Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
L'actualité nous donne beaucoup à entendre et à lire sur le déficit inquiétant du budget de l'État. Il y a pourtant plus inquiétant encore : le déficit des comptes sociaux. Prévu pour 10,5 milliards dans le budget 2009 tel qu'il avait été voté, le « trou » de la Sécurité sociale risque fort de dépasser les 20 milliards, et la dette cumulée atteindrait 100 milliards d'euros à la fin de l'année ! La Sécurité sociale ne peut arguer, comme l'État, que cette dette est aussi un investissement. Pourtant, des efforts ont été demandés à chacun, patients, consommateurs de médicaments, médecins. Seule la croissance des arrêts-maladie ne ralentit pas (conséquence des conditions de travail détériorées en période de crise ?). Les honoraires des médecins de ville et les dépenses de médicaments ont peu augmenté. Les hôpitaux publics se serrent la ceinture au point d'étouffer. La nouvelle loi « Hospitalisation santé patients et territoires » s'attache – quels que soient ses défauts – à réorganiser le système de soins dans le sens d'une meilleure coordination entre la médecine libérale et le système public d'hospitalisation. Rien n'y fait…
L'augmentation du chômage fait disparaître pour cette année 4 milliards de cotisations. Mais cela n'explique pas que les recettes croissent encore trois fois moins vite que les dépenses. L'État a une grande part de responsabilité, qui reporte sans cesse le paiement de ses dettes. Jusqu'où est-il possible de reculer devant nos responsabilités de justice financière face à la génération suivante ? Mais de ce déficit, qui se soucie vraiment, à part la Cour des Comptes ? Chercherait-on implicitement à laisser couler la Sécurité sociale pour mieux faire accepter un système d'assurances privé ? Ne devrait-on pas plutôt, par solidarité, faire basculer sur l'impôt une part du financement ?
La tendance en Europe est déjà d'injecter une dose croissante d'assurance privée pour la santé et les retraites. Mais les plus démunis seront de plus en plus exclus d'une telle protection. C'est bien parce que près de 50 millions d'Américains ne sont pas couverts pour leurs dépenses de santé (sans parler des 30 millions de pauvres protégés par Medicaid) que le président Obama veut promouvoir un système de santé qui se rapproche de celui dont nous nous éloignons. Ne nous trompons pas d'orientation.