Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
La question est dérangeante, et le malaise réel pour l’aborder : consommer de la drogue n’est plus l’apanage d’un monde de marginaux ou d’artistes, celle-ci est devenue un stimulant pour gommer sa faiblesse, une facilité pour fuir dans le rêve d’une autre performance. Ce problème « insoluble » demande d’être « accueilli » sans l’illusion de solutions toutes faites, celles de comptes enfin rassurants.
On affiche une politique de fermeté contre toute transgression : il s’agit de punir d’abord – l’usage et pas seulement le trafic, ignorant la modestie d’une observation attentive à la réalité et d’un soutien aux acteurs quotidiens de la présence aux usagers.
Rompre avec les mauvais comptes demande de permettre une information sérieuse, de rappeler le poids de l’alcool, du tabac et des médicaments dans l’ensemble des addictions. La manière de consommer, les dépendances cachées (y compris à des produits licites), les habitudes festives et l’entraînement social…, tout cela est souvent ignoré. Informer, c’est accompagner : donner de se connaître mieux, de sortir du silence et de la fuite. Les groupes de parole, ouvrant un rapport à soi dans le rapport à d’autres, sont devenus importants dans les centres d’accueil. Ils n’enferment pas les usagers dans un rôle de bénéficiaires de soins mais les impliquent dans un parcours avec d’autres.
Alors les mécomptes, les promesses illusoires de la drogue, seront mieux perçus. Bien sûr, l’interdit et le désir qu’il engendre seront toujours là. L’expérience de la drogue est affrontée comme telle et non renvoyée à un discours hygiéniste. La transgression et la prise de risque sont des figures de la quête humaine de dépassement. Comment convertir cette fascination en choix de vie ? Pas seulement par des raisonnements et des comptabilités, mais en retrouvant dans la vie un élan, le secret de sa fragilité, non plus comme une faiblesse mais comme un essentiel.