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L’imprécation de l’abbé Pierre, titrait Le Figaro. Il « a tancé » bien du monde. « Tancer », c’est « réprimander, admonester », dans le dictionnaire. L’abbé Pierre a en effet lu, à côté de l’appel, officiel en somme, préparé avec des responsables d’Emmaüs, un plus petit texte qu’il avait rédigé le matin. Disant : « Malheur à nous, gens heureux. Malheur aux enfants des gens heureux. Ils ne veulent pas faire de mal, mais savent faire comprendre à leurs élus qu’ils entendent que d’abord soit servi leur plaisir de vivre, avant qu’aux autres soient donnés les moyens de vivre ». L’abbé dénonçait aussi « l’abandon du pouvoir à ceux qui ignorent et méprisent la fraternité ».
Comme s’il n’était pas assuré que le plus long texte secoue l’indifférence ! Car c’est le problème aujourd’hui. La cause de la pauvreté n’entraîne pas facilement. On sait les chiffres. On a peut-être une idée de ce qu’ils signifient. Mais les experts, souvent, économistes surtout, pensent, avec froideur, que le système ne fonctionne bien que comme cela. « Torpeur », dit l’appel. Je ne suis pas sûr que ce soit cela, ou bien oubli, négligence. Plus d’un dit fixer son attitude en connaissance de cause. L’abbé Pierre et ses compagnons pensent alors qu’il n’en est rien: si on connaissait vraiment la pauvreté, on ne pourrait rester tranquille, on perdrait cœur. « Qu’est-ce qu’un voisin qui ne connaît pas ses proches ? » Connaître... Je pense que ceux qui y invitent ont cent fois raison. Projet reviendra en mai sur les pauvretés d’aujourd’hui. Dans le présent Cahier on lira déjà Anne Brunon sur la pauvreté, si marquée, dans la vieille Angleterre.