Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
C'est la bonne nouvelle de ce début 2011, la soif de liberté fait trembler les dictatures. Allié objectif : internet. Hier qualifié de « Big Brother », Facebook et ses deux millions de comptes en Tunisie ont été un vecteur essentiel pour la révolution de jasmin. Avec aujourd’hui deux milliards d’internautes (huit fois plus qu’en 2000), il est encore difficile de mesurer la propagation du tsunami démocratique, qui fait des vagues jusqu’au Gabon où l’élection frauduleuse d’Ali Bongo en 2009 est désormais contestée frontalement. Même les digues élevées en Égypte, en Syrie ou en Chine où le mot « Égypte » a été bloqué, pourraient ne pas suffire à freiner l’inventivité des internautes – qui déjouent la censure cairote, ou appellent à la révolte en Chine par une vidéo d’animation sur les lapins !
Rejetons aussi la « cyberutopie » qui ferait du web une force naturellement émancipatrice. Car les États, ébranlés par les fuites (Wikileaks) et les réseaux contestataires, peuvent aussi retourner l’outil à leurs fins – fussent-elles de surveillance, de subversion à l’image des blogueurs soutenus par Washington dans les pays hostiles, ou de répression comme en Biélorussie1 . Nul besoin d’insister, non plus, sur l’emprise marchande exercée sur le web – qu’il ait fallu compter sur une décision de Google pour rétablir l’usage de Twitter en Égypte, laisse perplexe.
Le web interroge aussi d’autres institutions. En France, les ados y passent 3 heures par jour. Lieu de perdition ? Loin s’en faut, pour Serge Tisseron, qui y voit un terrain d’apprentissage et de quête identitaire, appelant une redéfinition du rôle des éducateurs. Émetteur d’un flot continu d’informations, internet secoue aussi la presse. Pour le pire quand il se fait l’écho des rumeurs et des extrémismes. Pour le meilleur quand, réinventant leurs pratiques, les journalistes y trouvent une parole plus authentique, ou une soupape de liberté (cf. Rue89).
En somme, internet n’efface pas la question des institutions, il la repose d’une façon nouvelle. D’autant plus radicalement qu’il s’appuie sur une soif inextinguible de liberté.2 février 2011