Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Ironie du calendrier : l'avenir de la planète est en discussion à Copenhague ces jours-ci, mais en France nous sommes invités à débattre de notre identité nationale... Alors que son organisation a tout juste commencé dans les départements, déjà des débordements et paroles malheureuses, tout à fait prévisibles, justifient la méfiance devant ce qui risque de tourner au déballage d'arguments préélectoraux. Le mélange des genres, l'assimilation du religieux au politique, par le biais d'une autre controverse sur les minarets dans laquelle le Président de la République lui-même s'immisce, renforcent la conviction que ce débat est pernicieux, entretenant une vision de l'identité vécue comme un repli.
En même temps qu'est lancée au pays de la Déclaration universelle des droits de l'homme cette « réflexion » parfois nationaliste – au mauvais sens du terme –, le gouvernement propose de réduire à la portion congrue l'enseignement de l'histoire dans les sections scientifiques des lycées : pense-t-il mieux préparer les élites futures à un prochain débat ?
Pourtant, comme l'a dit le rabbin Gilles Bernheim dans une belle tribune (le Monde, 29-29 novembre 2009), « l'école est le lieu décisif de la formation d'un esprit collectif ». Il aurait été sain et sans doute plus facile de proposer aux Français – y compris aux lycéens – de débattre ensemble de notre devise. Donner des définitions précises et discuter du sens que nous entendons donner aux trois mots liberté, égalité, fraternité, aurait permis l'expression d'une autre identité de la France : celle d'hommes et de femmes ayant un projet commun à construire ensemble et à assumer. Si l'égalité ne se réduisait pas à une égalité des chances qui masque l'accroissement des inégalités sociales, et surtout si la fraternité était autre chose qu'un mot, le débat sur ce qui fait la France serait réel et fructueux.
Je me réjouis que le sous-titre qui figure sur la couverture de Projet nous invite en permanence à construire par le débat et la réflexion « un avenir en commun ».
Bonne année 2010 !