Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Refuser la misère. Non pas la soulager, la soigner, mais la détruire. Les mots d’Alwine de Vos van Steenwijk dans la revue Quart Monde, en 1992, résonnent particulièrement à l’approche de la journée mondiale du refus de la misère, ce 17 octobre. Celle-ci n’est jamais acceptable : parce qu’il n’y a pas de demi-misère, elle ne peut être combattue par des demi-mesures. La misère est radicale, au sens premier du terme, enracinée au plus profond de la personne.
Ce 17 octobre, plus de soixante-dix associations – dont la Revue Projet – se mobilisent contre les injustices sociales et environnementales. En ces temps où l’insécurité d’emploi risque de remettre en cause le combat pour la planète, il est essentiel de réaffirmer qu’il n’y a pas de justice environnementale sans justice sociale, et inversement. Les premières victimes des changements climatiques et de la pollution sont les plus démunis, tels cette villageoise malienne devant chercher de l’eau de plus en plus loin à la suite du réchauffement, ou cet agriculteur indien respirant les pesticides « made in Monsanto ». Plus près de nous, la lutte contre le mal-logement et ses méfaits sur la santé des enfants passe par des rénovations dites écologiques. Et on pourrait continuer d’égrener les multiples corrélations entre pauvreté économique et vulnérabilité environnementale.
Cette imbrication des combats interpelle les défenseurs de l’environnement : s’il n’y a pas de demi-misère, comment accepterait-on des demi-mesures pour l’environnement ?
Cette imbrication des combats interpelle les défenseurs de l’environnement : s’il n’y a pas de demi-misère, comment accepterait-on des demi-mesures pour l’environnement ? « Le mouvement ATD Quart-Monde s’est fondé sur un triple refus […] : le refus de la fatalité de la misère, le refus de la culpabilité qui pèse sur ceux qui la subissent, le refus du gâchis spirituel et humain que constitue le fait qu’une société puisse se priver si légèrement de l’expérience de ceux qui vivent dans la misère. » (Joseph Wresinski, revue Igloos, 1977, n° 97-98).
Ce 17 octobre requiert une convergence des refus ! Greta Thunberg a ouvert la voie, elle qui a scandalisé le monde en appelant à la grève scolaire pour le climat. On la dit sans compromis, dangereuse pour la jeunesse. « Certaines personnes ont choisi de ne pas nous écouter. Ce n’est pas grave. Après tout, nous ne sommes que des enfants » (discours à l’Assemblée nationale, 21 juillet 2019). On retrouve ici le triple refus de Joseph Wresinski : celui de la fatalité, de la culpabilité et du déni de l’expérience des premiers concernés. Bâtir sur le refus ne signifie pas que l’on construit sur le vide ou de fragiles fondations. C’est enraciner radicalement son combat dans un « non » si profond qu’il nous définit comme des êtres solidaires avec le monde et l’univers.
Toutes les infos sur la Journée mondiale du refus de la misère 2020 « Agir ensemble pour gagner la justice sociale et environnementale pour toutes et tous » sont sur le site d’ATD Quart monde.