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Entre les médias et les habitants des banlieues, une nouvelle fracture est apparue. Déjà perceptible depuis quelques mois, elle était manifeste à Villiers-le-Bel (Val d’Oise) fin novembre : les journalistes n’étaient pas les bienvenus ! Outre celle avec la police – chaque accrochage se transformant en une vraie guérilla pour l’occupation d’un territoire –, c’est comme une ligne de brisure supplémentaire.
Les médias soupçonnent les habitants de refuser de voir la gravité de la situation : ils rassemblent tous les points de tension pour dresser le tableau d’une césure bien réelle. Ils soupçonnent les élus de ces quartiers d’occulter celle-ci. Ainsi, en juin dernier, quand un festival pour jeunes s’est achevé par d’importantes dégradations autour d’une gare, Le Monde titrait plusieurs jours après : « Des émeutes urbaines sont passées inaperçues » !
En 2005, les jeunes étaient heureux de voir donner un écho à leur colère, à leurs attentes. Aujourd’hui, ils voient l’irruption des journalistes avec la plus grande méfiance. De même, les animateurs de quartiers qui essaient de redonner aux habitants une certaine confiance dans les institutions, sont bousculés par la seule image renvoyée à ces habitants : celle d’un affrontement de plus en plus violent entre les « barbares des quartiers » et des forces de l’ordre massivement intrusives. Les médias accourent, donnant quelques bribes de parole aux uns et aux autres, qui alimentent la confrontation. Ils le font dans un souci d’équilibre, mais aussi à partir d’images qui réduisent les enjeux de la fracture. Les répercussions de cette mise en scène à laquelle ils contribuent sont lourdes pour l’avenir d’un quartier, d’une ville.