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Famille et socialisation


Resumé Quelles peuvent être les finalités d’une politique familiale aujourd’hui ? Son fondement démographique s’est peu à peu érodé. Mais on peut s’accorder sur le rôle de socialisation que remplit la famille. Dès lors, l’Etat a la charge d’un soutien apporté aux parents, aux jeunes parents en particulier, et aux réseaux de la parenté « élargie ».

Depuis son entrée en fonction, le gouvernement de Lionel Jospin a manifesté son intérêt pour la famille, souhaitant rénover le traitement politique des questions familiales. Rapports, commissions, conférences annuelles se succèdent. Un ministère délégué à la Famille a été créé. Ici, il s’agit de renforcer l’autorité parentale. Là, de soutenir les familles affrontées à des crises. Pourtant, dans le même temps, des membres du gouvernement prennent des options en contradiction avec ce souci affiché. Au nom des droits individuels, l’autorité parentale est contrée dans l’infirmerie de l’école. La sourde lutte, récurrente dans l’univers politique, entre la défense de la famille et celle de l’individu se poursuit-elle ? Ou bien les formules du Premier ministre 1, qui appelle de ses vœux une politique de soutien aux familles, tracent-elles une nouvelle voix après un siècle de polarisation, d’affrontement et de compromis ?

Le passage du singulier au pluriel – d’une politique de la famille à une politique des familles – veut inscrire une double rupture au nom du réalisme. D’une part, la tension traditionnelle serait dépassée : entre individualisme et familialisme, choix personnels et liens familiaux, des conceptions autrefois sacralisées, que traduisaient ces célèbres formules « Famille, je vous hais ! » vs la famille « cellule de base de la société ». Mais, d’autre part, au nom du même réalisme, se trouve remis en cause le compromis social, politique et privé, qui a vu l’émergence de la « famille nucléaire ». Celle-ci, fondée sur le mariage, accueillant d’abord trois puis deux enfants, est remplacée dans les représentations et les discours par une énumération des « situations familiales » qui, dans les catégories de l’Insee, vont des ménages rassemblant parfois plusieurs adultes et enfants « dépendants » sous le même toit, jusqu’au cas des « isolés », vivant seuls ou en institution.

Au nom du réalisme qui préside à ce passage au pluriel, ne faudrait-il pas aller encore plus loin ? Conceptuellement, renoncer au singulier n’est pas satisfaisant. N’est-ce pas s’arrêter avant même d’avoir essayé une nouvelle définition du champ familial ? Les comparaisons internationales et une relecture historique invitent à ouvrir des nouvelles pistes pour la réflexion et l’action. Elles appellent, d’une part, à bien inscrire la genèse de la vie familiale – de la mise en couple à la naissance du premier enfant – à l’intérieur du contexte social dans lequel celle-ci se développe. D’autre part, à prendre la mesure de tous les réseaux familiaux dans lesquels s’enracine la vie conjugale et familiale.

Choisir le pluriel, n’est-ce pas surtout renoncer à toute ambition pour une politique familiale ? Soutenir, encourager, aider les familles, certes, mais la politique du gouvernement ne risque-t-elle pas de s’épuiser parce que précisément elle s’arrête là où elle commence, dans la famille ? L’intérêt commun est bien faiblement exprimé. Il se dilue et s’effrite. C’est une chose que de critiquer les finalités de l’action publique, de s’y affronter voire de les raboter ; c’en est une autre d’y renoncer, fût-ce au nom du pragmatisme. Il faudra donc se demander quelles peuvent être les finalités d’une politique familiale aujourd’hui, finalités susceptibles de structurer les initiatives et de motiver les acteurs.

Individualisme et familialisme

L’élaboration des thèmes politiques de Lionel Jospin puise dans les dynamiques habituelles, et éprouvées, de la construction du discours public en matière familiale. Mais en même temps, le pluriel, signe de compromis ou pacte de non-agression, voudrait indiquer que les clivages traditionnels ne sont plus de mise. Les acteurs du monde social et judiciaire, des mouvements familiaux, de l’univers religieux, tous consultés pour la préparation du dernier rapport de Françoise Dekeuwer-Desfossez, s’accorderont peut-être sur le constat « réaliste » de la multiplication des formes de vie familiale. Cette représentation, même si elle nous apparaît massive et incontestable, n’en demeure pas moins une construction. Elle invite à dépasser non seulement le clivage traditionnel des affrontements qui ont dominé à la fois le champ de l’action politique et celui de la réflexion scientifique, mais aussi le compromis social qui en est résulté. Entre 1870 et 1914, une période durant laquelle une recomposition formidable s’est opérée, praticiens de terrains, politiciens et scientifiques se sont opposés en deux camps principaux autour de la famille et de la démographie, les uns soutenant la famille et la famille nombreuse, les autres l’autonomie de l’individu. Le family-boom a révélé combien la famille faisait l’objet d’un compromis social, sans doute transitoire mais ancré profondément dans les esprits. Le « réalisme » d’aujourd’hui demeure empreint plus qu’il n’y paraît des mêmes schémas.

Avant que Robert Prigent, en 1954 2, ne constate un « renouveau des idées sur la famille », les deux camps qui s’affrontent mêlent des arguments de différente nature, interprétant la situation démographique française. Au lendemain de la guerre de 1870, les positions étaient déjà tranchées : la situation comparée de l’Allemagne et de la France n’invitait guère au compromis. D’un côté, pacifistes, individualistes, bourgeois libéraux et néo-malthusiens, de l’autre mercantilistes, familialistes, catholiques et populationnistes. Les « eugénistes » se rallient tardivement à cette deuxième position. Chacun des « camps » est relativement hétérogène.

Dans la typologie mise en œuvre par Jacqueline Hecht 3, le groupe des malthusiens de droite et des anti-populationnistes de gauche allient des personnalités contrastées : des philosophes, comme Henri Bergson, des anarchistes, comme Manuel Devaldès, exaltent les droits de la personne humaine ou affichent leur haine « d’une société qui ne voit dans le capital humain qu’un instrument de guerre et de travail ». Ce sentiment pacifiste finit par dominer. « Laissez faire Vénus, et vous aurez Mars », écrit Bergson en 1932. L’analyse démographique est parfois de courte vue. Si, comme les membres de ce groupe le rappellent, la France ne se dépeuple pas – elle passe de 27 millions en 1800 à 40 millions en 1925 –, elle vieillit et sa fécondité reste faible. Dans le même temps, la population allemande triple.

Le deuxième camp, baptisé par l’autre bord de « cléricaux, massacreurs, exploiteurs de tout poil », développe lui aussi des arguments hétérogènes. Il est d’abord mercantiliste : « Il n’est force ni richesse que d’hommes », selon la citation de Bodin qu’Alfred Sauvy se plaisait à reprendre. La faiblesse démographique explique les défaites françaises de 1870 et la débâcle de 1940. Elle invite, comme le rappelle le premier directeur de l’Ined 4, à entrer dans une étude scientifique des questions de population. Dans le même mouvement, les consonances patriotiques sont fréquentes : « Vie ou mort de la France », « La Patrie en danger » sont des titres de pamphlets. Plus significatifs de l’aspect « familialiste » sont les auteurs qui appellent à une « mobilisation des berceaux ». Certains comme Leroy-Baulieu, vont jusqu’à promouvoir la famille « normale », deux parents et trois enfants.

Cette évolution conforte l’analyse de Durkheim qui, à partir d’une lecture juridique, voit se développer la famille conjugale, proche ancêtre de la famille nucléaire. Aux communautés complexes, repérées en particulier par Le Play, se substitue progressivement une entité dont les fonctions tendent à se réduire. Durkheim, dont la science doit conduire vers une morale, s’oppose fermement à l’union libre et défend le mariage qui institue une réciprocité de droits et devoirs entre les époux 5. Alors que les statisticiens sociaux, comme Emile Levasseur à la SGF ou Louis Adolphe Bertillon à la Ville de Paris, s’intéressaient à la cohabitation ouvrière, progressivement une image de l’entrée en couple fondée sur le mariage se construit 6. La cohabitation cesse d’intéresser. Les évolutions juridiques, qui simplifient le mariage puis établissent peu à peu une plus grande égalité dans le couple, confirment cette évolution. La famille devient plus contractuelle, établie sur la base réduite d’un accord entre époux 7. Les évolutions démographiques confortent ce modèle. Après la première guerre mondiale, l’âge au mariage s’abaisse ; durant la seconde guerre, la fécondité des femmes mariées augmente. Un type de mariage dominant se met en place, attesté en particulier par les travaux d’Alain Girard sur le choix du conjoint 8.

Des familles recomposées

Aujourd’hui, le constat « réaliste » souligne l’érosion du modèle nucléaire autrefois dominant et hérité de l’univers bourgeois. Il s’appuie lui-même sur les bases plus anciennes de l’opposition bi-polaire entre individu et famille. Paradoxalement, les deux approches se rencontrent pour constater l’affaiblissement de la famille.

Les études qui s’intéressent à l’individu et examinent les diverses formes de vie familiale attribuent la diversité des situations actuelles à

la complexification du cycle de vie 9. A des séquences autrefois bien balisées – école, entrée dans la vie professionnelle, mariage, naissance de l’enfant –, ont succédé des étapes en accordéon : tous les événements ne sont plus liés dans une grande régularité. Des phases de construction du lien familial alternent avec des ruptures entraînant l’éloignement du conjoint, voire de l’enfant. A la cellule nucléaire se substitue un maillage familial.

Mais dans le même sens, une sociologie qui se focalise sur la cellule familiale et ses modes de vie constate l’appauvrissement de son rôle et de ses fonctions. Alors que celle-ci assurait encore des fonctions importantes de socialisation, d’éducation, et d’autres plus économiques, elle devient principalement le lieu d’un investissement affectif. Ce rétrécissement expliquerait la plus grande fragilité de tous les liens qui la constituent : entre les conjoints ou entre parents et enfants à tous les âges de la vie. Un jeu de complémentarité voire de compétition, entre adultes notamment, semble s’intensifier : parents biologiques et beaux-parents, grands-parents et autres ascendants peuvent occuper une place plus significative auprès des enfants des familles recomposées.

Une entrée en couple tardive

La fin annoncée de la famille nucléaire et l’énumération presque indéfinie de situations familiales conduiraient-elles à renoncer à toute qualification précise de la famille en France, au risque ensuite de s’interdire toute forme d’action publique ou politique en sa faveur ? Pour renverser cette perspective, et souligner une spécificité de la famille européenne, il faut prêter attention à l’itinéraire des jeunes adultes. Ceux-ci, en amont de toute disposition législative, ne pourraient-ils pas faire l’objet de l’attention des pouvoirs publics ?

Le caractère tardif de la formation des unions est un trait dominant de la constitution des couples en Europe occidentale. Le mouvement comparatiste qui a saisi, dans les années 50, les sociologues de la famille sous l’impulsion de l’Unesco, a permis de le mettre en évidence. Le célèbre travail de John Hajnal 10, qui d’un trait a séparé le vieux continent en deux ensembles, a conduit à identifier une caractéristique forte de la famille de nos pays. A l’Est d’une ligne Trieste-St Petersbourg, les mariages, entendons aujourd’hui les unions, sont précoces et universels. A l’Ouest, ils sont tardifs, et une grande partie (près de 10 %) des adultes demeurent célibataires. Nous avons donc affaire à deux structures matrimoniales bien distinctes. A l’Est, les jeunes se mariant avant vingt ans, ils sont encore adolescents. A l’Ouest, après la parenthèse des années 1930-60, le mariage survient après 25 ans pour les hommes, un peu plus tôt pour les femmes. La généralisation de la cohabitation n’a guère modifié ce calendrier. A l’Est, on devient adulte et responsable dans le mariage ; à l’Ouest, on devient adulte puis l’on se marie.

L’opposition de ces deux schémas renvoie à une spécificité profonde de la structure familiale. En France, l’entrée en couple est tributaire de l’acquisition d’une certaine autonomie. Largement diffusé aujourd’hui, ce phénomène était déjà bien attesté au siècle passé. Hier, en milieu paysan, l’indépendance de l’homme supposait d’avoir accès à une terre et donc d’attendre jusqu’à environ trente ans qu’une parcelle se libère, ou que son père se retire. En milieu ouvrier, la formation d’un couple pouvait survenir plus tôt que le mariage dans la mesure où celui-ci supposait l’acquisition d’un capital social.

Après la parenthèse du family boom, ce processus demeure. Si l’on accepte de lire la formation d’une cellule familiale comme un itinéraire social, et non pas simplement comme le résultat d’une disponibilité affective, on en comprend mieux les fragilités. Un environnement socio-professionnel qui retarde l’accès à l’emploi ou y ajoute de nouvelles contraintes rend plus précaire la formation des cellules familiales. Les résonances psychologiques de la mutation d’une société qui a vu s’allonger la durée des études, des formations et des stages, sont bien connues. Mais la question posée ici est davantage politique. Dans la mesure où, dans notre environnement culturel, l’acquisition d’une autonomie sociale par l’habitat, par l’emploi, par les responsabilités dans la vie politique et économique, précède ou accompagne l’entrée en couple, une politique familiale commence avec des dispositions et un environnement socio-économique qui la favoriseront.

Les premières années de la vie en couple devraient faire l’objet d’un soutien plus vigilant. En effet, divorces et ruptures de cohabitation interviennent dans un temps relativement court de vie commune. La naissance d’un premier enfant n’est pas une garantie de la survie du couple. Le stress, les contraintes de l’éloignement géographique, la difficulté de conduire deux carrières professionnelles nourrissent ou entretiennent des tensions. Une politique familiale peut viser à en réduire l’impact. Elle conduit à développer des modes de garde qui allient souplesse et proximité, à aménager et encourager les rencontres entre les générations, à favoriser un apprentissage de l’éducation chez les jeunes parents.

Ne vaut-il pas mieux prévenir que guérir ? Où réside le moindre coût social : dans le traitement des ruptures du lien ou dans l’éducation à l’autonomie et à la responsabilité des jeunes adultes ?

La famille dans la parenté

Pour redéfinir les priorités de la politique familiale, une seconde piste serait à explorer. Elle a déjà été ouverte par les rapports d’Irène Théry et de Françoise Dekeuwer-Desfossez 11. Elle consiste à encourager les multiples soutiens de la relation adulte-enfant. Dans le droit et dans le cadre plus restreint des relations parents-enfants, celle-ci est formalisée par l’autorité parentale. Le régime napoléonien ne concevait que l’autorité du chef de famille, garant dans la sphère publique du bon ordre de la vie familiale. Cette conception n’a plus cours. Les recherches vont en direction d’un exercice commun de l’autorité parentale, y compris après une séparation, l’identification du rôle des beaux-parents corésidents avec l’enfant, ou des grands-parents. Plus largement, c’est le rôle de toutes les personnes adultes du réseau familial susceptibles d’être associées ou de participer à l’autorité parentale qu’il faut interroger.

Cette ligne de travail va à l’encontre d’une conception fermement établie, mais pourtant contestée, de la sphère familiale, conception réduisant celle-ci à la relation des parents et des enfants vivant ensemble. Alors que Frédéric Le Play avait identifié trois systèmes familiaux en France basés sur les rapports établis au sein de la parenté élargie, les bouleversements de la société industrielle ont réduit considérablement l’horizon. La perspective durkheimienne et, à sa suite, les longues séries de la statistique des familles se concentrent sur les habitants d’un même ménage, les co-résidents. A l’exception de la présence d’adultes plus âgés sous un même toit, nous connaissons assez peu la nature et la vivacité des liens entre adultes inscrits dans un réseau d’alliance ou de parenté.

Pourtant, une série de travaux récents ont montré l’extraordinaire richesse et vigueur des liens familiaux de la « parenté élargie ». Les directions de recherche ont été différentes. Qu’il s’agisse de « l’économie cachée de la parenté » de Jean-Hugues Déchaux 12, des relations entre enfants et beaux-parents, du rôle et de l’implication des grands-parents, de la proximité ou du départ des jeunes adultes, une cartographie de la vie familiale commence à se dessiner.

Dans ce même mouvement, la définition d’une politique sociale familiale passe par la reconnaissance de l’inscription de l’autorité parentale dans le maillage familial avant le renforcement juridique des liens parents-enfants. La première légitimité de cette autorité vient du couple formé par les parents de l’enfant. Mais que le couple continue de vivre ensemble ou qu’il soit séparé, les liens conjugaux, et plus largement ceux entre adultes de la famille, encouragent le parent à ne pas se situer vis-à-vis de ses enfants sur un mode de réciprocité ou d’alter ego. Quand se multiplient les situations difficiles, où l’enfant ne réside qu’avec un seul parent, où l’adulte n’a que peu de ressources et de temps disponible, le risque est grand de voir l’enfant devenir l’unique confident de l’adulte, et ainsi de voir s’établir des relations de connivence ou de possession.

Seul l’adulte profondément socialisé dans un monde d’adultes disponibles peut surmonter la vulnérabilité du face-à-face avec l’enfant. Le réseau familial, les liens entre parents et grands-parents, entre frères et sœurs, lui procurent déjà des possibilités d’échanges et de soutiens. Qu’ils se mesurent en argent, en temps, en disponibilité, ces liens contribuent à assainir la relation avec l’enfant. Dans le cadre d’une politique sociale et familiale, il serait important d’envisager comment les reconnaître et les développer.

Un horizon pour une politique familiale

Les objectifs ici rappelés ne suffisent pas. La politique familiale du gouvernement doit dessiner son horizon à travers l’énoncé d’une véritable visée. Le souffle et l’ambition ne viendront qu’à ce prix. Est-il impossible de s’accorder sur le rôle de socialisation que remplit la famille, rôle qui légitimerait une action publique en sa faveur ?

En matière de politique familiale, le consensus ancien s’est clairement défait. Sous le double choc du baby-boom et de la privatisation des valeurs, le fondement « démographique » de la politique familiale en France s’est progressivement érodé et avec lui le soutien de cet étrange amalgame politique, une alliance entre « mercantilistes » et catholiques, qui avait dépassé les clivages traditionnels. Dès les années 65, l’évolution du cadre législatif annonçait un tournant qui a accompagné la chute de la natalité, la hausse des divorces et l’effondrement de la nuptialité. Au fur et à mesure, l’objectif nataliste de la politique familiale disparaissait. Celle-ci devenait essentiellement sociale.

Aujourd’hui, alors que nombre d’évolutions sociales sont revendiquées ou déployées au nom des droits de l’homme, il faut se demander si ceux-ci pourraient devenir le fondement d’une politique familiale. Comment parvenir à surmonter l’ambiguïté qui surgit de la différence entre les natures individuelle des droits et collective des liens familiaux ? Certains mouvements familialistes avaient écarté la difficulté en ne reconnaissant que l’autorité du chef de famille et en demandant un droit de vote pondéré par le nombre des enfants ! Depuis, des signes comme l’adoption de la charte des droits de l’enfant et l’autorisation donnée à un enfant de poursuivre ses parents en justice indiquent un mouvement exactement inverse.

C’est sans doute du côté du rôle socialisateur de la famille que s’engage une réflexion fructueuse. L’appauvrissement du lien social et les difficultés de bien des quartiers invitent à la collaboration de tous les acteurs. Dans ce cadre, l’Etat pourrait revendiquer un soutien aux parents, aux réseaux familiaux, au nom de sa tâche médiatrice pour transformer la société en communauté. Il aurait sans doute à apurer quelques conflits, notamment entre l’école – grande socialisatrice traditionnelle – et les parents. Une famille plus solide et mieux organisée pour faire face aux aléas socio-économiques serait un vrai facteur de paix sociale.



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1 / « Allocution lors de la Conférence de la Famille , Services du Premier ministre, 2000.

2 / Robert Prigent, Renouveau des idées sur la famille, Puf-Ined, Cahier n° 18, 1954.

3 / . J. Hecht, « La démographie comme question politique , in Les implicites de la politique familiale, approches historiques, juridiques et politiques, sous la direction de M. Chauviè re, M. Sassier, B. Bouquet, R. Allard et B. Ribes, Dunod, 2000.

4 / Alfred Sauvy, « Editorial , Population, n° 1 : pp. 5-8, 1946.

5 / Emile Durkheim, « La famille conjugale , Revue philosophique de la France et de l’ Etranger, 91, n° 1, pp. 2-14, 1921.

6 / Pierre Martinot-Lagarde, The process of union formation, revisiting theories and survey data : a comparison between Ined ’ s two surveys : « Le choix du conjoint (1959) and « La formation des couples (1984), University of Pennsylvania, 1998.

7 / Pierre Martinot-Lagarde, « Emergence et crise du mariage-contrat , Projet, n ° 239, pp. 43-50,1994.

8 / Alain Girard, Le choix du conjoint, une enquête psycho-sociologique en France, Ined-Puf, Travaux et documents, 1964.

9 / Pierre Martinot-Lagarde, « D ’ une famille à l ’ autre , Projet, n ° 251, pp. 31-41, 1997.

10 / J. Hajnal, « European marriage patterns in perspective. Pp. population in history - essays in historical demography, D. V. Glass, et D. E. C. Eversley, London, Edward Arnold Ltd, 1965.

11 / Françoise Dekeuwer-Defossez, Rénover le droit de la famille : propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de notre temps. rapport au Garde des sceaux, Ministre de la Justice, La Documentation française, 1999.

12 / Jean-Hugues Déchaux, « L’économie cachée de la parenté », Projet, n° 239, pp. 71-79, 1994.


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