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Dossier : Social : réparer ou reconstruire ?

Le travail social sur la sellette


Le travail social a subi de profondes mutations en France ces dernières décennies. Sous couvert de modernisation, un modèle résolument libéral se met en place, selon le sociologue M. Chauvière. Au point d’amorcer la fin du social comme travail ?

Au cours des dernières décennies, en France, le couple que formaient l’action sociale (au sens politique et administratif) et le travail social (non-caritatif, salarial et reconnu par les autorités publiques1) a perdu de sa légitimité historique et de sa force symbolique. Depuis la mise en œuvre de la révision générale des politiques publiques (2007), l’action sociale a cédé la place à la cohésion sociale, plus euro-compatible. Depuis les années 2000, le « travail social » est talonné par l’« intervention sociale » qui, débordant le seul salariat, intègre le bénévolat, le volontariat et, surtout, les emplois de service à la personne aux plus bas niveaux de qualification. L’« action sociale » subsiste néanmoins, comme simple catégorie administrative, dans l’intitulé du code de l’action sociale et des familles de 2001. La loi de 2002, dite de rénovation, visait certes le secteur social et médico-social, mais elle préparait aussi l’intégration de tout le médico-social (équipements et professionnels) dans le sanitaire et sa régulation par les agences régionales de santé (mises en place par la loi hôpital, patients, santé, territoires en 2009). Au demeurant, depuis 2003, les présidents des conseils généraux sont les chefs de file de l’action sociale, ce qui couvre le financement et, pour partie, l’orientation de la protection de l’enfance, des aides aux personnes handicapées et âgées, du revenu de solidarité active (RSA), etc., et fait des professionnels « le bras armé au quotidien des politiques que nous devons à nos concitoyens2 », soit une plus forte instrumentalisation que par le passé.

Qu’est-ce que le travail social ?

Le travail social salarié moderne est organiquement lié au développement de l’État social. Il se réalise dans un secteur public ou dans des associations mandatées et financées sur fonds publics et il est légitimé par des diplômes d’État. Les professionnels du travail social s’occupent de jeunes délinquants, de protection de l’enfance, de soutien aux familles, d’accueil des migrants, de personnes handicapées, de personnes âgées dépendantes, de victimes d’addictions, d’exclus ou sujets d’autres formes de décrochage social, mais aussi de programmes de prévention et de développement collectif (politique de la ville). Le travailleur social va en personne au contact de ceux qui sont dans le besoin ou nécessitent un support particulier, selon une éthique propre et avec des méthodologies empruntées au meilleur des sciences humaines, où la parole est centrale. Ayant fait le choix des métiers du lien et du bien social, ces travailleurs sont tout à la fois engagés et intégrés. De ce fait, ils dépendent de l’état des politiques publiques et de la vitalité de la démocratie. Il n’est pas étonnant, dès lors, que les précieux analyseurs de la société qu’ils sont soient souvent perçus comme de potentiels contre-pouvoirs, quand ils ne sont pas rendus responsables de la crise.

Leur activité, émancipée par le salariat, constitue, à n’en pas douter, un progrès considérable dans la mise en œuvre concrète de la solidarité nationale en direction des plus vulnérables, à côté des grands systèmes institués (école, justice, santé et sécurité sociale). Ils réalisent une mission de service public, y compris lorsque plus de 70 % de leurs employeurs sont des associations loi de 1901. L’intérêt général a en effet guidé cette lente édification. Ce moteur a permis que progressent ensemble les droits sociaux, des institutions pérennes et une forte professionnalisation. En d’autres termes, que s’organise une réponse fiable et durable, par des services et des allocations, à des droits sociaux acquis par des luttes. Longtemps, le secteur marchand a été tenu à l’écart de ces politiques pour incompatibilité de valeurs. Aujourd’hui, l’action est principalement financée par l’impôt (aide sociale, budget de la justice) et par les organismes de protection sociale (sécurité sociale, caisses complémentaires). Un tel acquis est difficilement remplaçable, sauf à revoir à la baisse les objectifs séculaires d’obligation et de qualité dans la solidarité.

Existe-t-il des fondamentaux et, notamment, des cœurs de métier ? L’évocation d’un « carré des intelligences » permet de progresser dans l’objectivation et l’agencement des quatre piliers que sont, pour tous les professionnels mais selon des combinaisons variables, les droits, les institutions, les savoirs et la clinique3.

Dans un État de droit, l’existence de droits créances opposables à la société conditionne la possibilité d’un travail social légitime. Le droit social est d’abord créateur d’obligations collectives, ce qui le distingue de la simple charité ou de l’humanitaire. Mais les droits n’ont aucune effectivité s’ils ne sont pas relayés par des institutions, au sens de formations intégrées, vivantes et dynamisées par une forte dialectique de l’institué et de l’instituant. En cela, les institutions sociales relèvent du service public, loin de tout service marchand, « sur un marché donné », au sens du droit européen4, loin aussi des simples dispositifs conjoncturels qui prolifèrent.

L’approche des questions sociales exige également un important effort de connaissances partagées. Ce savoir social mobilise des théories, se nourrit de l’expérience et ne peut être réduit à des connaissances disponibles en un clic via les moteurs de recherche, ce vers quoi tend le « capitalisme cognitif » choisi par l’Europe avec la « stratégie de Lisbonne ».

Enfin, la posture clinique oblige, par définition, à être attentif au sujet dans sa singularité, en situation et selon les circonstances. Elle se réalise dans la rencontre de deux subjectivités et par la parole. Ce dernier pilier est le plus caractéristique du travail social professionnalisé et participe en bonne place à la définition de la plupart des métiers.

Le social, un nouveau marché

Nous étions dans une économie élargie de « service public », basée sur le salariat des intervenants sociaux, protégés par des statuts ou des conventions collectives favorables, où la segmentation des métiers était relativement contenue et même contrôlée, notamment par l’outil qualitatif du diplôme d’État et de ses équivalents. Depuis trente ans, nous sommes précipités dans une économie concurrentielle de services, dont le pivot n’est plus le professionnel et son savoir-faire, mais l’opérateur/employeur capable d’affronter la concurrence (ce nouveau régulateur général), d’obtenir des résultats (ou des parts de marché) au meilleur coût. Sous prétexte de complexité des problèmes sociaux et de tassement des ressources, la segmentation des métiers s’est accrue pendant que les niveaux de qualification exigibles s’effondraient (emplois précaires sous-qualifiés, déprofessionnalisation progressive). La formation est devenue un enjeu de développement régional (emploi), de référentiels et de calculs d’équivalences (via la validation des acquis de l’expérience), quand elle était un projet de qualité technique, de mobilisation et de responsabilisation des futurs professionnels.

En Europe comme en France, les gestionnaires ont pris le pouvoir sur le secteur social, désormais considéré comme une activité économique ordinaire, nécessairement ouverte au marché. L’État, de son côté, tend à devenir un simple animateur des solidarités, parmi d’autres, oubliant qu’il est normalement le garant des droits créances et le protecteur des systèmes institutionnel et professionnel. Partout s’impose une boîte à outils qui réifie l’action et phagocyte les esprits, jusqu’en matière de formation.

Les gestionnaires ont pris le pouvoir sur le secteur social, désormais considéré comme une activité économique ordinaire, nécessairement ouverte au marché.

Cette mutation hypergestionnaire, au service de l’économie néolibérale, gagne aussi les fondements anthropologiques du vivre ensemble5. On observe une plus grande instrumentalisation des droits sociaux, à commencer par le droit du travail, et une moindre attention à leur effectivité ainsi qu’une attaque contre les institutions, considérées comme totalitaires et contraires aux libertés individuelles. Le désir de savoir et la recherche critique régressent, au profit de la consommation de résultats et de la communication. Enfin, la clinique est attaquée comme premier lieu de connaissance et de rencontre,  remplacée par des référentiels et des recommandations de bonnes pratiques6.

Dans le même temps, les effectifs globaux du travail social professionnel ont certes augmenté en nombre, mais sans politique globale ni doctrine pour les différents métiers. Plus concrètement, dans ce domaine sensible, on note deux mouvements principaux et une innovation significative. Au plan horizontal, aux côtés des quatorze titres sanctionnés par des diplômes d’État de niveau III ou IV de qualification (assistant de service social, éducateur spécialisé, éducateur technique spécialisé, moniteur-éducateur, éducateur de jeunes enfants, conseiller en économie sociale et familiale, technicien de l’intervention sociale et familiale, animateur socio-culturel, etc.), ont proliféré des cadres d’emploi moins qualifiés, plus flexibles et moins rémunérateurs dans les domaines innovants de l’insertion, de la médiation, de la téléphonie, du coaching, de l’animation… S’ils constituent une réelle activité, ils ne sont pas pour autant des professions au sens noble du terme, mais l’indice d’une déprofessionnalisation relative.

On remarque aussi une plus forte différenciation verticale entre conception et exécution. D’un côté, progressent les fonctions de management, d’encadrement, d’ingénierie, de consulting, d’évaluation (avec le plus souvent des formations de niveau I : masters universitaires pour les recrutements externes en concurrence avec les diplômes supérieurs du social pour les promotions internes). De l’autre, se multiplient des bas niveaux de qualification voués à des tâches d’exécution, sous contrôle hiérarchique renforcé, dans des domaines où l’exigence professionnelle est considérée comme moindre (auprès des personnes âgées, par exemple).

À ce tableau, s’ajoutent enfin l’arrivée d’opérateurs lucratifs dans les secteurs les plus solvables (personnes âgées, adultes handicapés), mais aussi un travail social libéral, permettant à des professionnels, parfois titulaires de diplômes d’État, de négocier leurs prestations d’accompagnement ou de prise en charge technique, avec la bénédiction des pouvoirs publics.

Un travail à mains nues

Si la nouvelle question sociale élargit le domaine du travail social, ce qui est à la fois une bonne et une mauvaise nouvelle, elle l’interpelle aussi dans deux directions : la connaissance et l’éthique. Que savons-nous de la question sociale d’aujourd’hui ? Pas grand-chose à vrai dire. Comme si l’on ne voulait pas trop interroger les causes lointaines ou générales de cette situation et surtout éviter les catégories classiques (pauvreté, inégalités, exploitation…), la littérature spécialisée regorge de propositions conceptuelles et argumentatives nouvelles. Ainsi s’est imposée en France, dès les années 1980, la notion d’« exclusion » (qui n’a jamais fait consensus au plan européen), pendant que se répand depuis peu la notion d’« inclusion », qui n’est pas son antonyme. Parallèlement, se sont imposées des désignations « sociologiques », toutes construites sur le même modèle, en partant des préfixes « dé » ou « dis » qui marquent en général la privation, le déficit (déliaison, désaffiliation, disqualification, désenchantement, « dissociété », etc.), au risque de naturaliser les situations, de stigmatiser des populations et de gommer le rapport social en jeu. De même, en psychiatrie, ont proliféré les « maladies » en « dys », souvent à l’initiative des entreprises de médicaments. Comme d’autres, le travail social est confronté à cette abondance qui sature son horizon cognitif, respecte bien peu la parole des gens et disqualifie les savoirs d’expérience des intervenants de terrain.

Complétant la distinction fondamentale faite par Max Weber entre éthique de conviction et éthique de responsabilité7, à l’instar d’autres métiers du lien social, le travail social y ajoute une forte éthique d’implication. Cette pratique s’exerce en effet à mains nues, avec le seul support de la parole, sans disposer des moyens matériels, financiers ou techniques à la hauteur des difficultés rencontrées. Sauf cas particuliers, le travailleur social ne crée pas d’emploi, pas de logement, pas de revenus. Le soutien qu’il apporte parfois aux usagers actifs n’est pas contractuel, mais plutôt de l’ordre d’une pédagogie.

Derrière des discours pompeux sur la participation citoyenne, la citoyenneté républicaine recule et avec elle tous ses attributs : l’intérêt général, l’esprit de service public, l’obligation de solidarité…

Dans ces conditions, sa ressource, mais aussi son talon d’Achille, c’est sa singularité, sa propre subjectivité et sa parole dédiée à l’autre, toujours difficile à ajuster et a fortiori à justifier devant des tiers. Si l’approche de l’enfance en difficulté a longtemps réduit ces risques par l’effet de l’asymétrie éducative (que connaissent aussi les enseignants !), l’approche du monde adulte des personnes handicapées, exclues, pauvres, dépendantes, etc. n’offre plus cette couverture. Le travailleur social est ainsi beaucoup plus exposé à la parole crue de l’autre, à la symétrie des droits, parfois même à la réversibilité des situations (il existe en effet des travailleurs sociaux pauvres, sans logement décent sur Paris !). Pour y répondre, différentes stratégies discutables  sont valorisées par les pouvoirs publics, parmi lesquelles le droit des usagers et les recommandations de bonnes pratiques.

Le social en péril

Plusieurs travaux ont montré que la fausse découverte de l’usager, au tournant des années 1990-2000 (en même temps qu’était mise en œuvre la loi organique relative aux lois de finances), masquait un profond et large changement de modèle économico-politique, entraînant de nombreux effets délétères. Ainsi, derrière des discours pompeux sur la participation citoyenne, en réalité la citoyenneté républicaine recule et avec elle tous ses attributs : l’intérêt général, l’esprit de service public, la conception organique du vivre ensemble, l’obligation de solidarité, la cotisation sociale, l’ayant droit… Le citoyen est désormais vu comme un consommateur de services, idéalement produits et « améliorés » par la concurrence. Il est traité comme un usager devenu à son insu un client, auquel des droits subjectifs sont octroyés en contrepartie de son acceptation du tournant commercial de tout le secteur social. Qu’il s’agisse de l’école, de la santé, du social, voire de la mise en œuvre des décisions judiciaires, rien ne doit plus faire obstacle au marché ! Hier encore incertain, l’usager  signe aujourd’hui la bascule néolibérale8.

Par ailleurs, avec le nouveau management public inspiré du secteur privé lucratif, pour tout décideur ou entrepreneur social, être au service de, accompagner, protéger, ne se conçoit plus sans normes d’exécution dûment établies et soumises à évaluation continue. C’est la raison d’être des recommandations de bonnes pratiques en plein essor, à l’instigation de l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Loin d’être des conseils suffisamment fondés et discutables, ces recommandations ont d’indéniables effets dogmatiques sur les savoirs (cf. l’impossible débat sur l’autisme malgré deux recommandations successives) et normatifs sur la vie quotidienne au sein des institutions. En servant de référence à l’évaluation continue, elles renforcent la subordination des salariés, au risque d’une perte de sens et de beaucoup de souffrance au travail. On peut même penser qu’elles sont une machine de guerre contre les professions : si elles ont été dans le passé partiellement coproductrices de l’action publique, cela n’est plus acceptable aujourd’hui, alors qu’elles restent porteuses du sens et des valeurs les plus nécessaires à l’implication active des professionnels de terrain.

La fin du social comme travail ?

Aujourd’hui, les idées nouvelles ne sont, le plus souvent, que des rhétoriques : l’expression « l’usager au centre » est brandie pour légitimer l’action et contrer les « maltraitances », alors que les moyens manquent un peu partout ; « l’activation » individuelle des plus vulnérables (l’injonction qui leur est faite d’être actifs) apparaît comme la seule doctrine qui vaille, alors que les bénéficiaires sont de plus en plus considérés comme responsables de leur situation et que l’État social et les obligations de solidarité régressent ; la nécessité d’entrer en « résonance » avec l’autre (sorte de vibration positive à proximité) sert d’éthique minimale pour les professionnels, pendant que la « refonte de l’architecture des métiers » les instrumentalise comme jamais.

Certains professionnels se mobilisent, dénonçant la perte du sens, le piège des soi-disant états généraux du travail social organisés par les pouvoirs publics, mais sans cesse repoussés. Depuis peu, une défense des spécificités des métiers et des formations sociales s’organise9. Accusés par les « réformateurs » de corporatisme ou de nostalgie, ces « frondeurs » soutiennent au contraire la nécessité de l’innovation, de la créativité, le respect du pouvoir d’agir des gens. De surcroît, ils exigent la reconnaissance pour tous les travailleurs sociaux d’un devoir et d’un droit d’interpellation du politique. Ce qui ne paraît aujourd’hui recevable ni par les autorités publiques, ni par les opérateurs/employeurs, du public comme du privé, trop préoccupés par les économies financières et les parts de marché. Pour eux, le travailleur social est d’abord une « ressource humaine » et son salaire une variable d’ajustement. Mais d’autres professionnels soutiennent la démarche des pouvoirs publics.

Sans doute le mal est-il plus profond. Quand l’expertise l’emporte manifestement sur le « savoir s’y prendre », quand la gestion des flux, des stocks et des résultats ruine les pratiques institutionnelles et professionnelles, quand l’obligation de solidarité est remplacée, via les médias, par l’émotion, la compassion, le don – ou, du moins, la promesse de don – quand la générosité privée cible ses pauvres et veille à la rentabilité de son mécénat ou de ses investissements sociaux, il n’est pas étonnant que tout travail du social soit en grande difficulté. On peut même craindre que ces processus cumulés ne signent la fin du social comme travail, comme institution et comme éthique collective, sa banalisation quasi marchande et sa régression en valeur.

À lire dans la question en débat
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1 Via des diplômes d’État, des statuts, des conventions collectives opposables aux financeurs et selon les différents secteurs de développement de l’action sociale (assistance, protection, éducation spécialisée, animation, médiation, insertion…).

2 Michel Dagbert, président du conseil général du Pas-de-Calais, Journées techniques de l’Association nationale des directeurs d’action sociale et de santé des départements, Arras, sept. 2014.

3 Modèle développé dans M. Chauvière, L’intelligence sociale en danger. Chemins de résistance et propositions, La Découverte, 2011.

4 M. Chauvière, Joël Henry, « Quel statut pour les services sociaux dans l’Union européenne ? Arguments pour des services sociaux non économiques d’intérêt général », Revue de droit sanitaire et social, n° 6, nov.-déc. 2011, pp. 1043-1058.

5 Jean-Yves Dartiguenave, Jean-François Garnier, La fin d’un monde ? Essai sur la déraison naturaliste, Pur, 2014.

6 M. Chauvière, « Esquisse d’une sociologie critique de la nouvelle norme d’évaluation », Revue française d’administration publique, n° 148, 2013, pp. 953-966.

7 M. Weber, Le savant et le politique, Plon, 1995 [1959].

8 M. Chauvière, Jacques T. Godbout (dir.), Les usagers entre marché et citoyenneté, L’Harmattan, 1992 ; M. Chauvière, « La question des usagers, de l’impensé à l’agenda », dans Collectif, Penser la science administrative dans la post-modernité. Mélanges en l’honneur du professeur Jacques Chevallier, LGDJ, 2013, pp. 217-229.

9 Le Collectif avenir éducs et certains syndicats ont lancé le mouvement courant 2014.


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1 réactions pour « Le travail social sur la sellette »

Pierre Thomé
23 June 2015

vraiment pas très optimiste cet article de Michel Chauvière qui, il est vrai, n'a pas pour habitude de l'être !
Ceci dit, quelques paroles de travailleurs sociaux sur leurs pratiques seraient bienvenues comme étayages des hypothèses de M. Chauvière, ou inversement, allant à l'encontre de ce qu'il avance; il me semble en effet que des travailleurs sociaux résistent et ont des pratiques innovantes se démarquant des tendances actuelles de la politique sociale.

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