Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !
Logo du site
Dossier : Justice : la prison vaut-elle la peine ?

Qui se trouve derrière les murs de nos prisons ?

La prison de Fresnes, 17 avril 2011
©Lionel Allorge CC BY-SA 3.0
La prison de Fresnes, 17 avril 2011 ©Lionel Allorge CC BY-SA 3.0

Les statistiques pénales sont abondantes. Pourtant, peu de personnes connaissent la réalité intramuros. Le monde carcéral reste invisible au plus grand nombre.

On condamne de plus en plus. De 1990 à 2009, le nombre de condamnations pour crimes ou délits a progressé de 19 %1. En 2016, plus de 580 000 condamnations ont ainsi été prononcées2. La nature des délits sanctionnés (environ 60 % des condamnations) s’est largement transformée : davantage de condamnations pour infractions à la sécurité routière (40 %), violences aux personnes (18 %), stupéfiants et outrages (19 %), moins pour les atteintes aux biens (21 %). On constate une forte progression à leur encontre des peines avec mise à l’épreuve, qui ont triplé. Une condamnation sur trois (35 %) se traduit par une amende (de 467 euros en moyenne), une sur 10 par une peine alternative. En 2016, il y a eu 16 300 condamnations à un travail d’intérêt général, 7 800 suspensions du permis de conduire, 23 500 sanctions éducatives et autant de prononcés de « jour amende ».

On emprisonne de plus en plus3. Si l’amende et la peine de prison avec sursis total restent les deux principales sanctions (35 % et 28 %), l’emprisonnement ferme (avec sursis partiel ou sans sursis) continue de représenter 25 % des peines prononcées. Le nombre de personnes écrouées détenues (certains écroués, comme les porteurs de bracelets électroniques, sont hors prison) ne fait que croître depuis 1990. Il a dépassé les 70 300 détenus en avril 2018 pour 59 400 places (118 % d’occupation). 30 % sont des prévenus et 70 % des condamnés. En 2016, près de 100 000 personnes sont entrées en prison et 80 000 en sont sorties.

On emprisonne de plus en plus longtemps4. 87 300 années d’emprisonnement ferme pour près de 130 000 condamnations (avec emprisonnement ferme) ont été prononcées en 2016 : un record depuis les années 19905. En 2016, le quantum (la durée) moyen d’emprisonnement ferme est de huit mois et six jours, autre record absolu. Alors que la part des condamnations de moins de quatre mois ferme (60 % des peines d’emprisonnement en 2004) est descendue sous la barre des 50 % en 2014, la part des peines d’emprisonnement ferme supérieures à deux ans (non aménageables) oscille entre 4 % et 5 % chaque année et reste stable depuis 2013.

On emprisonne les soi-disant plus dangereux6. Sur 100 personnes condamnées à de la prison ferme, 32 ont porté atteinte aux biens, 21 sont des conducteurs en infraction, 15 se sont attaqué à des personnes, 12 sont liés au trafic de stupéfiants et 13 se sont rendus coupables de violences sexuelles. 40 % d’entre elles sont des « récidivistes légaux » ou des « réitérants » ayant déjà été condamnés dans un délai maximum de cinq ans pour un autre délit. Mais est-ce que ce sont les récidivistes qui vont en prison ou la prison qui produit des récidivistes ? Entre 1980 et 2014, la part des condamnés pour vol simple est passée de 38,5 % à 8,9 %7, alors que celle des violences volontaires (y compris sur mineur) est passée de 7,8 % à 27,8 %.

Une prison de plus en plus française. La population carcérale regroupe 2 400 femmes (3,5 %), mais aussi 772 mineurs en prison (1,1 % de la population carcérale), dont 601 prévenus8. Le nombre d’étrangers9 est resté stable depuis les années 1990 (autour de 16 000 étrangers ces dernières années), d’où une réduction de leur part dans la population emprisonnée (de 30 % en 1992 à 20 % en 2017).



Les plus lus

Les Marocains dans le monde

En ce qui concerne les Marocains, peut-on parler de diaspora ?On assiste à une mondialisation de plus en plus importante de la migration marocaine. On compte plus de 1,8 million de Marocains inscrits dans des consulats à l’étranger. Ils résident tout d’abord dans les pays autrefois liés avec le Maroc par des accords de main-d’œuvre (la France, la Belgique, les Pays-Bas), mais désormais aussi, dans les pays pétroliers, dans les nouveaux pays d’immigration de la façade méditerranéenne (Italie et ...

L’homme et Dieu face à la violence dans la Bible

Faut-il expurger la Bible ou y lire l'histoire d'une Alliance qui ne passe pas à côté de la violence des hommes ? Les chrétiens sont souvent gênés par les pages violentes des deux Testaments de la Bible. Regardons la Bible telle qu’elle est : un livre à l’image de la vie, plein de contradictions et d’inconséquences, d’avancées et de reflux, plein de violence aussi, qui semble prendre un malin plaisir à multiplier les images de Dieu, sans craindre de le mêler à la violence des...

Aux origines du patriarcat

On entend parfois que le patriarcat serait né au Néolithique, près de 5 000 ans avant notre ère. Avant cela, les femmes auraient été libres et puissantes. Les données archéologiques mettent en doute cette théorie. De très nombreux auteurs, de ce siècle comme des précédents, attribuent la domination des hommes sur les femmes à l’essor de l’agriculture, lors du Néolithique. Cette idée est largement reprise dans les médias, qui p...

Du même dossier

Justice restaurative : le dialogue avant la peine

Réparer les liens brisés en nouant d’improbables dialogues. Telle est l’ambition de la justice restaurative. Bien qu’inscrite dans le Code pénal depuis 2015, elle reste encore confidentielle en France. Mais en quoi consiste-t-elle au juste ? La justice restaurative, une alternative à la justice pénale ? Elle postule que, dans un crime ou un délit, au-delà d’une atteinte à la loi, il s’agit de liens qui se sont brisés. Liens entre celui qui a commis l’infraction et sa victime et liens avec l’ense...

Pourquoi punir ?

Punir nous est longtemps apparu comme la seule manière de traiter la personne qui avait enfreint la loi. Quelles justifications ont donc servi à légitimer la peine au fil des siècles ? Pourrions-nous faire autrement que de châtier et de mettre à l’écart le contrevenant, temporairement ou définitivement ? Punir celui qui enfreint les lois semble tout naturel. Et la punition a traversé les siècles et les continents sans faiblir. Les justifications, quant à elles, ont suivi les tendances philosophi...

Efficace, la prison ?

La détention accentue les dysfonctionnements de la société. Dès lors, il y a urgence à réformer le système pénal pour que la réinsertion ne soit pas un vœu pieux. Cela passe, notamment, par une prise en compte de l’ensemble des dimensions de la personne détenue. « Voilà comment on fait de la prison l’antichambre de la récidive qui atteint 40 % pour les délits. Les prisons françaises sont souvent des lieux où la violence s’exerce contre les surveillants, entre les détenus et à chaque fois au dé...

Du même auteur

Imposture du Nimby

L’adoption de la loi « immigration » par le Sénat et le Parlement français, le 19 décembre 2023, a été vécue comme un séisme par l’équipe du Ceras et de la Revue Projet. Avec soixante associations regroupées dans le Pacte du pouvoir de vivre, elle a dénoncé ce vote qui « a fait sauter des digues républicaines majeures et tourne le dos aux valeurs de la République en s’appuyant sur les idées portées par l’extrême droite ».Cette loi est « synonyme d’exclusion et d’atteinte aux droits notamment po...

On n’enferme pas l’eau

Pourquoi le projet des méga-bassines de Sainte-Soline a-t-il généré tant de violences ? Cette question, je l’ai entendue maintes fois. Pour tenter d’y voir clair, je me suis plongé dans le livre de Franck Galland, Guerre et eau. L’eau, enjeu stratégique des conflits modernes (Laffont, 2021). Cet ouvrage, écrit par un expert en stratégie militaire, m’a évoqué le mouvement des « enclosures », ou appropriation des communaux, à la fin du XVIe siècle, en Angleterre.Avant les enclosures, les terres a...

« Des compétences pour accueillir le monde »

Par son extrême diversité, la population de Seine-Saint-Denis constitue l’une des clés de la réussite des Jeux de 2024, assure Emmanuel Constant, vice-président départemental en charge du dossier olympique.  Était-il prévu à l’origine que la Seine-Saint-Denis occupe une place aussi centrale dans le dispositif des Jeux de 2024 ? Le département a-t-il dû s’imposer face à Paris ?On dit « Paris 2024 » puisque, par nature, les Jeux sont liés à une v...

Vous devez être connecté pour commenter cet article
Aucun commentaire, soyez le premier à réagir !
* Champs requis
Séparé les destinataires par des points virgules