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Le Secours catholique vient de publier, ce jeudi 7 novembre, son rapport statistique annuel sur la pauvreté. S’intéressant entre autres à la réalité des personnes migrantes, il nous montre que la précarité s’aggrave de façon alarmante. Au-delà de ce sombre mais nécessaire tableau, le rapport met en avant le dialogue et la rencontre pour fonder une solidarité résiliente.
Le dernier rapport de l'INSEE, rassemblant les données de 2018 en France, nous informe en particulier que 9,3 millions de personnes seraient en situation de pauvreté, et que les inégalités et le taux de pauvreté augmenteraient1. Ce rapport n’a eu guère d'écho dans les médias, comme si la pauvreté n'était plus un sujet pertinent.
Que dire alors du rapport du Secours Catholique sur l'état de la pauvreté en France ? Que peut-il nous apporter de nouveau et de marquant ? Les pauvres nous dérangent, il est vrai. Et ils se cachent et fuient les enquêtes statistiques. Pour les statisticiens, ils n'ont pas de visages, ils forment seulement une catégorie parmi d'autres.
La force du rapport publié par le Secours Catholique est que chaque unité dénombrée dans les nombreux tableaux de chiffres représente une personne accueillie, rencontrée.
Mais la force du rapport publié par le Secours Catholique est que chaque unité dénombrée dans les nombreux tableaux de chiffres représente une personne accueillie, rencontrée par un des 66 000 bénévoles répartis dans près de 3 500 équipes aux quatre coins de la France. Ce sont 716 500 adultes, 631 000 enfants et 72 343 ménages qui ont un visage, une histoire unique, très souvent faite de souffrances et de larmes. Le rapport n'est pas d'abord une nième étude statistique, mais une sorte de livre de doléances pour ces personnes en grande précarité.
Et le premier constat des antennes d'accueil est bien celle d’une précarité qui s'aggrave de façon alarmante. Mais sommes-nous encore sensibles aux alarmes ? Elle s'aggrave non seulement en quantité, avec un accroissement des demandes d'aide, mais également en "qualité", avec l'apparition de nouvelles précarités.
Citons quelques constats du rapport : la présence de plus en plus de femmes - souvent seules avec des enfants - au sein des ménages français ; le vieillissement d’une population, française ou étrangère, qui vit dans la longue durée la précarité ; l'arrivée récente de couples étrangers - hommes et femmes - avec des jeunes enfants alors qu'auparavant les migrants étaient principalement des hommes adultes ; l'impossibilité croissante de proposer un emploi à tous ceux, de plus en plus nombreux, qui n'ont légalement pas le droit au travail ; la forte précarisation des familles avec enfants... et surtout la hausse de l'extrême pauvreté.
C'est le dialogue et la rencontre qui pourront changer le regard sur les personnes en précarité.
Un tableau aussi sombre devrait nous démobiliser mais il nous rappelle cette réalité que nous côtoyons dans la rue, près de chez nous ou à la télévision et qui fait écho à nos propres fragilités. Car peu de personnes sont à l'abri d'une possible précarisation due à la maladie ou à la perte d'un emploi.
Ce rapport, en mettant en avant la précarité des migrants rencontrés, affirme cette forte conviction : c'est le dialogue et la rencontre qui pourront changer le regard sur les personnes en précarité, migrants ou non, et fonderont une solidarité résiliente.
1 Flore Cornet, Michaël Sicsic, Indicateurs d'inégalités, INSEE analyses, n°49, octobre 2019