Une revue bimestrielle, exigeante et accessible, au croisement entre le monde de la recherche et les associations de terrain.
Spécialiste des questions d’attachement et de déliaison, le philosophe Olivier Abel nous invite à repenser les frontières de la fraternité. S’appuyant sur la lecture par Paul Ricœur de la parabole du bon Samaritain, il appelle de ses vœux une fraternité à la fois biblique et républicaine.
Face aux citoyens de religion protestante réunis à l’Hôtel de Ville de Paris, Emmanuel Macron, à l’automne 2017, les appelait à « rester au désert », c’est-à-dire, en un sens, à rester, à l’image d’associations comme La Cimade1, dans une sorte de vigilance prophétique et critique en marge de la société.
Le Président pensait sans doute les caresser dans le sens du poil. Les protestants se sont en effet habitués à rester dans la protestation, sinon à se draper dans la résistance, depuis leur longue clandestinité forcée. Mais n’est-il pas temps de redescendre du désert dans le monde commun ? S’il y a un temps pour l’éthique évangélique inconditionnelle, n’y a-t-il pas un temps aussi pour penser les conditions de mutualité et d’une réciprocité qui fonde le politique et la République comme bien commun ? Ne faut-il pas cesser d’opposer le radicalisme « angélique » et le réalisme « cynique » ?
Ce qui menace aujourd’hui toutes les organisations non gouvernementales, c’est une « division du travail » opposant d’un côté une professionnalisation qui segmente les humains de manière technocratique en profils abstraits, et, d’autre part, une radicalisation du propos qui ne trouve l’unité de ces profils que dans une surenchère démagogique et lobbyiste. Le propre de la démocratie, c’est quand le « citoyen réfléchi » peut à la fois soutenir de l’intérieur les orientations des institutions, et protester de l’extérieur à l’encontre des abus de pouvoir.
La démocratie, c’est quand le citoyen peut à la fois soutenir les orientations des institutions et protester contre les abus de pouvoir.
Cette vision anti-machiavélique sera ici le cap de mon propos. La philosophie politique française prend bien souvent son départ ave
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