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La Russie tsariste avait déjà souffert de ses nationalités. Dans l'Union soviétique, Staline, né à Gori – ville géorgienne tristement célèbre depuis deux semaines –, fut commissaire aux nationalités avant d'accéder au pouvoir suprême. Par la suite, l'empire soviétique n'a jamais réussi à traiter cette question dont Hélène Carrère d'Encausse montrait, il y a trente ans, la complexité et le caractère durable.
Le Caucase est à nouveau au cœur d'un conflit qui peut empoisonner les relations internationales : les divisions interethniques s'y ravivent, avec leur cortège de crimes perpétrés par des milices "cosaques". Devant l'étalage de la force russe, les États-Unis et l'Union européenne présidée par la France y montrent leur faiblesse ou leur naïveté. Car la Russie de Poutine et de Medvedev n'a jamais accepté que la Géorgie, après les Républiques baltes et l'Ukraine, se tourne vers l'Occident et demande à intégrer l'Otan. Pour ne pas lui déplaire, l'Alliance repoussait encore l'idée de cette intégration au Sommet de Bucarest (avril 2008). Pourtant, la semaine dernière, la chancelière allemande a adopté un nouveau discours, autrement plus ferme vis-à-vis de Moscou. Serait-ce un premier geste ? En effet, si les problèmes de nationalités n'ont guère évolué en deux siècles, les moyens de les résoudre ont quant à eux considérablement changé de nature : le rapport de forces militaire a cédé la place au rapport de forces économique. C'est sans doute là l'erreur commise par une Russie dont l'armée revitalisée veut afficher son efficacité sur le terrain.
L'attaque symbolique du nouvel oléoduc construit avec l'aide des États-Unis le prouve néanmoins, Moscou connaît aussi la valeur de la stratégie économique. Et si les pays occidentaux le veulent vraiment et se mettent d'accord, le levier des négociations sur les approvisionnements énergétiques ou sur l'entrée de la Russie dans l'Omc, comme le besoin russe d'investissements occidentaux, seront des instruments autrement puissants que des protestations de principe dont le Kremlin n'a que faire !
25 août 2008