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Reprise économique La pente glissante du K


Suite au Covid, la reprise économique se profile aux États-Unis. Sous quelle forme ? Les économistes américains ont analysé plusieurs périodes de récession et schémas de remise en marche (shapes recovery), dont les contours s’apparentent selon l’approche aux lettres K, L, V, U ou encore W. Retenons ici le V et le K.

Les républicains, trumpistes ou non, détectent ainsi une reprise en V. Certes, Wall-Street se porte au mieux, les bénéfices des Gafam et des sociétés de type Uber explosent et les sociétés d’énergie et de transport font des superprofits. Mais les Américains ne constituent pas une seule et même entité, et tous ne bénéficient pas de ce bond du produit intérieur brut.

Les démocrates, eux, évoquent une reprise en forme de K, laquelle ne profite pas à tous. La classe supérieure voit son appétit consumériste enfin libéré. Les classes moyennes ou défavorisées s’enfoncent, en revanche, dans la crise. C’est le trait descendant du K.

Le vote, au cours de l’été, de l’Inflation Reduction Act, d’un montant de 430 milliards de dollars d’investissements, a souligné l’opposition entre tenants du V et du K. Pourquoi dépenser tant d’argent pour soutenir les classes populaires, alors que la nation semble se porter mieux ?

Avec sa courbe en forme d’éléphant, l’économiste serbo-américain Branko Milanović avait pourtant montré combien les classes moyennes occidentales avaient été les grandes perdantes de la mondialisation. Une analyse confortée, en France, par la crise des Gilets jaunes.

Les cigales sont minoritaires et la plupart s’avèrent impuissants face aux coups et aux coûts du sort.

Les divisions françaises sont d’ailleurs assez proches. La Loi du 16 août 2022 portant des mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat met en avant le paradigme de la consommation : « Quand l’appétit (de consommer) va, tout va. » Les débats parlementaires sur le sujet ont révélé l’impossible compromis entre le centre, allié à la droite, et la nouvelle union des gauches. On retrouve ici les figures en V et en K.

Il y a bien deux spirales, l’une vers le haut et l’autre vers le bas : « À ceux qui ont, on donnera davantage et à ceux qui n’ont rien, on prendra même ce qu’ils ont. » (Mt, 5). Les aléas de la vie, une mauvaise récolte, une pandémie ou un calcul erroné sont autant d’événements de nature à amener sur la branche basse et glissante du K.

Les malchanceux de la vie sont majoritairement victimes et non pas responsables de ce décrochage. Les cigales sont minoritaires parmi eux et la plupart s’avèrent impuissants face aux coups et aux coûts du sort.

Amartya Sen, Nobel d’économie 1998, a souligné combien l’impuissance est la caractéristique première de la pauvreté. Nobel d’économie 2019, Esther Duflo a démontré que des aides sociales solides sont efficaces pour sortir de la spirale de la paupérisation. Il s’agit dès lors moins de protéger le pouvoir d’achat que de garantir des filets de sécurité face aux tempêtes, aux maladies ou aux crises.

Au final, le débat ne doit donc pas se jouer sur la forme de la reprise, mais sur la capacité du plus grand nombre à recouvrer la maîtrise de sa vie face à un avenir incertain. Hors de toute spirale.

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