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Le président de la Guinée équatoriale condamné


Le jugement est exceptionnel. Vendredi 30 septembre, la 17e chambre du tribunal de grande instance de Paris a condamné pour procédure abusive Teodoro Obiang Nguema, président de la Guinée équatoriale depuis 1979, à verser 2500 euros à chacune des quatre personnes du CCFD-Terre solidaire qu’il poursuivait pour diffamation. Parmi eux se trouvait Jean Merckaert, rédacteur en chef de la revue Projet.

Teodoro Obiang n’avait pas apprécié d’être considéré comme un « dictateur », dans un rapport du CCFD publié en 2009 : Biens mal acquis, à qui profite le crime ? Ni de lire que sa fortune, « estimée entre 500 et 700 millions $ » « proviendrait du détournement de la rente pétrolière » ou encore que « 80% du revenu national serait monopolisé par l’oligarchie » (pp. 90-91).

En 2009, Teodoro Obiang avait ainsi porté plainte contre Guy Aurenche, président du CCFD, Catherine Gaudard, directrice du plaidoyer au sein de l’organisation et contre Jean Merckaert et Antoine Dulin, auteurs du rapport. Le but de Biens mal acquis, à qui profite le crime ? est d’interpeller les dirigeants et décideurs des pays du Nord sur la corruption qui prive les populations du Sud de ressources vitales, et sur la part de complicité dont ces pays font preuve en accueillant à bras ouverts ces capitaux d’origine illicite. Une précédente version du rapport, publiée en 2007, est à l’origine de l’affaire dite des « biens mal acquis ». Plusieurs associations, dont Survie et Sherpa, puis Transparency International, ont déposé plainte en 2007 et 2008 à l’encontre de trois chefs d’États africains et de leur entourage pour recel de détournement de fonds publics. Il s’agit du défunt Omar Bongo, Gabon, de Denis Sassou Nguesso, Congo-Brazzaville et de Teodoro Obiang Nguema, Guinée équatoriale.

La 17e chambre a accordé au CCFD le bénéfice de la bonne foi, soulignant « l’incontestable honnêteté intellectuelle » dont ont fait preuve les auteurs du rapport. Le tribunal a mis en avant le fait « qu’un responsable politique du plus haut niveau, et singulièrement un chef d’État, doit savoir souffrir la critique et la contestation, étant plus en mesure que quiconque de répliquer dans le registre qu’il s’est choisi : celui d’une exposition particulière aux exigences de l’opinion dont il sollicite les suffrages ou au jugement de laquelle il a décidé de se remettre. »

Dans un communiqué, le CCFD-Terre Solidaire « accueille très positivement cette décision de la justice française qui renforce la liberté d’expression des associations engagées dans la lutte contre la corruption, et crée un précédent en réponse aux tentatives d’intimidation de la part d’un chef d’État. » Pour Jean Merckaert, co-auteur du rapport, « la relaxe obtenue n’est pas une grande surprise, mais en condamnant financièrement le plaignant, ce qui est beaucoup plus rare, la justice française envoie un signe clair : elle refuse de perdre son temps à soigner les états d’âme des dictateurs ». Cependant, cette condamnation pourrait n’être que symbolique, comme le souligne Me Henri Leclerc, avocat du CCFD : « Je ne sais pas comment je vais faire exécuter la décision. » S’ils obtiennent la somme qui leur est due, Jean Merckaert et Antoin Dulin souhaitent que l’argent serve au peuple équato-guinéen.

Pour Me Olivier Pardo, l’un des avocats de la partie civile, « il ne fait pas bon être un pays africain devant la justice française ». Me Szpiner, également avocat de M. Obiang, « souhaite que le président fasse appel ». Un recours est en effet possible jusqu’au 10 octobre.

Parallèlement à cette procédure, l’enquête sur les biens mal acquis, menée par les juges Roger Le Loire et René Grouman s’accélère : mercredi 28 septembre, la police a saisi, dans un hôtel particulier de l’avenue Foch à Paris, onze voitures de luxe (Ferrari, Maserati, Porsche…) appartenant à Teodorino Obiang, fils de Teodoro Obiang et ministre équato-guinéen de l’Agriculture et des Forêts.

Le régime de Malabo affirme dans un communiqué, que « les actions judiciaires (…) menées en France coïncident avec une nouvelle campagne médiatique pour critiquer l’approbation du prix international Unesco-Obiang Nguema ». Ce prix scientifique, d’une valeur de trois millions de dollars, destiné à récompenser la recherche en sciences de la vie, a été créé en 2008 avant que l’UNESCO n’y renonce, suite à la mobilisation d’ONG et de l’archevêque sud-africain Desmond Tutu. Ceux-ci dénonçaient la corruption et les violations en matière de droits de l’homme du régime mis en place voici plus de trente ans par Teodoro Obiang. Mais Malabo tient à ce prix et en a imposé le réexamen. Sa validation a été plusieurs fois reportée. Les Européens et les Américains souhaitaient son annulation, alors que le groupe africain soutenait la position du gouvernement équato-guinéen. L’UNESCO, qui devait se prononcer ce mardi 4 octobre, a finalement remis la décision au printemps 2012. D’ici là, un groupe de travail doit être constitué pour examiner le dossier et trancher.

À un mois du G20 de Cannes, auquel Teodoro Obiang est invité en tant que président de l’Union africaine, Jean Merckaert s’interroge : « Alors que la justice française permet de parler du président équato-guinéen comme d’un dictateur qui s’enrichit sur le dos de sa population et qu’elle a saisi des biens lui appartenant, Nicolas Sarkozy va-t-il vouloir immortaliser une poignée de main avec Teodoro Obiang à Cannes, comme il l’a fait avec Kadhafi au début de son mandat ? »

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