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Dossier : Difficiles solidarités entre générations

Des universités qui donnent du sens


Resumé En France, l’éducation n’a pas de fin en soi (apprendre pour soi, pour son propre bien-être individuel); elle n’est légitimée que par rapport à des objectifs extérieurs : démocratisation, égalité des chances, adaptation à l’emploi, accroissement de la productivité, accès à la modernisation sociale, etc. Nous avons, disait J. Ardoino, une conception « domestique » de l’éducation et le pédagogue reste l’esclave des besoins sociaux externes.

L’évolution du savoir

Le discours dominant cherche à toute force à professionnaliser l’enseignement supérieur, à accroître son « rendement » social. On ne peut combattre de telles perspectives, largement partagées par la population. Mais cette volonté politique permanente d’adapter les formations aux exigences de la société marchande engendre des interrogations perpétuelles au sein de l’institution universitaire qui ne sait plus comment améliorer son « efficacité ». Il est par exemple dérisoire de continuer à diffuser dans les médias l’antienne sur les taux d’échecs en première année universitaire, si on laisse subsister la dualité entre classes préparatoires et premiers cycles, sans harmoniser au moins les flux des bacs professionnels et technologiques, qui sont la principale cause d’échecs massifs en université.

Il n’y a plus d’étudiant-type, étalon majoritaire; on est obligé de prendre en compte les devenirs minoritaires et non seulement le prototype du « bon élève ». Les étudiants évoluent à des rythmes différents; les pères et mères enseignent à leurs enfants la science, tandis que les enfants enseignent à leurs parents la technologie! Cela signifie bien que le niveau ne baisse pas. Les moins de quarante ans sont davantage diplômés que leurs aînés, mais les jeunes sont davantage chômeurs et, avec de mauvaises perspectives d’emploi, l’ascenseur social ne fonctionne plus. Les inégalités sociales s’accroissent, les grandes écoles mènent une politique sociale frileuse, les enfants des classes populaires accèdent encore moins à l’enseignement supérieur. Notre société, au Pib pourtant élevé, met le social et le scientifique au service de l’économique, et celui-ci au service de la finance. Le savoir en tant que tel ne relève pas d’une priorité nationale, et la morale commerciale a étouffé la morale de la solidarité.

Le risque majeur de notre civilisation est que l’économie ne dévore totalement la connaissance. Désormais, on attend du savoir qu’il produise des résultats : peu importe que s’accroisse ou non la compréhension des faits de société. Or, si le savoir aide à créer de la richesse, il aide avant tout à comprendre le monde. L’évolution des savoirs ne peut se contenter d’être quantitative et pilotée d’en haut. Le rapport entre savoir et société ne se réduit pas à un simple rapport entre l’offre et la demande, rapport d’antagonisme d’où résulterait l’existence nécessaire de vainqueurs et de vaincus. Le savoir ne produit pas d’objets, il n’est pas intégrable au circuit de l’appropriation privative. Le savoir crée des sujets et relève de ce que l’on peut appeler l’en commun. Son utilité réside dans le savoir lui-même, en dehors de toute quantification, de toute évaluation performative, de toute validation; l’idéologie utilitariste détruit la recherche, la transmission de ce qui est, en dernier ressort, le patrimoine essentiel de l’humanité. La recherche libre n’a pas besoin de paroles indicatives, obsessionnelles, prônant l’âpreté au gain.

Et pourtant, l’Éducation nationale fait souvent office de brebis galeuse. Les sorties sans diplôme sont encore trop nombreuses, mais les explications à une telle dérive sociale devraient être multi-factorielles. Les décideurs en matière d’emplois, embourbés dans le court terme, ne savent souvent pas ce qu’ils veulent. Or la compétition de demain sera celle de la matière grise. Dans cette bataille, l’université est en première ligne. Lieu de confrontations des savoirs, carrefour des réflexions, l’université est elle-même une structure sociale trans-générationnelle : elle crée des rapports sociaux en travaillant sur leur intelligibilité, leurs différences. L’université n’est pas un espace strié par l’État, pour parler comme Gilles Deleuze, mais un espace nomade, lisse, un entre-deux : l’enseignant est un transhumant, et l’étudiant est décentré.

Inventer des possibles

L’université doit moins répondre aux demandes ponctuelles des secteurs de l’entreprise qu’inventer le travail futur par une réflexion globale et interdisciplinaire sur ce que sera demain le monde professionnel.

Le travail n’est pas indépendant de la symbolique sociétale, des valeurs transmises par la société. La tâche ultime des universités, c’est moins de répondre théoriquement à des pratiques sociales qui lui seraient extérieures, que d’inventer des possibles : le savoir doit être imaginatif. La fonction critique est en ce sens primordiale dans l’université, une fonction à exercer de façon non pas étanche, étroitement compartimentée, mais transdisciplinaire. Pour relier les disciplines et les articuler, au lieu de les dissoudre, l’interdisciplinarité de proximité ne suffit pas, car elle est fondée uniquement sur un objet commun. Une interdisciplinarité du « grand écart », du risque, est nécessaire et là, sur le plan institutionnel, ce qui a été fait est très insuffisant; il faudrait par exemple inciter davantage à l’appartenance à plusieurs laboratoires. Les instances nationales d’évaluation non seulement sont bâties sur une logique strictement disciplinaire, mais elles pratiquent souvent le corporatisme et la frilosité identitaire : les parcours atypiques et diversifiés y sont sévèrement sanctionnés; l’institution organise et balise l’identité collective étroitement disciplinaire. Toute innovation à la marge est tenue pour une inacceptable déviation. Les dichotomies théoriques sur lesquelles repose le système universitaire dépendent très largement des divisions sociales (cultivé-inculte, raison-instinct, théorie-pratique, science pure-science appliquée, conception-exécution, sensible-rationnel, science-technique). Tout est classé et hiérarchisé – établissements, disciplines et chercheurs. Les frontières sociales deviennent des barrières mentales, qui refusent les mélanges. Or la recherche et son apprentissage doivent innerver toute l’université, les niveaux de formation et les spécialisations.

Les universités contribueront au développement économique, donc à la croissance de l’emploi, moins en « adaptant » leurs formations à l’économie qu’en participant étroitement à l’innovation scientifique. Les universités ne produisent rien, elles ne sont pas intégrables dans le processus de production, mais elles développent chez les étudiants des qualités intellectuelles majeures : la curiosité, l’esprit critique, le travail en équipe. De plus, un décalage objectif existe entre le temps long de la formation et la « remise au travail » qui exige des savoir-faire rapidement acquis. L’enseignement supérieur a une vocation scientifique, intellectuelle et culturelle; savoir apprendre vite et bien, savoir faire une synthèse, développer son goût pour l’indiscipline : cela importe plus que d’acquérir une technique, un savoir-faire facilement appréhensibles.

Promouvoir la démocratisation de l’enseignement supérieur en même temps que l’on fonde progrès scientifiques et nouveaux savoirs n’est pas une tâche facile. D’autant que les étudiants se comportent de plus en plus en consommateurs. Le risque est grand que la société exige des enseignants une attitude de producteurs. Pourtant, le savoir n’est pas une marchandise, et il n’obéit pas à la loi de la rareté, mais à celle de l’excédent, de la générosité. Plus on échange le savoir, plus celui-ci grandit.

Dépasser le court-terme

On ne peut donc reprocher à l’université de participer au déséquilibre économique et social entre générations. Sa mission essentielle, qu’elle remplit correctement, est de créer du savoir et de le diffuser. L’« inadaptation » des diplômés au monde du travail résulte du système économique, et non de l’incompétence de l’université. La captation des revenus par une génération favorisée par les « trente glorieuses » est incontestable, même s’il est difficile d’évaluer économiquement les conséquences intergénérationnelles d’une politique économique concernant la dette et la charge des retraites.

Longtemps, les politiques publiques ont été structurées par l’idée selon laquelle la difficulté d’insertion tendrait avant tout à l’absence de qualité des jeunes mal formés. Il s’agit davantage d’un arbitrage entre générations, de « lutte » des âges : il est nécessaire de réarticuler insertion professionnelle et emploi car « la formation à l’emploi n’est pas dissociable des processus de formation des emplois ». Ce sont les moins qualifiés qui chôment le plus. Mais la recherche de diplômes de plus en plus élevés crée paradoxalement des césures entre les différentes périodes de la vie : formation/emploi/loisirs. Or l’idéal serait une formation tout au long de la vie, par imbrication continue. Les emplois de demain ne seront pas ceux d’aujourd’hui et les jeunes d’aujourd’hui seront conduits à changer de métier demain. Mais plutôt que d’opposer formation initiale et permanente, il s’agit de combattre sur la longue durée les inégalités sociales liées au sexe, aux structures familiales et territoriales, culturelles et ethniques.

Ce qui est certain, c’est que cette société refond tous les rapports humains à l’aune financière : dès lors, se profile l’impératif catégorique d’une privatisation du savoir. Il n’est pas sûr qu’on parvienne à maintenir une collectivité nationale avec des préoccupations uniquement axées sur l’avoir et non sur l’être. Faire croire qu’on peut avoir tout et tout de suite, c’est oublier que le libre échange marchand ne peut épuiser la richesse des échanges humains. Sans rituels, sans affects, ni concepts, sans symbolique autour de la vie, de la mort, de l’amour, une société s’écroule. Les préoccupations à court terme, les bureaucraties, la routine et le refus des risques scléroseront le système, l’empêchant de construire des projets collectifs.

On ne fait plus confiance, on demande sans cesse des comptes. Certes, il faut que les universités soient évaluées, mais non pas sur le court terme, ni à partir d’une vision étroitement utilitariste du système. Car celui-ci est complexe et hétérogène, et son évolution procède par seuils, qualitativement. A trop vouloir gérer au jour le jour, avec un faible consensus, sans véritable stratégie, la conférence des Présidents d’université, pour prendre cet exemple, ne parvient pas à sortir du « politiquement correct » ni à avoir une place importante dans le dispositif : son rôle ne lui permet pas de faire face à un État ankylosé, à la capacité de mouvement amoindrie, du moins en dehors de la prise de textes généraux brutaux et inefficaces.

« Génération sacrifiée »

Tant que le peuple tout entier n’aura pas les moyens de s’approprier la connaissance, on restera dans une démocratie de fiction, de simple apparence. D’autant que le pouvoir politique et économique est tenu en mains par des personnages du sexe masculin, en général quinquagénaires et socialement privilégiés. Les nouvelles générations, qui vivent moins bien que leurs parents, sont angoissées et s’expriment peu. Or les conflits les plus graves sont inexprimés ou inexprimables. On parle volontiers de « génération sacrifiée ». Dans cette situation de faiblesse, les jeunes doivent se taire, car les structures d’État et du marché ne leur donnent guère de place. Pourtant, ils ne sont pas des objets ciblés, à manipuler, ils sont le peuple de demain et subiront pendant de longues années le poids de décisions prises sans eux. A ce sujet, un certain flou entoure la « catégorie » de la jeunesse : est-ce un âge bien défini ou une période de transition aboutissant à l’autonomie? Le principe de solidarité entre les générations reposait sur une succession et une division claires entre les trois âges (formation, emploi, retraite). Mais aujourd’hui, la vie professionnelle n’est plus un escalier que l’on gravit marche après marche : il y a des allers-retours, on monte et on descend plus ou moins vite… Les seuils disparaissent, même si globalement les étapes subsistent, sans pour autant constituer une « classe » d’âge uniforme ou un acteur politique cohérent.

Mais donner aux jeunes une formation supérieure, quels que soient les modalités et les secteurs, est une priorité nationale. Car les exclus du système de formation deviennent des points critiques du fonctionnement social : exclus de l’enseignement supérieur, ils sont souvent exclus aussi d’ailleurs. L’université doit savoir pratiquer le déplacement, ce qui est le contraire de l’exclusion ; elle y parviendra, en menant une politique de site et une politique de projet. Mais, d’après les sondages, les Français semblent loin d’avoir une image nette de leur université, avec laquelle ils ne savent pas entretenir une relation sereine. Ils la jugent incernable et la décrient volontiers. Insatisfaits, ils lui envoient pourtant leurs enfants. L’afflux vers l’enseignement supérieur est un processus à encourager, à favoriser, mais une paupérisation en a découlé pour l’université, tandis que le circuit dit des « grandes écoles » est resté très largement sélectif socialement, très bien autofinancé par des droits d’inscription élevés, et les élèves y ont un statut privilégié (études souvent rémunérées, emplois garantis à la sortie). Le système universitaire se défend comme il peut, et fait souvent des miracles avec peu d’argent. Il faut faire confiance à la créativité pédagogique des universités et à celle des chercheurs.

Un examen n’est pas un concours et on ne dira jamais assez les dégâts du « chacun pour soi » et du « tous contre tous ». Identifier la professionnalisation des diplômes à la logique du management de l’entreprise est une dérive que les jeunes dénoncent car ils ont compris que cela renvoyait à quelque chose qui s’y apparente. L’autonomie n’est pas la mise en concurrence, ni le classement sur une pseudo liste scientifique internationale. Identifier autonomie et concurrence aboutit à diffuser une idéologie de la « réussite » à tout prix. Or l’intelligence est diverse et les voies du succès universitaire sont plurielles. Que signifie comparer ? Il ne faudrait pas que l’autonomie de gestion des universités – indispensable – conduise à une « mise au pas » (Marcel Gauchet) des universitaires par des Présidents d’universités peu légitimés et un État impuissant, mais qui se prendraient les uns et l’autre pour des « patrons ». L’organisation, la gestion des ressources humaines et sociales sont de plus en plus mécanistes, le fonctionnalisme techniciste domine; l’homo œconomicus a pris le dessus. L’univers du déterminisme a gommé le temps hétérogène, qualitatif et singulier.

On assiste à un transfert massif des privilèges politiques comme économiques. L’État doit pourtant continuer à garantir la qualité des formations et des certifications. Nous avons besoin de suffisamment d’enseignants-chercheurs de qualité, car seule l’université sait diffuser la culture de l’incertitude permettant d’aborder librement et intelligemment les risques sociaux que demain nous prépare. Les jeunes générations, notamment celles des plus démunis, sont menacées de misère sociale et économique; alors que les classes sociales les plus favorisées pratiquent la solidarité familiale sous la forme fréquente de la patrimonialisation des ressources. Les titres universitaires, décriés et socialement dévalorisés, sont pourtant le seul rempart des pauvres contre l’exploitation. Le partage de l’en commun est aujourd’hui trop inégalitaire. La hausse des qualifications de tous par l’acquisition de diplômes est encore la meilleure façon de combattre la paupérisation : mieux vaut une qualification faible que pas de qualification du tout pour réduire les distorsions sociales. Mais l’université ne peut soigner tous les maux sociaux. L’idéologie néolibérale, fondée sur la toute puissance du marché, a remis en cause la structuration des politiques publiques élaborées par l’État-providence durant les trente Glorieuses.

On ne voit pas comment d’un côté, l’État de droit serait fort malade, et de l’autre, l’université serait épargnée par cette dégénérescence. Encore que l’université ne soit pas qu’un appareil idéologique d’État. Elle est aussi un espace de confraternité intellectuelle et culturelle, disposant d’une distance sociale par rapport au pouvoir et d’un droit à l’« intranquillité ». Le service public républicain de la formation doit fonctionner avec les principes de l’égalité, et de l’émulation, même si la promotion par le mérite a été largement grignotée par la croissance des inégalités sociales.

Lever les barrières pédagogiques

L’université qui est un lieu d’hospitalité et de gratuité des échanges idéologiques, est apte à promouvoir, ou du moins à traduire en termes de savoir, l’égalité primordiale entre les êtres. Espace de concepts et d’affects, apte à saisir les évènements, association collégiale, l’université peut mettre à profit son autonomie de gestion, qui relève des instances élues de l’université, ainsi que l’autonomie scientifique (voire l’indépendance) individuelle de chacun de ses enseignants-chercheurs, pour donner une nouvelle vigueur juridique à ce vieux principe coutumier de la collégialité. C’est une forme traditionnelle de l’association sur laquelle on peut réfléchir. La meilleure façon qu’a l’université d’aider les générations demain majoritaires, c’est de faire bien ce qu’elle sait faire, et non de chercher à remplacer l’entreprise.

Le premier moyen est de mettre l’université au centre du système de formation initiale et continue, et de ne plus la traiter comme une variable d’ajustement, certes de masse, face à des écoles hyper-sélectives, largement chouchoutées. Les universités seront parmi les principaux acteurs des politiques de service public, si l’on donne à ces politiques un sens fondé sur la liberté de la recherche, l’égalité d’accès et de traitement, et la collégialité des projets. Les universités sont tout à fait capables de remplir cette mission et ont des instruments pour ce faire : le contrat avec l’État, l’expérimentation en matière de formation et de recherche, l’autonomie de gestion, le droit à la différence (dans une certaine mesure, certes). En innovant, elles concilieront les deux principes fondamentaux du libre et égal accès au service public et de la poursuite de l’« excellence ». Pour maintenir les principes du service public, la solution est d’abord d’aménager le système universitaire grâce aux principes de différenciation et de décentralisation. Le pays doit accepter de payer le coût des mutations de l’enseignement supérieur. Rien n’est définitivement tranché : le malaise des universitaires et des étudiants est immense, le peuple n’y comprend pas grand-chose et l’image de l’université n’en ressort pas indemne.

Des progrès ont été accomplis grâce au système Lmd : la mobilité étudiante s’accroît, grâce aux crédits qui garantissent les capitalisations et la transférabilité des acquis : cela favorise une mobilité accrue des étudiants entre disciplines, entre établissements, entre pays. Les crédits favorisent, à terme, le parcours étudiant individualisé, donc plus adapté à une professionnalisation envisagée ; ce parcours facilite les réorientations et réduit le taux d’échec dans le cursus pré-licence : il permet en particulier à l’étudiant d’opérer une insertion professionnelle plus rapide. De plus, une offre organisée en modules crédités favorise la pluridisciplinarité des enseignants. Certes, les crédits capitalisables ne sont pas une solution miracle, mais simplement un instrument intelligent et souple à mettre au service d’une politique et d’une stratégie hardies de chaque établissement. Cet instrument lève les barrières pédagogiques et scientifiques à la réussite étudiante, mais non les barrières financières. Il permet une ouverture transdisciplinaire, mais ne doit pas déboucher sur du consumérisme.

A terme, la mise en œuvre des crédits doit pouvoir favoriser la validation des acquis de l’expérience, traduisant des compétences en qualifications diplômantes. Le dispositif assurera une meilleure gestion du temps de formation, en intégrant toutes les possibilités de validation. Mais, dans de nombreux cas, les universités demeurent attachées à la pure logique de contrôle du contenu d’un savoir académique. Le dispositif Lmd permet de renforcer l’imbrication des formations initiale et continue. Pour aider à une professionnalité durable, sans chercher à faire coller un diplôme national à une réalité professionnelle aléatoire, il faut favoriser les parcours diversifiés pour les étudiants. Mais la dialectique est complexe entre volonté de souplesse et exigence de cohérence : il ne s’agit pas d’émietter les savoirs. En abandonnant la politique des guichets, l’État pourra se consacrer à une logique de projets à moyen et long terme et faire face à des demandes diversifiées de la part des usagers et incertaines de la part des acteurs économiques; un système forcément en déséquilibre permanent.

L’université permet un certain recul, un temps de pause par rapport à la société; un temps pour questionner, pour que s’exerce l’autonomie de la pensée, sans crainte des avatars, des échecs et des altérations. Certains parlent même de la nécessaire fonction utopique de l’université, non pas pour se réfugier dans la construction transcendantale du futur mais pour penser un présent en relation étroite avec la vie réelle. Pour bien penser le monde, il faut être à côté du monde, dans un endroit voué à la compréhension de ce monde, dans un lieu de pensée où le monde est à la fois ailleurs et présent. On est à l’abri du monde mais on pressent le monde, car il y a dans ce lieu quelque chose de plus qu’ailleurs : la recherche du sens.


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