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A la fin du xviiie siècle, La Plaine-Saint-Denis, vaste territoire aux portes nord de Paris, était encore couverte de terrains maraîchers destinés à cultiver des fruits et des légumes pour l’alimentation de la capitale, et servait aussi de terrain de chasse très giboyeux. A partir du milieu du xixe siècle, lors du Second Empire, elle fut progressivement bien reliée avec l’Est (mines de fer) et le Nord (mines de charbon) de la France grâce à la construction de lignes de chemin de fer, ce qui facilita l’apport de matières premières. C’est ainsi que se développèrent rapidement de nombreuses usines métallurgiques et sidérurgiques à Saint-Denis et à Saint-Ouen. Et, en lien direct avec les abattoirs de la Villette tout proches, Aubervilliers se spécialisa dans l’industrie chimique (engrais, colles, etc.). Offrant près de Paris de grandes surfaces planes très accessibles, disposant d’eau en quantité pour faire fonctionner les machines, ce territoire devint vite le premier espace industriel de la région parisienne, du quartier Pleyel jusqu’au canal de Saint-Denis, et de la porte de la Chapelle jusqu’à la porte de Paris.
Comme dans toute la France, ces usines avaient grand besoin de personnel peu qualifié mais disposé à travailler dur. Les maraîchers vendirent progressivement leurs terrains aux propriétaires des usines et leurs cabanons aux ouvriers. Saint-Denis était la ville la plus peuplée de la Seine-banlieue1 à la fin du xixe siècle : sa population passa de 22 052 habitants en 1861 à 50 992 en 1891, soit un accroissement de 131 %. Cet essor démographique était essentiellement lié à l’immigration, notamment provinciale, de ruraux attirés par les perspectives d’emploi offertes par les grandes entreprises. Au début du xxe siècle, l’arrivée des Bretons fut massive ; ils avaient la réputation d’être de rudes travailleurs et on leur confiait les travaux les plus pénibles. La présence des Belges et des Italiens continua aussi à augmenter comme dans le reste du nord et de l’est de la Seine, de La Villette à Montreuil2 ; selon le recensement de 1911, les colonies italienne et belge de Saint-Denis comptaient respectivement 1 249 et 955 membres.
Ce recensement signale aussi, en bien moindre mesure, la présence d’Espagnols à La Plaine, côté Saint-Denis et Aubervilliers – 465 au total. Il s’agissait en grande majorité de très jeunes gens, dont plusieurs de moins de 13 ans, alors âge légal du travail. Des négriers, baptisés padrones3 par la presse, les faisaient venir pour travailler dans les grandes verreries Legras. Chaque réseau était très organisé, depuis le recrutement dans les campagnes du nord de la province de Burgos et du sud de la Cantabrie, jusqu’aux équipes d’enfants au travail, le transport et l’hébergement leur étant assuré contre la majorité de leur salaire ! Ils étaient si exploités une fois arrivés en banlieue nord, que Le Matin, journal socialiste, lança en 1912 une campagne de dénonciation, orchestrée par l’avocat Pierre Laval, alors membre de la Sfio. Il obtint la condamnation de six padrones tandis que le consulat d’Espagne rapatriait à ses frais les enfants de moins de 13 ans. Il y avait aussi des adultes ayant quitté la péninsule pour des raisons économiques : simples journaliers agricoles travaillant dans de grandes propriétés ou latifundios, ils ne gagnaient pas suffisamment pour entretenir leur famille. Souvent recrutés dans la province du Caceres en Estrémadure, ils s’employaient pour l’essentiel comme simples manœuvres. Avant les années 20, il s’agissait en général de célibataires ou d’hommes mariés venus seuls.
Mais le véritable déclencheur de la présence espagnole à La Plaine Saint-Denis fut la déclaration de guerre, à l’automne 1914. Pendant le conflit, des milliers d’hommes seuls vinrent d’Espagne, pays neutre, pour travailler dans les usines réquisitionnées pour l’effort de guerre. Ils rentrèrent pour la plupart au pays après l’armistice mais, face à la cherté des produits alimentaires et aux crises agricoles, nombre de ceux qui avaient connu La Plaine pendant le conflit y revinrent, cette fois accompagnés de leurs épouses, de leurs enfants, mais aussi de frères, de cousins et de voisins attirés par l’eldorado parisien. Des réseaux migratoires très denses se tissèrent ainsi entre certains villages de Vieille Castille, du Leon ou d’Estrémadure et la banlieue nord tout au long des années 20 et 30.
Apparut alors l’entrelacs des passages et des impasses de La Plaine, lotis contre les murs des grandes usines dans le tissu interstitiel disponible, afin de ne pas dépenser d’argent en transports. Les migrants espagnols bâtirent un véritable quartier, dénommé dès le tout début des années 20, la « Petite Espagne » par les résidents français et par les inspecteurs de la Sûreté. Ils y construisirent eux-mêmes des maisonnettes, donnant naissance à des courras4. Apparurent ainsi sur les plans de Saint-Denis et d’Aubervilliers les passages et impasse Boise, le passage Léon, le passage du Gaz, etc., qui n’existaient pas avant-guerre. Certains s’installèrent aussi dans d’anciennes remises de maraîchers ou dans de petits pavillons construits avant leur arrivée par des Bretons, dont notamment un certain Guillermot, qui leur louait au prix fort des appartements exigus et insalubres. D’autres Espagnols s’entassaient dans des immeubles de rapport de l’avenue du président Wilson. Outre la Petite Espagne proprement dite, délimitée par l’avenue Wilson à l’ouest, le canal de Saint-Denis à l’est, les gazomètres au nord5 et la rue du Landy au sud, de nouveaux microcosmes majoritairement espagnols s’implantèrent sur des terrains vagues, prenant la forme de quartiers en auto-construction en bois et en carton, essentiellement au carrefour Pleyel, au Franc-Moisin et au Cornillon à Saint-Denis, le long du canal à Aubervilliers.
Les mairies n’intervinrent pas pour viabiliser la Petite Espagne car les sols ne leur appartenaient pas. En effet, les baraques avaient généralement été construites sur des terrains toujours en possession d’anciens maraîchers auxquels ils versaient un loyer semestriel ou annuel6. Il n’y avait donc ni eau courante, ni réseau d’évacuation des eaux usées, ni gaz, ni électricité dans les passages… Il fallait ainsi aller chercher l’eau au coin des rues du Landy et de la Justice, à des bornes fontaines, situation qui dura pratiquement jusqu’au milieu des années 50. Cette tâche ingrate incombait aux mères de familles primo-migrantes qui, dans leur grande majorité, ne travaillaient pas à l’extérieur de leur foyer et s’occupaient essentiellement de l’éducation de leurs enfants, souvent nombreux. La plupart d’entre elles n’apprirent jamais le français car elles sortaient très rarement du quartier. Si, dans un premier temps, certains commerçants français de La Plaine apprirent quelques mots d’espagnol pour réussir à satisfaire leur clientèle, assez vite, toute une série de commerces « ethniques » s’y ouvrirent : épiceries vendant de l’huile d’olive, des pois chiches et de la morue, coiffeurs, petite entreprise familiale de chorizo artisanal…
Déjà du temps d’Alphonse XIII7, la presse socialiste tant française qu’espagnole dénonçait les conditions de vie infra humaines de ces immigrés : paysages spectraux, odeurs pestilentielles, promiscuité et entassement dans des logements fortement insalubres et parfois sujets à de terribles incendies… En 1913, le roi envoya en mission l’un de ses chapelains, Mgr Palmer, membre de la congrégation des Clarétains pour voir comment y remédier. Il obtint d’un riche Espagnol l’achat d’un terrain pour construire une église, rue de la Justice à La Plaine, au cœur même de la Petite Espagne. Après la Première Guerre mondiale, une riche mécène fournit l’argent pour y construire la chapelle Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus (consacrée en juin 1923) et le patronage du Hogar. Sur ce vaste terrain furent aussi construits une salle de spectacle, puis un dispensaire réservé aux immigrés espagnols.
Ces migrants, arrivés en majorité de milieux ruraux, étaient très pieux et fréquentaient de manière assidue cette paroisse : chaque dimanche, la messe réunissait plus de 200 personnes. Les pères clarétains assuraient les baptêmes, les confirmations, les mariages et les enterrements mais apportaient aussi une importante aide sociale, dans la ligne de l’encyclique Rerum Novarum (1891).
Les riverains français – qui ne se gênaient pas pour écrire anonymement ou non aux maires et à la Préfecture de Police – et la presse critiquaient cette immigration espagnole, dénonçant la taille trop élevée des familles, la promiscuité, la saleté, et une violence supposée8… Or, durant la même période, les mains courantes du commissariat de La Plaine et les rapports de la Sûreté générale faisaient état d’une population « tranquille » et de peu de conflits tant au sein de la colonie qu’avec les voisins italiens ou français. D’ailleurs, une sociabilité de village se développa faite de solidarités quotidiennes et ponctuée de fêtes religieuses (Pâques, Noël) ou profanes (Premier de l’An, Premier Mai). Malgré la vie en vase clos des parents, l’intégration de cette population se passa bien : outre l’ascension sociale notable des enfants par rapport à leurs parents, on note que le nombre de mariages mixtes avec des Français fut très important9. L’école, l’usine, le bal, le syndicat ou la cellule du Pcf furent des lieux d’intégration et de rencontres entre les jeunes descendants d’Espagnols et les Français.
En avril 1931, les premières mesures du gouvernement de la Seconde République espagnole consistèrent en une augmentation des salaires et en l’adoption de la journée de huit heures, ce qui, ajouté aux promesses de réforme agraire, conduisit de nombreux Espagnols de La Plaine à rentrer au pays à partir de 1932-1933, dates auxquelles la crise économique mondiale frappait de plein fouet l’industrie française, entraînant, suite à la loi sur les quotas de salariés étrangers dans l’industrie d’août 1932, de très nombreux licenciements – lors du recensement de 1936, 50 % des hommes espagnols en âge d’être actifs de Saint-Denis étaient au chômage. Ensuite, dès le début de la guerre civile, en juillet 1936, la grande majorité de la communauté prit fait et cause pour la République et se détacha des prêtres de la paroisse qui, eux, firent allégeance aux insurgés nationalistes. Au moins 30 jeunes hommes d’origine espagnole partirent se battre dans le camp républicain et, à La Plaine même, des réseaux d’appui, soit aux communistes, soit aux anarchistes, s’organisèrent activement. En 1939, après la victoire de Franco, les familles de la Petite Espagne se mobilisèrent pour accueillir des réfugiés de l’armée républicaine. Sous l’Occupation, plusieurs Espagnols du quartier participèrent à la résistance. En septembre 1941, une importante rafle fut organisée par la police française et la Gestapo : des militants furent arrêtés, certains fusillés, d’autres déportés. Cette participation active à la résistance fut un facteur important d’intégration dans l’après-guerre, les municipalités communistes ne manquant pas d’honorer les « martyrs » espagnols.
Dans les années 45-55, les membres de la deuxième génération commencèrent à quitter La Plaine, surtout quand ils s’étaient mariés hors de la communauté et commençaient à jouir d’une ascension sociale. Contrairement à leurs pères, restés pour la plupart simples manœuvres toute leur vie, les garçons acquirent de véritables métiers dans l’industrie tels ajusteur, mécanicien ou fraiseur, alors que les jeunes filles entrèrent presque toutes sur le marché du travail, parfois dans l’industrie, mais majoritairement dans les services comme secrétaires, dactylos, standardistes, aides-comptables… Ils cherchèrent des quartiers plus agréables, répondant aux nouveaux critères d’hygiène ; certains s’installèrent dans les tout nouveaux appartements du parc Hlm, d’autres dans des pavillons d’autres communes des banlieues nord ou est… Mais l’arrivée de nombreux exilés républicains (Espagnols déportés en Allemagne pendant la guerre, exilés politiques antifranquistes) combla ces départs. On assista d’ailleurs à de nombreux mariages entre filles de migrants « économiques » de l’entre-deux-guerres et jeunes exilés républicains, auréolés du prestige de leurs combats contre le fascisme en Espagne puis parfois dans les maquis français. En outre, dès le milieu des années 1950, l’ancienne colonie fut rejointe par les gros bataillons de la nouvelle immigration « économique »10 et les liens avec les provinces d’origine se renouèrent peu à peu, notamment avec la province de Caceres. En 1968, avec 607 000 personnes recensées, les Espagnols constituaient la plus importante nationalité étrangère en France, ravissant la première place aux Italiens pour la première fois depuis le début du siècle.
Faute de logements en nombre suffisant à la Petite Espagne même, des lotissements sauvages en auto-construction connurent un grand développement dans les quartiers alentour. Ainsi, fin 1965, selon la municipalité de Saint-Denis, le bidonville du Cornillon comptait 500 à 600 habitants, dont environ 200 enfants, très majoritairement d’origine espagnole ; ils habitaient des baraques de goudron bitumineux, des roulottes, de vieux camions… Au début des années 1970, ce bidonville, comme celui du Franc-Moisin, fit l’objet d’une importante campagne de résorption, à travers la construction de grands ensembles Hlm, ce qui entraîna de nombreux relogements.
Parallèlement, La Plaine vit arriver des populations nouvelles. Les Espagnols qui la quittaient furent remplacés dans un premier temps par des Algériens, puis des Portugais venus construire l’autoroute A1 et les cités Hlm. A la fin des années 50, ces ouvriers algériens furent logés par douzaines dans les petits appartements de deux pièces où vivaient auparavant les familles espagnoles – le Breton Guillermot alla même jusqu’à demander à ses locataires espagnols de vider leurs caves pour y entasser des Algériens. D’après les témoignages recueillis, la coexistence avec les Portugais se passa plutôt bien, entraînant d’ailleurs des mariages intercommunautaires ; en revanche, les Algériens, en majorité des hommes seuls, furent souvent victimes de xénophobie, tant parce que certains maris espagnols craignaient qu’ils ne leur « volent » leurs femmes ou leurs filles, qu’à cause de l’ancien atavisme datant de la Reconquête de l’Espagne contre les « moros » tout au long du Moyen-Age.
Puis, dans les années 80-90, à l’heure de l’accélération de la mondialisation, alors que les petites baraques et les bâtiments de guingois, parfois frappés de démolition depuis l’entre-deux-guerres par des arrêtés municipaux ou préfectoraux, allaient en se détériorant, La Plaine vit arriver de nouvelles vagues de migrants venus du monde entier. Tout d’abord, des Cap-Verdiens ont souvent remplacé les Portugais, notamment du côté d’Aubervilliers, profitant de loyers à bas prix ou squattant les maisonnettes laissées à l’abandon. Aujourd’hui, on trouve aussi des Sri lankais, des Bengalis et des Maliens installés dans des bâtisses plus que précaires dans la partie sud de la rue Cristino Garcia12, alors qu’au nord, grâce à la manne financière apportée par la construction du Stade de France, les friches industrielles qui défiguraient le paysage depuis les grandes fermetures d’usine des années 75-80 et les anciennes baraques des Espagnols ont été rasées pour laisser la place à des immeubles résidentiels privés ou de standing et à un parc social sous forme de petits pavillons individuels. En outre, dans les interstices de ces espaces, plusieurs bidonvilles/camps de tsiganes roumains voient périodiquement le jour pour des durées plus ou moins longues, se déplaçant au fur et à mesure des travaux de réhabilitation, ce qui ne va pas sans rappeler les quartiers en auto-construction des Espagnols de l’entre-deux-guerres et les grands bidonvilles du Cornillon et du Franc-Moisin des années 60-70.
La coexistence des migrants à La Plaine est donc à l’image de l’histoire des migrations en France. Attirés mais non pris en charge par la plus grande zone industrielle de la région parisienne jusqu’aux années 70-80, ils durent s’auto-organiser pour s’installer et vivre. Dans un premier temps, ils utilisèrent pour s’implanter les ressources de leur famille et des réseaux qui les avaient fait venir. L’école et le travail permirent une vraie intégration aux enfants des migrants italiens ou espagnols arrivés dans l’entre-deux-guerres qui profitèrent de l’élan de la reconstruction et des Trente Glorieuses. Mais ceci ne doit pas faire oublier des rapports de pouvoir violents entre les communautés pour l’accès au logement, puis au travail, quand celui-ci devint rare. Ainsi, contrairement aux migrants français, belges, italiens et espagnols, implantés de longue date et peu à peu insérés dans le tissu social, les immigrés des dernières vagues ont été confrontés à de nouvelles difficultés. La crise économique qui débuta en 1973 à l’échelle mondiale entraîna le licenciement de nombreux immigrés, algériens notamment, et la fermeture des frontières à l’immigration de travail, ce qui, en parallèle, conduisit à la mise en place du regroupement familial. Or, les jeunes arrivés ou nés en France dans les années 80-90 n’eurent pas les mêmes opportunités de travail que leurs prédécesseurs et furent souvent confrontés à une « image du père » dévalorisée parce que chômeur…
En un jeu de miroir troublant, certains membres de la deuxième génération espagnole de l’entre-deux-guerres décrivent le quartier actuel en des termes similaires à ceux que leurs voisins français employaient contre eux à l’époque (saleté, bruits, trop d’enfants…) alors qu’ils mythifient une jeunesse qui, bien que marquée par une intense solidarité communautaire, fut souvent loin d’être rose.
Télécharger ci-dessous la carte (en format Pdf) : « La Plaine-Saint-Denis : équipements publics existants et projets ». Source : Plaine Commune.
Aubervilliers_Saint Denis_La Courneuve
1 Jusqu’à l’application de la réforme administrative de 1968, les actuels départements de la petite couronne n’existaient pas, mais étaient regroupés dans celui de la Seine, divisé entre Paris intra muros et la banlieue.
2 Voir M.-C. Blanc-Chaléard, P. Milza, Le Nogent des Italiens, Paris, Autrement, 1995 ; J. Rainhorn, Paris, New York : des migrants italiens années 1880-années 1930, PUF, 2007.
3 L’utilisation de ce terme italien est liée au fait que ces pratiques ont tout d’abord eu cours au sein de la colonie italienne.
4 Néologisme typique du « fragnol » de La Plaine : au lieu d’utiliser le mot espagnol patio, les immigrants ont « castillanisé » le mot cour français. Ils disaient de même rua, chambra, poubela...
5 Actuel emplacement du Stade de France.
6 Cette situation entraîna des imbroglios juridiques sans fin pratiquement jusqu’à nos jours, empêchant beaucoup de personnes de vendre leur maison (les baraques furent largement améliorées au fil de tout le xxe siècle).
7 Roi d’Espagne de sa naissance en 1886 (sous la régence de sa mère María Cristina) à son départ du trône en avril 1931 quand les partis républicains remportèrent des élections municipales, le convainquant de quitter le pouvoir, donnant lieu à l’instauration de la Seconde République espagnole.
8 Ainsi, en mai 1938, dans Le Temps, quotidien de référence de l’époque, le journaliste Raymond Millet écrivait : « À La Plaine-Saint-Denis, je sais un bourg espagnol, un labyrinthe de ruelles et d’impasses où des haillons multicolores sèchent aux fenêtres des masures. De mois en mois les immigrés nouveaux et la descendance des matrones prolifiques annexent d’autres bicoques, les badigeonnent de couleurs vives, y plaquent aux flancs des murs lézardés quelques balcons de bois, des escaliers extérieurs, des baraquements où bientôt grouillent des poules, des lapins, des marmots. » (C’est moi qui souligne).
9 D’après nos calculs à partir des registres de baptêmes de la paroisse Sainte-Thérèse de l’Enfant Jésus, les hommes et les femmes baptisés à La Plaine à partir de 1923 ont épousé religieusement des Français à plus de 75 % ; pourcentage qui doit être encore plus élevé si on tenait compte les mariages civils.
10 Lors des interviews, il est apparu que beaucoup avaient aussi des raisons politiques de quitter l’Espagne, notamment parce qu’ils étaient ostracisés comme membres de familles de « rouges ».
11 Titre emprunté à l’article « De la “ville rouge” à la “ville monde” » de Anfrie S., in Socio-Antrhopologie n° 16, « Ville-Monde », 2005.
12 En mars 1946, la municipalité communiste de Saint-Denis débaptisa la rue de la Justice, rue de la paroisse et cœur du quartier espagnol et lui attribua le nom de Cristino Garcia, ancien commandant d’une compagnie de résistants espagnols fusillé avec douze de ses camarades à Madrid en février 1946 alors qu’il y dirigeait les activités du Parti communiste espagnol clandestin.