Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Etonnant retour de balancier ! Jusqu’à la mise en place de l’Etat Providence, les territoires étaient le cadre premier de la solidarité. La paroisse, puis la commune étaient responsables de l’aide sociale. La naissance de la protection sociale nous a fait dépasser ce cadre. Le « support salarial » (Robert Castel), la contribution à une même société ont inscrit la solidarité dans une perspective de « droits » et non plus d’assistance. En même temps, les questions sociales ont été détachées d’une approche caritative pour être pensées en termes de risques, pesant sur chacun à tel ou tel moment. Elles ont été segmentées.
Or ce modèle « déterritorialisé » est en difficulté. Et l’on retrouve les vertus du territoire, lieu d’une fraternité plus proche.
Il faut « réencastrer » la solidarité. D’autant que les précarités nouvelles, l’intégration de populations diverses, la marginalisation, appellent des réponses autres.
La volonté d’agir sur l’environnement, et non plus d’ouvrir un droit abstrait à une prestation, rejoint les critiques adressées à une énorme machine jugée aveugle et inefficace. Face à l’ébranlement des autres supports (dont le salariat), le territoire est considéré comme le premier levier pour une meilleure intégration. La décentralisation de l’action sociale rejoint à la fois le désir d’une démocratie de proximité et les critiques devant une solidarité contrainte.
Pourtant, la lutte contre les inégalités déborde cette approche territoriale, qui pourrait renforcer aussi une vision libérale, privilégiant la concurrence entre acteurs locaux pour répondre aux programmes décidés par les élus. Les contrepouvoirs habituels (associations, partenaires sociaux…) trouveront-ils une place pour soutenir cette solidarité du territoire ? Et pourront-ils peser sur des politiques qui concernent l’emploi, le foncier, la sécurité, domaines dont les contours sont à une autre échelle ?