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Prédestiné ? Jamais Figure inspirante

Guillaume Benhamou, chez lui, à Vanves. © Christophe Cadiou
Guillaume Benhamou, chez lui, à Vanves. © Christophe Cadiou

Guillaume Benhamou est un hyperactif associatif. Il nous raconte comment le bénévolat lui a permis de dépasser son handicap et de sortir des cases.


Vous êtes bénévole depuis bientôt vingt ans. Comment tout a commencé ?

Depuis ma naissance, j’ai un handicap moteur très lourd. Et pour corser les choses, une maladie dégénérative s’est développée sur ma cornée lorsque j’avais 15 ans. Pendant presque deux ans, ma vue a baissé doucement et je ne m’en suis rendu compte que très tard. Trop tard pour être soigné correctement.

Mon école prenait en charge les jeunes handicapés moteur mais rien n’était prévu pour les déficients visuels. À 16 ans et 2 jours, j’ai été déscolarisé sans aucune perspective d’avenir enthousiasmante. Pendant plusieurs mois, j’ai été en errance totale. Au quotidien, j’allais toujours au collège sans pouvoir assister à aucun cours. Mon temps se partageait entre l’aumônerie et les cours d’informatique. Un jour, des membres de l’association Starting-Block sont venus animer une journée de rencontre entre une classe de jeunes valides scolarisés en milieu ordinaire et une classe de collégiens en situation de handicap moteur. Ils ont organisé des jeux culturels et sportifs. Pour une fois, on nous a permis d’aller au-delà de nos déficiences, de parler d’autre chose ! C’est alors que Starting-Block m’a proposé de devenir bénévole pour animer avec eux des ateliers sur le handicap. À 17 ans, j’avais déjà un contact assez facile avec tout le monde. Je me suis empressé de signer. Ce « oui » a changé ma vie.

Que vous apporte cet engagement associatif très fort ?

J’ai beaucoup appris et je continue d’apprendre. J’adore le fait d’être utile aux autres. Participer au conseil d’administration d’une association, gérer des équipes de salariés, préparer un projet, en déterminer les moyens nécessaires… C’est très formateur 

Je ne vis pas mon engagement dans le champ du handicap comme une revanche quelconque mais comme une véritable possibilité de changer les choses.

J’ai eu la chance de rencontrer des personnes avec des parcours très variés. Beaucoup plus diplômés que moi, travaillant au sein de ministères ou revenant de voyages extraordinaires… Ma mère et mes deux sœurs m’ont énormément soutenu pendant mon parcours. C’est aussi grâce à elles que j’ai pu acquérir une belle autonomie au quotidien et dans mon engagement associatif. Starting-Block m’a ouvert à des thématiques que je ne connaissais pas du tout, comme la solidarité internationale. Aujourd’hui, je choisis pleinement de m’engager dans le champ du handicap : je ne le vis pas comme une revanche quelconque mais comme une véritable possibilité de changer les choses.

Coprésident de Starting-Block, président de la Jeune chambre économique de Grand Paris Seine Ouest, bénévole pour Handirection du monde… les responsabilités ne manquent pas !

Si je relis mon parcours, j’ai beaucoup souffert d’un manque de reconnaissance officielle. On ne me l’a jamais directement dit, mais j’ai souvent senti qu’on me mettait en dessous des autres parce que je n’avais aucun diplôme. Le self-made man est peu reconnu en France : le niveau d’études est un vrai marqueur social.

J’ai toujours voulu aller au-delà de la vie à laquelle on me prédestinait. J’aurais pu passer ma vie dans un foyer d’accueil, à regarder la télé toute la journée. Mais cela ne me suffit pas !

J’ai toujours voulu aller au-delà de la vie à laquelle on me prédestinait. Je ne sais pas rester dans une seule case : on me dit dyspraxique, en situation de handicap moteur lourd… J’aurais pu passer ma vie dans un foyer d’accueil, à regarder la télé toute la journée. Mais cela ne me suffit pas !

Comment gère-t-on les moments de creux et de grosse fatigue ?

Je m’appuie sur plusieurs piliers. Les plus importants, à mes yeux, ce sont les amis, l’espérance et la capacité à garder le cœur ouvert. À certaines périodes de ma vie, j’ai vécu la stigmatisation. J’essaie de ne pas faire vivre la même chose à d’autres. La lecture, la réflexion, la prière m’aident aussi beaucoup.
Quand j’étais un peu plus jeune, j’étais très proche de la communauté de Taizé. C’est un lieu de ressourcement essentiel où de belles rencontres interculturelles se vivent dans une réelle bienveillance. Grâce à Taizé, je suis parrain aujourd’hui : j’y ai rencontré les parents de l’une de mes filleules.

À 35 ans, vous décidez de préparer un diplôme « Éducation thérapeutique du patient » à la Sorbonne et avoir le titre de « patient-expert »…

Lorsque j’ai posé ma candidature, je sortais de trois années compliquées, rythmées par de fortes douleurs musculaires. J’ai repris des études parce que je voulais avoir une vraie place : je ne suis pas uniquement patient et je ne veux plus subir un parcours de soins. J’ai besoin d’aller au-delà ! Malgré mon parcours, je n’ai pas de rancœur envers les soignants que j’ai rencontrés. Mais, si je peux faire de mon expérience une force et éviter à d’autres les obstacles que j’ai dû surmonter, tant mieux !

Cette formation à devenir « patient-expert » nous reconnaît la capacité à prendre du recul par rapport à nos pathologies.

Dans ma promotion, nous sommes vingt étudiants : dix professionnels et dix patients, comme moi. Cette formation nous reconnaît la capacité à prendre du recul par rapport à nos pathologies. À terme, je pourrai exercer en milieu hospitalier avec un triple rôle : aider les patients à prendre conscience qu’ils ont un réel savoir sur leur cas, trouver avec eux des outils pour rendre leur maladie chronique plus vivable, les accompagner pour qu’ils deviennent acteurs de leurs propres soins plutôt qu’uniquement bénéficiaires.

Comment ont réagi les professionnels de santé avec lesquels vous en avez parlé ?

Ceux qui me connaissent bien m’ont encouragé et ont compris la démarche. D’autres sont plus dubitatifs. On m’a souvent dit : « Ah ! Encore un patient qui a l’impression de tout savoir ! » Tant que je ne suis pas diplômé, je préfère ne pas réagir. Mais, dans un an, je leur dirai que leur vision du soin est dépassée : un patient formé, cela peut tout simplifier !

Depuis janvier 2020, vous êtes membre du Conseil national consultatif des personnes handicapées1. Est-ce une façon de porter la voix des personnes handicapées ?

Mon rôle y est de donner mon éclairage sur tous les avis rendus. Je peux, bien sûr, représenter la voix des personnes handicapées mais je ne veux pas devenir un porte-étendard. En général, je ne me reconnais pas beaucoup dans les discours assez larmoyants des grosses associations qui défendent les personnes handicapées. Même si j’ai conscience que tout n’est pas parfait et que je suis plutôt privilégié, nous sommes tout de même dans un pays où les choses avancent, doucement mais sûrement. Ayons la délicatesse de regarder ce qui se passe ailleurs, avant de nous plaindre.

Guillaume Benhamou lors d’une intervention en classe au profit de l’action « Rêves de gosse », en mai 2016. © Christine Delécluse

Vous êtes candidat sur une liste municipale, à Vanves. Qu’est-ce que cela représente ?

La chose politique m’intéresse depuis longtemps ; je m’y suis formé, entre autres, avec l’association « La politique, une bonne nouvelle » (PBN). C’est la suite logique de mes engagements associatifs : je cherche à rendre service à la cité. Je ne sais pas encore si j’y arrive pleinement, je manque un peu de recul.

Si je suis élu, je serai conseiller municipal en charge des affaires sociales et en coresponsabilité sur le handicap.

Pour les municipales, je n’ai rien demandé : on est venu me chercher. Si je suis élu, je serai conseiller municipal en charge des affaires sociales et en coresponsabilité sur le handicap. Je ne souhaitais pas être le seul à porter ce sujet, car il me semble important d’avoir aussi le regard d’une personne valide.

Comment la situation des personnes en situation de handicap évolue-t-elle en France ?

Les transports sont plus accessibles, en particulier les bus parisiens, les commerçants sont plus attentifs à la nécessité d’installer une rampe d’accès devant leurs boutiques… Je sens une vraie ouverture d’esprit. La semaine dernière, je n’ai pas pu entrer dans un restaurant. Il y a quelques années, personne n’aurait réagi. Ce jour-là, la patronne est venue me voir et m’a demandé comment rendre son restaurant accessible pour moi.

Que faut-il vous souhaiter pour la suite ?
D’obtenir mon diplôme universitaire et de le mettre au mieux à profit ! Je veux, par-dessus tout, continuer à avancer. Je ne sais pas encore dans quelle direction… Mais ça, je ne l’ai jamais su. Tout mon parcours s’est construit au gré des rencontres !

Dates clés

1984 - Naissance de Guillaume Benhamou.

1999 - Guillaume rencontre l’association Starting-Block.

2019 - Il s’inscrit pour le diplôme universitaire « Éducation thérapeutique du patient » et débute son mandat au Conseil national consultatif des personnes handicapées.

2020 - Inscrit sur une liste, il prend part à la campagne municipale à Vanves (92).

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1 Le Conseil national consultatif des personnes handicapées existe depuis vingt ans. Il a pour mission de rendre des rapports sur tous les projets de lois et textes officiels sur le handicap.


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