Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Où puiser notre énergie, et à quelles conditions? L’envolée durable du prix du pétrole (le pic de production a été atteint en 2006), la marée noire du golfe du Mexique et Fukushima posent violemment la question. Question qui défie nos démocraties.
Quelle est la bonne échelle de temps, lorsque les décisions sur l’avenir de l’écosystème sont confiées à des responsables à l’horizon obstrué par les échéances électorales? Lorsque les outils de navigation économique sont incapables d’intégrer le long terme – le gouvernement français sacrifiant par exemple le photovoltaïque à la rigueur budgétaire? Quelle échelle d’espace, lorsque la ruée vers les ressources limitées de la planète s’oppose à une gestion concertée du patrimoine commun? Ou lorsque la sobriété énergétique reste un choix marginal, alors que notre humanité vit au-dessus de ses moyens? En 2010, le capital écologique annuel était consumé dès le 21 août.
Or l’histoire des politiques énergétiques est celle d’une confiscation du débat public. Par les technocrates, quand en 1974 le choix français du nucléaire échappe même au débat parlementaire. Quand Jean-Louis Borloo délivre sans consultation, en plein Grenelle de l’environnement, des permis d’exploration du gaz de schiste, dont l’extraction est notoirement polluante. Par des multinationales qui se taillent la part du lion1 sur le dos des consommateurs, condamnés à subir les hausses de tarifs, mais surtout des pays producteurs. Fût-ce au prix de la santé des mineurs de l’uranium au Niger, d’un soutien aux dictatures birmane ou libyenne, voire de conflits. Confiscation par les marchés, enfin, dont la spéculation fait valser les cours de l’or noir au détriment, notamment, du monde rural. Mais, si ce débat est confisqué, n’est-ce pas aussi parce que nous y avons consenti? Sommes-nous prêts à consommer une énergie propre – dans tous les sens du terme? Et comment répartir les économies d’énergie?
Le Kényan Adnan Amir a pris le poste de directeur de la toute nouvelle Agence internationale des énergies renouvelables (Irena), « avec humilité et un grand sens de la responsabilité ». 87 % de l’offre mondiale d’énergie étant d’origine fossile, il lui faudra aussi de l’énergie… politique!
6 avril 2011