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Depuis le référendum de mai et le changement de gouvernement, la France vit au rythme des promesses et des échéances à tenir. Les manifestants du 4 octobre étaient impatients, ils estiment n’avoir obtenu aucune réponse à leurs demandes de réforme et vont sans doute accentuer leur pression sur le gouvernement. Le Premier ministre, de son côté, s’était donné cent jours pour commencer à réussir. Derrière les calendriers un peu « tape à l’œil », il ne faut pas s’y tromper, tout gouvernement doit appuyer sa politique sur des prévisions de plus ou moins long terme. L’élaboration actuelle du budget repose sur des chiffres de croissance que l’opinion jugera évidemment trop optimistes, alors qu’une réforme de la protection sociale repose sur des chiffres dont la même opinion contestera le pessimisme. Des mesures rapides et voyantes s’avèrent souvent nécessaires, car le poids du présent n’est pas à négliger. Mais elles peuvent retarder, voire empêcher une politique à plus long terme. Comment concilier la solution aux problèmes de l’heure et la nécessaire réflexion sur les enjeux économiques et sociaux de notre avenir ? Bien sûr, la « rentabilité politique » de l’action rapide est visible et donc tentante.
Pourtant, les négociateurs le savent, il faut savoir prendre son temps : attendre que les projets parviennent à maturation, que les esprits s’adaptent, attendre que le contexte soit favorable pour faire avancer les choses. C’est parfois difficile : pour la Sncm, on a tellement attendu (mais sans rien faire !) que la menace du dépôt de bilan force à des décisions d’urgence dont les conséquences à long terme seront négatives pour tous. Ne pas utiliser les chiffres comme des outils de communication politique, oser résister à la pression de la rue pour planifier et privilégier le travail de longue haleine sans rejeter l’immédiat, c’est l’art de la politique. Pour Projet, aujourd’hui les injustices sociales, puis l’avenir de la presse, le travail, les ressources énergétiques, le logement, sont parmi d’autres des dossiers non de première urgence mais de première importance.