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Exporter la démocratie ? Répondre par l’affirmative au nom d’un universalisme de commande ne nous éclaire guère sur les modalités de la mise en œuvre et les obstacles parfois colossaux qu’un tel processus rencontre. Mais une réponse négative n’est pas plus satisfaisante car elle laisse en jachère le potentiel universel de la démocratie et néglige les demandes d’aide extérieure de ceux qui, localement, veulent faire avancer la cause démocratique. Au demeurant, l’absence de démocratie constitue aujourd’hui un obstacle au développement de bon nombre de pays arabes ou africains. C’est flagrant dans tous les pays rentiers dont les dirigeants n’ont guère besoin du consentement de leurs populations pour se maintenir au pouvoir. La rente leur permet d’acheter le silence de leurs concitoyens, quitte à les détourner de toute activité productive. Dans des pays pétroliers, les régimes en place préfèrent faire appel à une main-d’œuvre chinoise que de créer des emplois qui pourraient engendrer de l’organisation syndicale et de la contestation. L’idée en vogue il y a vingt ans selon laquelle ces pays auraient avant tout besoin de développement (sous-entendu et pas de démocratie) a volé en éclats : il n’y a dans ces pays ni développement ni démocratie. L’autre élément qu’il faut avoir à l’esprit tient au fait que la démocratie est devenue, comme l’avait prévu Tocqueville, un état social : elle exprime une demande spontanée de participation aux affaires de la cité et cela indépendamment du niveau de développement. Naturellement, ces observations ne rendent pas plus facile le passage ou la consolidation de la démocratie. Mais tout concourt à penser que la question de la démocratie dans le monde est bel et bien légitime.
Qu’est-ce que la démocratie dans son acception la plus simple ? Partons de ce que Adam Przeworski a appelé la définition minimale de la démocratie, c’est-à-dire le droit ouvert aux citoyens de changer leurs dirigeants par la voie des urnes, sans contraintes de nature à modifier ce choix. Nous ajouterons à cette définition le corollaire suivant : la démocratie est la procédure par laquelle un changement d’ordre politique exprimé par les urnes est corrélé à la peur réelle de ceux qui détiennent le pouvoir, de le perdre 1. Cette définition, de nature seulement procédurale (les élections), laisse de côté la dimension culturelle de la démocratie qui passe par le respect de l’autre, la tolérance ou le règlement stable et garanti des différends sociaux, etc. Or, même réduite à des procédures électorales, la démocratie n’est pas universelle. Certes, on compte à travers le monde un nombre considérable de pays où des élections sont organisées. Cela suffit-il ? Par exemple tous les pays arabes, ou presque, connaissent des processus électoraux. Mais aucun – à l’exception très partielle du Liban – ne peut être qualifié de démocratique, puisque les processus électoraux sont prévus de sorte qu’ils excluent une arrivée au pouvoir des islamistes, par exemple.
Le terme imagé d’exportation de la démocratie renvoie en réalité à deux processus différents : le recours à une force armée étrangère pour renverser un régime politique non démocratique et lui en substituer un autre, de nature démocratique ; la participation à la construction de ce que l’on appellera une « structure d’opportunités démocratiques », c’est-à-dire la mise en place d’un environnement international favorable à des mutations internes vers la démocratie.
L’implantation par la force de régimes démocratiques pose d’emblée un problème, car elle conjugue force et démocratie. Dans la mesure où la démocratie renvoie au consentement majoritaire, les chars et les urnes ne vont pas spontanément bien ensemble. D’autant plus que l’hypothèse selon laquelle les dictatures ne seraient que des bouchons, à faire sauter pour qu’éclate une démocratie mise artificiellement sous pression, n’est guère sérieuse. D’une part, parce qu’elle supposerait que la démocratie soit un état naturel simplement contrarié par les forces du mal. D’autre part, parce que toutes les dictatures sont les produits d’histoires nationales. Saddam Hussein fut certainement un dictateur abject. Mais on ne peut dire qu’il n’avait rien à voir avec l’histoire tragique de l’Irak. Cela ne signifie naturellement pas qu’il faille succomber au culturalisme éculé, « ces peuples ne sont pas faits pour la démocratie ». Mais cela ne doit pas non plus conduire à un faux anti-ethnocentrisme, à la Wolfowitz, qui balayait toute objection sur l’Irak par le trop facile « Pourquoi ne voulez-vous pas que les Arabes ne vivent pas en démocratie ? ».
En réalité, l’implantation de la démocratie par la force a été en définitive fort peu pratiquée. Au xviiie siècle, il y a eu les projets de la Révolution française, riches d’enseignements. Au xixe, cette modalité a pratiquement disparu au profit des conquêtes coloniales qui se voulaient plus civilisatrices que démocratiques. Certes, des démocraties ont été implantées en Amérique latine à cette époque mais elles le furent au bénéfice exclusif d’oligarchies d’origine européenne. Au xxe siècle, on n’a compté que deux tentatives d’exportation de la démocratie : le Japon et l’Allemagne. Au xxie, on en compte une seule pour le moment : l’Irak, avec le résultat provisoire que l’on sait.
De ces expériences, extraordinairement hétérogènes dans l’espace et dans le temps, on peut néanmoins tirer un certain nombre de leçons dont la principale est que l’exportation de la démocratie par la force échappe difficilement à une logique de domination. Le libérateur devient vite occupant. De ce point de vue, les expériences historiques de la Révolution française qui voulait « exporter la liberté » (à l’époque, on ne parlait pas de « démocratie ») résument de manière admirable les paradoxes du libérateur : puisque la liberté est une valeur à la fois universelle et suprême, seuls peuvent s’y opposer les ennemis de la liberté. Ainsi, la Convention, dans son décret de 1792, précise que « la nation française traitera comme ennemi le peuple qui refuse[rait] la liberté ou l’égalité » 2. Au nom de l’exportation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, on en vient à juger inutile de consulter les peuples eux-mêmes. En 1793, les armées de la Révolution occupent ainsi la Belgique, la Rhénanie et d’autres principautés qui toutes n’étaient pas favorables au rattachement à la France.
Au départ, le libérateur se dit respectueux des traditions locales. Mais dès que celles-ci entravent son action, il est amené à les réprimer. C’est paradoxalement le leader de la Terreur, Robespierre, qui fut, dès 1790, conscient des dérives de tout projet messianique. Pour lui, la liberté ne pouvait pas s’imposer de l’extérieur. Une fois au pouvoir, il bloquera donc le messianisme des Girondins en ne consentant à venir en aide aux Hollandais qu’à la condition expresse que le processus vienne des Hollandais eux-mêmes 3. Mais dès sa chute, le messianisme reprendra ses droits, d’autant qu’il n’était pas purement abstrait. La Révolution française cherchait désespérément à tirer un profit matériel de ses conquêtes révolutionnaires. En Belgique, elle créera même une « Agence d’extraction » dont le terme même se passe de tout commentaire.
C’est cependant à la faveur de la campagne d’Egypte que la Révolution française a donné la pleine mesure du lien indissociable entre libération et domination. En effet, la Révolution a formalisé (et mis en œuvre en Egypte) le concept, hypermoderne pour l’époque, de « retard politique ». Hypermoderne, car au lieu de succomber au relativisme ou au culturalisme, Turgot, qui en fut le premier inspirateur, développait l’idée selon laquelle le despotisme devait être combattu parce qu’il opprime la liberté des peuples, mais aussi parce qu’il les empêche de progresser économiquement. Selon Turgot, qui dépasse Montesquieu, pour combattre le despotisme, il ne faut pas hésiter à recourir à la force, seul langage compris par les despotes. Mais c’est l’orientaliste Volney qui théorisera, pour le compte indirect de Bonaparte, l’idée d’un siècle nouveau porté par de nouvelles valeurs qui détruira inexorablement tous les despotismes, dont le despotisme ottoman. Volney ne préconisait pas explicitement le recours à la force, mais il devenait de plus en plus difficile de ne pas y succomber.
Quand il débarque en Egypte, Bonaparte est imprégné de l’idée qu’il peut y faire de « grandes choses », avec la conviction que des « sociétés retardées » seraient plus malléables et n’auraient au fond rien à perdre, sinon leurs chaînes et leur misère. Le mélange est constant entre messianisme idéologique – faire triompher le droit des peuples qui mettra fin au despotisme et par là même au retard des peuples de la région –, domination scientifique et technique, héritée des Lumières, et calculs géopolitiques : faire barrage aux Anglais sur la route des Indes. Finalement, le projet de Grand Moyen-Orient de l’administration Bush repose sur des croyances très proches : abattre la tyrannie pour ouvrir la voie au développement, tirer avantage d’une supériorité technologique et économique pour libérer le pays et le remettre sur les rails, consolider les avantages pétroliers des Etats-Unis dans la région et affaiblir les adversaires régionaux de leur meilleur allié, Israël.
La conquête n’est jamais présentée comme une conquête mais comme une libération. « Malédiction aux Mameluks et bonheur au peuple d’Egypte », disait la proclamation de Bonaparte au Caire. Les troupes françaises étaient invitées à ne procéder ni à des viols, ni à des pillages ou des exactions, tandis que Bonaparte rappelle aux Egyptiens qu’ils n’ont rien à craindre et surtout pas pour leur religion qu’il aime 4. Il met en place des structures calquées sur les traditions locales, tout en réduisant la pression fiscale oppressive des Mameluks sur les paysans. « Nous apportons une liberté à un peuple qui ne peut la refuser tant est forte l’oppression qui pèse sur lui ». Fondamentalement, l’analyse de M. Bush en Irak se rattache au même type de discours. Et c’est sa prégnance qui empêche les Etats-Unis de comprendre ce qui leur arrive.
Pourquoi donc un tel discours finit-il par rencontrer tant de résistances, alors que sans aucun doute, l’oppression existait aussi bien dans l’Irak de Saddam Hussein que dans l’Egypte des Mameluks – d’ailleurs les conséquences sur la modernisation de l’Egypte ont été réelles sur le long terme, même si la campagne d’Egypte a tourné au fiasco ? Une première explication consiste à dire que le discours est libérateur mais la pratique coercitive. Elle n’est pas infondée. En Egypte, Bonaparte avait créé des structures de décision locales autonomes. Mais dans les faits, rien ne se faisait sans le consentement des Français. Avec un énorme paradoxe : Bonaparte parle de délivrer les Egyptiens de la tutelle des Mameluks, mais à l’époque le sentiment national n’existait pratiquement pas. Les Egyptiens se sentaient avant tout musulmans et voyaient avant tout dans les Français des Chrétiens. Bonaparte a ainsi contribué de manière décisive à créer un sentiment national que, naturellement, les Egyptiens ont retourné contre lui de manière spontanée et identitaire 5. En Irak, la situation est bien sûr différente. Le sentiment national existe depuis la création de l’Irak et n’a sans doute pas cessé de se renforcer jusqu’à la fin de la guerre contre l’Iran. Aujourd’hui, ce sentiment est surdéterminé par le facteur confessionnel. Pour les chiites, l’intervention américaine a été une bonne opération, même si ils ne peuvent l’admettre en public. Mais le rapport entre le libérateur et le libéré n’est pas réglé pour autant. Car leurs agendas politiques sont désormais radicalement opposés. Les Etats-Unis rêvent d’un régime démocratique et pluraliste qui respecterait les minorités et garantirait la répartition équitable des ressources entre communautés. Ils se voient donc comme les garants potentiels de cette démocratie consociationnelle. La majorité chiite a un tout autre objectif : elle veut assurer sa domination sur le pays, ce qui passe par la domestication des Sunnites et la clarification – y compris par la guerre – des rapports de force entre clans chiites. Tant que ces deux objectifs ne seront pas atteints, le gouvernement irakien ne demandera probablement pas le retrait des forces américaines. Mais d’ores et déjà, le conflit avec le gouvernement américain est patent. Les Etats-Unis rêvent d’un pouvoir fort qui se conformerait à leurs intérêts sans avoir besoin d’eux. Bagdad aspire à un régime islamiste chiite et n’a pas forcément intérêt au retrait des Américains tant que son objectif ne sera pas atteint. Les Etats-Unis finiront-ils par quitter l’Irak en héliportant, comme à Saïgon, les deux derniers ressortissants de la zone verte (l’expression est du sénateur américain Binden) ou devront-ils s’impliquer militairement dans la guerre civile ?
S’il n’y a pas de pré-requis culturel à la démocratie, il y a un pré-requis politique : l’existence d’un projet national capable de se réapproprier le projet démocratique. Le cas du Japon est de ce point de vue fort intéressant car il montre que le succès n’a rien à voir avec le degré de domination. Mac Arthur n’a jamais imaginé une seule seconde que les Etats-Unis devaient tenir compte des spécificités locales. Il tenait le peuple japonais pour un « peuple-enfant » auquel il fallait apprendre la démocratie. Il a simplement compris que, dans une société extraordinairement stratifiée, la clé était non pas de « détruire » l’Empereur mais de l’humaniser. De fait, les Etats-Unis n’ont nullement cherché à nier l’occupation. Ils ont, au contraire, tout fait pour que les Japonais ressentent l’occupation, l’intériorisent au point de juger le changement irréversible. Il s’agissait bel et bien d’imposer un changement par la force et par le haut au terme d’une occupation militaire. Certes, la plupart des spécialistes du Japon jugeaient illusoire l’implantation d’un régime démocratique au Japon, et la « démocratie » était sans doute un concept étranger à la majorité des Japonais. L’opération a pourtant réussi. Les explications de ce succès, jamais réédité en dehors du monde occidental, sont multiples. Mais il faut bien comprendre qu’en dépit de la guerre, la société japonaise restait une société très homogène et hiérarchisée, disposant d’atouts économiques considérables. La démocratie y était certes peu intériorisée, mais elle était l’option la plus attractive – et la seule disponible – pour les élites conservatrices, heureuses de retrouver l’autorité concédée aux militaires et dont l’autorité sur la population restait forte. Le système économico-politique qui avait conduit à la guerre fut totalement démantelé, sans que la « fabrique sociale » soit cassée. La démocratie n’était qu’une nouvelle trajectoire offerte à la société japonaise.
La situation de l’Irak est tout autre. Au Japon, la démocratie ne remettait pas en cause le projet national, alors qu’en Irak, « l’occupation démocratique » l’a fait éclater. Quand les Américains sont arrivés à Bagdad, tous les ingrédients de la guerre civile étaient déjà là : le pays n’était pas tenu par un parti structuré mais pas un appareil de terreur familial ; la société civile avait déjà été déstructurée par la répression ; le conflit entre sunnites et chiites n’avait cessé de s’exacerber depuis la première guerre du Golfe et les systèmes éducatif et économique étaient totalement délabrés. Certes, l’Irak n’était pas la Somalie. Mais le comparer à l’Allemagne ou au Japon, voire au Portugal, comme n’a cessé de le faire Mme Rice, montre l’ampleur du malentendu. On peut soutenir que la démocratie permet de régler pacifiquement les conflits d’une société hétérogène. Mais il faut pour cela qu’existe un consensus minimal entre les élites locales, garanti éventuellement par des acteurs extérieurs. C’est un peu le schéma libanais. Mais si l’Irak est une mosaïque, il est cependant peuplé d’une majorité chiite qui non seulement aspire à prendre un pouvoir qu’on lui a toujours refusé mais qui, de surcroît, ne voit pas son intérêt à composer avec ces mêmes sunnites. Le déséquilibre entre les deux composantes est trop grand pour qu’il y ait volonté de compromis. D’autant que les chiites bénéficient d’une structure d’opportunité régionale qui leur est plutôt favorable, compte tenu de l’influence iranienne dans la région.
De surcroît, tous les pays musulmans connaissent l’hypothèque du « projet islamiste ». Du Maroc à l’Indonésie, il veut être l’alternative aux autoritarismes, pour favoriser non l’avènement d’une société libérale, mais celui d’un « Etat islamique », forcément opposé à un projet démocratique.
Si l’implantation de la démocratie par la force est comme en Irak vouée à l’échec, faut-il renoncer pour autant à favoriser la démocratie dans le monde ? C’est la tentation de la politique française, qui a toujours nourri la plus grande méfiance vis-à-vis de l’exportation de la démocratie pour des raisons variées : mauvaise conscience coloniale, refus d’attiser la guerre des civilisations, préférence pour les autoritarismes plutôt que pour les islamistes, clientélisme diplomatique, protection d’intérêts économiques. Elle préfère les autocrates aux théocrates. Mais cette stratégie est vouée à l’échec : plus la France soutient les autocrates, plus elle renforce sur le long terme les théocrates. En Europe, la diplomatie française bloque systématiquement les initiatives destinées à contraindre les régimes autoritaires à plus d’ouverture, comme le montre l’exemple tunisien. Elle néglige ou méprise le dialogue avec les mouvements des droits de l’homme dès lors qu’ils sont en conflit ouvert avec les autorités. Nos ambassades agissent presque systématiquement comme les représentants des régimes. C’est d’ailleurs une vieille tradition du Quai d’Orsay, déjà vis-à-vis de l’Europe de l’Est, où la France n’a jamais pris la dissidence au sérieux.
Entre le recours à la force et le statu quo, il existe pourtant toute une gamme de mesures qui vont du dialogue avec les opposants au soutien à la société civile à travers le financement d’Ong, sans passer par l’État. Les programmes européens explorent très peu cette voie. Il est malheureusement à craindre que la France retienne les mauvaises leçons de la guerre en Irak : celles qui consistent à dire que décidément, la démocratie n’est pas à l’ordre du jour tant à propos des pays arabes et musulmans que de la Russie.
Or, dans tous les pays arabes, par exemple, les foyers d’autonomie sont systématiquement détruits. Les systèmes d’enseignement reposent sur une culture purement récitative propice à la réception des messages de propagande. Dans la plupart des cas, l’éducation se trouve sous-traitée aux islamistes conservateurs qui, dans un premier temps, s’emparent des systèmes éducatifs avant de les retourner contre les autoritarismes. La thèse, répétée ad nauseam par nos responsables nationaux sur les autocrates, remparts contre les théocrates, est une des plus absurdes qui soit. Car dans tous les pays, les autocrates préfèrent composer avec des théocrates que négocier avec des démocrates. Il n’y a aucun contre-exemple à cette réalité. Quant à l’idée selon laquelle, en ménageant les autocrates, on défendrait une certaine laïcité, elle est encore plus incongrue. En dehors de la Turquie, il n’existe aucun État musulman sécularisé. Les autocrates n’ont jamais trouvé le moindre inconvénient à ce que les islamistes contrôlent la société par le biais religieux, comme l’atteste l’exemple égyptien. Bien au contraire : ce qui les oppose aux islamistes n’a rigoureusement rien à voir avec la religion ou la place de celle-ci dans la société. Le conflit est un simple conflit de pouvoir.
Pour toutes ces raisons, il faut plus que jamais dénoncer les atteintes aux droits de l’homme, amplifier la collaboration entre États et Ong pour mettre à nu les mauvaises pratiques, engager le dialogue avec tous les opposants aux autocrates, coordonner notre action avec d’autres partenaires européens plutôt que de bloquer les initiatives destinées à contrer des régimes à la fois peu démocratiques et inefficaces. Entre le scénario irakien et la défense du statu quo, il existe une marge pour faire avancer la démocratie. Et le fiasco américain ne doit pas légitimer pour autant l’immobilisme français.
Zaki Laïdi
1 / . Adam Przeworski, « Minimalist concept of Democracy : a defense », in Democracy’s value Cambridge, Cambridge University Press, 1999. Zaki Laïdi, « Mondialisation et démocratie », Politique étrangère, n° 3 2001, pp. 603-618.
2 / . Cité in Michel Vovelle, Les Républiques-sœurs sous le regard de la Grande Nation, 1795-1803, L’Harmattan, 2000, p. 15.
3 / . Jacques Godechot, La Grande Nation. L’expansion révolutionnaire de la France dans le monde de 1789 à 1799, Aubier, 1983, p. 78.
4 / . Cité in F. Charles-Roux, Bonaparte, gouverneur d’Egypte, Plon, 1936, p. 44.
5 / . Voir Henry Laurens, Orientales I Autour de l’expédition d’Egypte, éd. du Cnrs, 2004, p. 153.