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Présents de longue date en cour d’assises pour juger des crimes, les citoyens seront désormais « appelés à compléter le tribunal correctionnel » pour juger de certains délits : les atteintes à la personne humaine punies de cinq ans d’emprisonnement au moins (violences, vols). Ainsi en a décidé le parlement le 6 juillet 2011. Deux « citoyens assesseurs » siégeront aux côtés de trois magistrats, en première instance et en appel, et le nombre de jurés en cours d’assises sera réduit. Une phase d’expérimentation court jusqu’au 1er janvier 2014.
La loi est contestée dans ses motifs. Visant selon le chef de l’État à « rapprocher » les Français de leur justice, elle pointe du doigt, en réalité, le prétendu laxisme des magistrats en les flanquant de citoyens supposés plus sévères. À l’approche des élections, tandis que le gouvernement peine à expliquer l’augmentation de 21,2 % des atteintes aux personnes entre 2002 et 20101 , les magistrats font figure de bouc émissaire.
Reste le débat sur l’opportunité d’associer de simples citoyens à l’exercice de la justice. Parce qu’elle est rendue « au nom du peuple français », la justice doit-elle être rendue par le peuple? Parce qu’elle n’est pas que procédures et rappels au code, n’offre-t-elle pas déjà une métaphore du lien politique? L’expérience forte vécue par les jurés d’assises, inquiets de leur légitimité mais soupçonneux envers les juges professionnels (cf. Aziz Jellab et Armelle Giglio-Jacquemot), est significative d’une forme plus active de citoyenneté, que le constitutionnaliste Dominique Rousseau appelle à développer. Un enthousiasme partagé mais nuancé par le magistrat Michel Huyette, qui rappelle que la complexité du droit en fait un métier.