Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Mots ou maux,… mais d’argent. Avec le développement progressif de la modernité, l’économie est devenue une sphère autonome, dotée de son propre langage. A chaque échange, chaque transaction, sa grammaire, sa conjugaison des temps, et l’évaluation d’une valeur. Les monnaies, les pièces et les billets, les lettres de change et les chèques, les crédits et les marchés sont comme les syntagmes qui ne cessent de se réassembler, de réinterpréter le génie de la langue.
En s’accélérant, les échanges, et leur support, sont devenus plus abstraits, plus virtuels, plus totalisants aussi. Il y a un risque : que tout devienne argent, que l’argent devienne la mesure de tout, y compris de soi. Quand, dans l’entreprise, le financier l’emporte sur l’humain. Quand, dans la vie des individus, les désirs s’exacerbent ou s’anémient. Achats impulsifs ou compulsifs, avarice pathologique d’Harpagon. Combien de maux !
Les choses précieuses, vulnérables, inscrites au coeur des échanges entre les hommes, appellent un équilibre maîtrisé entre protection et soupçon, défense et critique. L’argent n’a-t-il pas besoin de son académie ? Du moins, d’instances d’équilibre ou protectrices : pour repérer les usages les plus communs, pour fixer des repères, des normes, mais aussi pour encourager les véritables inventions sociales qui remodèlent la matrice ancienne de l’économie moderne : valorisation des réseaux d’échanges de savoir, micro-fonds d’investissement qui fonctionnent comme des laboratoires et permettent de redéfinir concrètement le rôle de l’actionnaire et son pouvoir.
En modernité, l’argent peut-il être mis au service d’une liberté qui se structure dans une relation ouverte aux autres et au monde ? A quelles conditions ? À quel prix ?