis 1973, la « crise » est devenue une dimension permanente de la perception de l’actualité. Enfin, la génération qui, aujourd’hui, peine à transmettre à ses « héritiers » est celle de 68. L’évolution de cette génération est-elle en partie responsable du malaise? Des nouveaux types d’engagement s’inventent cependant chez les « jeunes », à égale distance de la militance politique d’une époque et du cynisme libertarien.