Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !
Logo du site

« Bon sens ne saurait mentir ? » (éditorial)


« C’est du bon sens ». Telle fut la réplique, lapidaire, de l’auteur pour le FMI d’un rapport sur l’économie française, interrogé il y a dix ans par un député sur le bienfondé de ses préconisations – réduire le salaire minimum, la couverture sociale et le nombre de fonctionnaires.

C’est au nom de ce même bon sens que les économies surendettées du Sud de la planète ont dû suivre, deux décennies durant, le remède de cheval prescrit par le FMI : dégraisser la fonction publique, vendre les actifs de l’État, ouvrir grand les frontières aux capitaux, biens et services étrangers, orienter l’agriculture vers l’export pour faire rentrer des devises… Faisant fi des spécificités de chaque pays et de la contestation sociale, la solution imposée était la même – forcément la bonne. Le bilan est connu. Funeste au plan humain. Vain au plan financier, car la dette a finalement dû être en partie annulée. Fallait-il sacrifier des dépenses sociales vitales sur l’autel de la dette ? En 2001, l’Argentine en faillite a préféré payer enseignants et infirmières plutôt que de rembourser les créanciers – d’obligations d’ailleurs contractées sous la dictature. Les prédicateurs de bon sens ont crié à l’hérésie. Buenos Aires avait-elle tort pour autant ?

Ce bon sens, que d’autres appellent réalisme, est aujourd’hui convoqué par une grande partie de la classe politique à l’appui de l’étranglement de l’économie grecque, comme des plans d’austérité qui se généralisent en Europe. David Cameron semble avoir fait sienne la devise de Margaret Thatcher, « There is no alternative », pour serrer la ceinture des Britanniques. Ailleurs, on est en passe d’élever au rang constitutionnel la soi-disant « bonne » politique économique. Celui qui objecterait à la règle d’or serait aussitôt taxé de démagogie.

Cette doxa, annihilant toute possibilité de débat, est une négation du politique. Or l’attitude à adopter face à la dette ne va pas de soi : ni les moyens de la rembourser ni, parfois, l’opportunité de l’honorer intégralement. Les Islandais l’ont compris. Si la politique ne relevait que du bon sens, alors pourquoi se rendre aux urnes ? Notre monde, confronté à des défis radicalement nouveaux et à la loi de marchés financiers erratiques, a plus que jamais besoin d’imagination. Les candidats à l’Élysée sauront-ils s’en souvenir ?

31 août 2011

Les plus lus

Les Marocains dans le monde

En ce qui concerne les Marocains, peut-on parler de diaspora ?On assiste à une mondialisation de plus en plus importante de la migration marocaine. On compte plus de 1,8 million de Marocains inscrits dans des consulats à l’étranger. Ils résident tout d’abord dans les pays autrefois liés avec le Maroc par des accords de main-d’œuvre (la France, la Belgique, les Pays-Bas), mais désormais aussi, dans les pays pétroliers, dans les nouveaux pays d’immigration de la façade méditerranéenne (Italie et ...

L’homme et Dieu face à la violence dans la Bible

Faut-il expurger la Bible ou y lire l'histoire d'une Alliance qui ne passe pas à côté de la violence des hommes ? Les chrétiens sont souvent gênés par les pages violentes des deux Testaments de la Bible. Regardons la Bible telle qu’elle est : un livre à l’image de la vie, plein de contradictions et d’inconséquences, d’avancées et de reflux, plein de violence aussi, qui semble prendre un malin plaisir à multiplier les images de Dieu, sans craindre de le mêler à la violence des...

Un héritage tentaculaire

Depuis les années 1970 et plus encore depuis la vague #MeToo, il est scruté, dénoncé et combattu. Mais serait-il en voie de dépassement, ce patriarcat aux contours flottants selon les sociétés ? En s’emparant du thème pour la première fois, la Revue Projet n’ignore pas l’ampleur de la question.Car le patriarcat ne se limite pas à des comportements prédateurs des hommes envers les femmes. Il constitue, bien plus, une structuration de l’humanité où pouvoir, propriété et force s’assimilent à une i...

Du même auteur

Chocolat amer

L’or brun. En Côte d’Ivoire, les fèves de cacao font vivre une bonne partie de la population. Mais elles aiguisent aussi les appétits. Non sans conséquences sur les fuites de capitaux, l’impossibilité de déloger la classe dirigeante et la violence  armée. C’est ce que révèle cette enquête… au goût amer. Un seul pays d’Afrique est leader mondial dans l’exportation d’une matière première a...

Pour une économie relationnelle

« On peut en savoir beaucoup sur quelqu’un à ses chaussures ; où il va, où il est allé ; qui il est ; qui il cherche à donner l’impression qu’il est ». À cette observation de Forrest Gump dans le film éponyme1, on pourrait ajouter : « Quel monde il invente ». Car l’analyse du secteur de la chaussure, objet du quotidien s’il en est, en dit long sur notre système économique. Un système qui divise. À commencer par les humains : quel acheteur est capable de mettre un visage derrière la fabrication ...

Libérons-nous de la prison !

Nous aurions pu, comme en 1990, intituler ce numéro « Dépeupler les prisons » (Projet, n° 222). Car de l’inventaire dressé alors, il n’y a pas grand-chose à retirer. Les conditions de vie en détention, notamment pour les courtes peines et les détenus en attente de jugement, restent indignes d’un pays qui se veut « patrie des droits de l’homme ». Mais à la surpopulation carcérale, on préfère encore et toujours répondre par la construction de nouvelles prisons. Sans mesurer que plus le parc pénit...

Vous devez être connecté pour commenter cet article
Aucun commentaire, soyez le premier à réagir !
* Champs requis
Séparé les destinataires par des points virgules