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Que visons-nous en proclamant le principe d’une mixité sociale ? Que cherchent les politiques publiques au nom de cet objectif ? Plus d’égalité, valeur fondatrice de notre République ? Moins de ségrégation sociale, plaie sans cesse ravivée par la montée des inégalités ? Ou bien, assurer les conditions d’un métissage social et culturel rendu inévitable par la mondialisation ?
Pour répondre à ces questions, la généalogie du mot « mixité » que propose Elise Palomares est très éclairante : elle témoigne d’une préoccupation récurrente de la politique de la ville. Emergeant sous la forme d’une revendication à une « répartition équitable du fardeau » au moment où la situation des immigrés se constituait comme problème public, en passant par la notion bien peu scientifique de « seuil de tolérance » (contemporaine de la montée du Front national), l’invocation d’une mixité sociale cache souvent des débats que le modèle français d’intégration se garde d’aborder sur le fond.
« Un processus d’euphémisation en cascade sert à légitimer la fermeture de parc de logement public à des populations immigrés ». Elise Palomares en démonte le mécanisme dans une municipalité de la région parisienne. Thomas Kirszbaum souligne comment l’absence de débat entre les élus locaux, de droite comme de gauche, et avec leurs techniciens, favorise des pratiques contraires aux dispositifs de lutte contre la ségrégation urbaine comme la loi Besson.
Dans le numéro 287 , Projet avait déjà cherché les conditions « d’une mixité heureuse ». Aujourd’hui, la mécanique de l’ethnicisation des rapports sociaux est en route. Il est urgent de donner à ce débat à la fois une profondeur axiologique et une technicité qui modifient nos pratiques.