Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Jean Paul II a quitté la scène de notre monde, après s’y être, durant vingt-sept ans, profondément et cordialement impliqué. Il a prolongé des prises de position antérieures. Il y a en même temps apporté une note nouvelle. Le dossier qui suit en rend compte. Sans être complet, assurément : il y aurait entre autres à revenir sur des aspects plus critiques, touchant la sexualité et la famille, touchant de même la démocratie. Sur bien des points, il nous a fait déborder une pensée scolastique, casuistique, mesurant la justice au cordeau – tout en appelant au dépassement, mais trop vaguement énoncé, par la « charité ». Il a approfondi l’engagement pour les droits de l’homme, les enracinant en « théologie », les faisant éclater dans des demandes de pardon. Il a repris la réflexion sur la justice quant à la guerre, mais ne tenant pas la balance égale entre paix et guerre, la faisant pencher davantage en faveur de la paix (« Pape non violent »). Il n’a pas renié la doctrine de Léon XIII et Pie XI ne contestant pas le « salariat » (le profit au capital donc), mais il a repris l’affirmation qu’on ne peut s’en contenter, car ce capitalisme est trop producteur d’inégalité. « Christianisme et société » ?
Jean Paul II a voulu faire de l’Eglise une voix des sans-voix : le christianisme ne se dissout pas en libéralisme à la Montesquieu. Dans le cas de la Pologne comme dans le cas des peuples indigènes, il a fait pencher la balance pour la libération. « Intellectuel romantique » a-t-on pu dire de lui dans son pays au début. Sa passion, son obstination, ont eu de l’effet (voir l’entretien avec Tadeusz Mazowiecki). Que d’orientations de prix donc encore pour notre avenir !