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Les entreprises et leur éco-système


Resum? Emmanuel Faber est directeur général délégué de Danone, après en avoir été le directeur financier.

Projet – Que représente pour vous la responsabilité sociale des entreprises ?

Emmanuel Faber – Il y a deux façons de concevoir la question. La première est de dire : je fais du business pour que les choses se déroulent dans la durée, je suis obligé de tenir compte des conséquences collatérales de mon activité sur l’environnement. La plupart des entreprises qui parlent de responsabilité sociale se situent dans cette perspective. Une deuxième logique part de la conviction qu’une entreprise n’existe que parce qu’elle rend un service à une communauté, par la création et le partage de richesses sociales. Dans ce cas, la responsabilité sociale de l’entreprise n’est pas un addendum ou un moyen parmi d’autres de se développer, elle est au cœur de son activité économique. Elle en est même le fondement.

Projet – Produire de la richesse qui profitera à tous, c’est une dimension économique. Mais penser que cette production s’inscrit dans un environnement, dans un territoire, qu’elle vise à donner un plus large accès à ce qu’elle propose, c’est une autre perspective.

Emmanuel Faber – On a connu un dérapage progressif, en France, depuis les années 80. D’une vision de la grande entreprise qui avait un rôle social évident et d’une responsabilité de ses dirigeants en situation d’arbitrer la façon dont celle-ci partageait la valeur qu’elle créait, on est passé à une vision du capitalisme à l’anglo-saxonne où l’entreprise n’a qu’un objectif : maximiser la création de valeur pour ses actionnaires. La lecture de ses objectifs en est beaucoup plus simple mais ce n’est qu’une triste caricature de son activité qui nous a amenés à la crise que nous traversons aujourd’hui. En ce qui concerne Danone, dès 1972, Antoine Riboud prononçait aux Assises du Cnpf un discours qui est resté dans nos annales : « Il ne peut pas y avoir de progrès économique s’il n’y a pas de progrès humain ». Ce fut le début d’une longue aventure, dans laquelle BSN (Danone aujourd’hui) s’est voulu précurseur en matière de dialogue social, de représentation des salariés, de dialogue avec tous les partenaires. Cette vision de l’entreprise qui a pris la figure d’un « double projet économique et social » est ancrée dans notre ADN. Nous avons depuis longtemps essayé de mettre en place des mécanismes qui corrigent de manière concrète la financiarisation excessive du fonctionnement de l’entreprise. Entre penser la responsabilité sociale de l’entreprise comme un moyen ou mettre la création de valeurs pour la société au cœur de celle-ci, nous nous plaçons viscéralement dans la deuxième vision.

Projet – Êtes-vous immunisé contre la première vision ? Danone a fait le choix de se retirer de certains secteurs, en essayant de revendre le mieux possible… La logique de groupe agroalimentaire mondial n’est pas la même que celle d’une entreprise de proximité…

Emmanuel Faber – On ne peut pas porter l’ambition d’un double projet économique et social sans être confronté tous les jours à la contradiction, à des choix difficiles. La vie de tout acteur engagé est une confrontation permanente entre l’idéal visé et la pratique. La question est jusqu’où et comment cela vient-il transformer le réel ?

Nous avons choisi, en effet, de nous spécialiser dans quatre domaines, parce que nous croyons que, pour être efficace, l’intelligence collective d’une entreprise doit se focaliser sur un nombre limité de métiers. Nous avons également pris la mesure du développement rapide de la grande distribution et de sa concentration, de l’ouverture des frontières de l’Europe après 1989, et enfin de la croissance des marchés émergents.

Cela se traduit par une mondialisation de l’activité de Danone autour de quatre métiers. Nous avons jugé nécessaire, pour les équilibres financiers de l’entreprise, de céder à des opérateurs qui seraient meilleurs gestionnaires que nous des pans entiers de notre activité historique. Et nous avons acquis des entreprises, dans les pays émergents, en Asie et ailleurs, selon le même raisonnement, la capacité d’être des opérateurs plus efficaces que ceux qui nous les cédaient. Dans certains cas, nous avons dû restructurer, fermer des usines, ce qu’il est impossible d’exclure de la vie d’une entreprise au service d’une communauté, avec ses salariés mais aussi ses clients et ses consommateurs. Lorsque des productions diminuent en volume, se pose la question du maintien de sites industriels. Dans son histoire récente, Danone a rarement fait face à ce type de problème. Mais pour une entreprise de cette taille – Danone est un des premiers groupes mondiaux de l’agroalimentaire – il y a un autre partenaire : l’actionnaire. Le statut de société anonyme est une des grandes limites du capitalisme actuel, car il rompt l’affectio societatis. J’ai été directeur financier de ce groupe pendant longtemps et je sais bien qu’aucun de nos actionnaires n’est aussi engagé que n’importe lequel de nos salariés vis-à-vis de l’entreprise. Certains actionnaires sont des fonds de retraite américains avec lesquels nous pouvons avoir des relations étroites (certains participent jusqu’à 500 millions de dollars ou plus). Mais aucun n’a engagé sa vie en venant travailler chez nous, n’a construit sa maison à côté d’une usine, ni emprunté pour la construire… Sans nier celle que nous avons à l’égard du risque supporté par l’argent de nos actionnaires, notre responsabilité à l’égard des salariés est considérable de ce point de vue.

On ne prend jamais assez soin des décisions d’investissement – beaucoup plus structurantes que celles de désinvestissement. Le pari engagé en installant une usine ou une activité quelque part et les effets que cette implantation crée dans le tissu social et économique des communautés à l’entour sont-ils suffisamment pris en compte ? Et d’abord à l’égard des personnes que nous attirons et formons ? Notre conviction, c’est que notre rôle est d’assurer la croissance et le développement des personnes qui travaillent avec nous et, à défaut de garantir leur emploi, d’assurer leur employabilité. La question des restructurations peut parfois se poser. Mais il est de notre devoir d’assurer la reconversion professionnelle des personnes plus tôt que plus tard ; la fermeture d’un site ne peut être que le dernier recours. Les situations les plus complexes sont celles où l’on sait qu’un site est condamné à terme parce que la demande s’est déplacée, parce que la concurrence change la donne… Ce jour-là, les investissements baissent graduellement, la formation aussi, on n’embauche plus de jeunes, les salariés commencent à vieillir dans leur fonction. Maintenir pendant des années des salariés en situation de répéter des gestes qu’ils ont toujours faits sans leur apprendre autre chose, en sachant que ces gestes ne leur serviront à rien pour trouver un emploi dans le bassin qu’ils ont choisi pour leur vie familiale…, c’est ne pas leur permettre de préparer l’avenir. Le réglage, bien sûr très complexe, est de savoir à quel moment on prend la décision et avec quels moyens d’accompagnement. Les exemples dont parle la presse, sont malheureusement ceux où l’on n’a pas su le faire. Ces situations mettent les activités en danger. Il peut être urgent de les confier à des opérateurs qui y investiront pour le long terme, car c’est leur métier.

Pour revenir à la question des actionnaires, je crois possible d’aller plus loin que la main invisible du marché. D’une certaine façon, on peut déjà redonner un visage au marché. Derrière le marché, il y a des personnes. Les gérants de fonds de pension américains ou européens ne sont pas anonymes, et ultimement, derrière les organismes de gestion de fonds, il y a des actionnaires individuels : des retraités, des épargnants. Parler abstraitement de maximisation de la valeur pour les actionnaires n’a pas de sens. Ce qui a du sens, c’est qu’une entreprise ne peut tourner qu’à partir du talent des hommes, des ressources financières et des ressources naturelles. Avec quelle vision met-elle en œuvre ces ressources ? Il est tout aussi absurde de dire que les actionnaires ne comptent pas, que de ne penser qu’à maximiser leur valeur. Ils ont mis de l’argent, et cet argent mérite une rémunération satisfaisante et durable. Nous voyons combien le système a dérivé : en dix ans, on est passé d’une norme de 10 à 20, voire 25 % du retour sur investissement. Mais derrière le marché financier, il y a des hommes. Qui d’entre nous est allé voir son banquier pour lui demander de revendre une Sicav rapportant 17 % pour réinvestir l’argent dans un placement qui rapporte 7 % ? Quelle économie voulons-nous créer avec notre épargne ? Nous sommes tous les acteurs de ces dérives.

Projet – Qu’est-ce pour vous qu’une bonne valeur de REI?

Emmanuel Faber – Je ne sais pas. On n’attend pas le même retour si l’on investit dans une start-up qui fait de la recherche sur le génome humain ou dans une usine de Danone. Les perspectives et les risques diffèrent selon les pays. Chaque projet économique a sa propre logique. Il est intéressant de réfléchir au processus de fixation des objectifs financiers et à la gouvernance des moyens pour les atteindre. On cite la contrainte des marchés financiers. Mais pour bien des entreprises cotées, la contrainte du marché n’en est plus une. Grâce aux systèmes de rémunération mis en place depuis les années 90, est apparue une collusion d’intérêts évidente dans une visée de création de valeur « maximale » : on a bardé les dirigeants de stocks options au nom de la gouvernance ! On y voyait un signe de bonne gouvernance, assurant l’alignement de la motivation des dirigeants et du management des entreprises avec le souci des actionnaires. N’est-ce pas plutôt la consécration de l’anonymat des relations ? S’il faut s’assurer de la justesse du jugement des personnes en leur remplissant les poches cela signifie qu’il n’y a aucune confiance ni compréhension des mécanismes des marchés financiers d’un côté et du fonctionnement de l’entreprise de l’autre. Une telle gouvernance est surtout un signe de pauvreté humaine.

Comment lutter contre cette financiarisation? Chaque entreprise pourra puiser dans sa culture, son histoire, son envie collective, les moyens d’inventer d’autres réglages. En ce qui nous concerne, il y a plusieurs années, une partie significative de nos stocks options a été remplacée par des systèmes de rémunération variable, à moyen terme, fondés sur la performance économique du Groupe, mais non liés au cours de l’action. Cela permet à un millier de managers de considérer les conséquences de leurs décisions de manière complètement différente. Par ailleurs, leur rémunération variable annuelle est définie selon trois tiers : économique, management, et sociétal. Et dans la part économique, le profit ne représente que le tiers. Au total, la rémunération annuelle variable n’est donc liée que pour 10 % au profit de l’entreprise.

Dans le même sens, l’Assemblée générale a réitéré dans un vote cette conviction d’un double projet pour Danone. En symétrique au Comité d’audit, qui traite des affaires financières au Conseil, un Comité de responsabilité sociétale a été créé qui supervise la gouvernance au travers de ce prisme. Parmi les sujets que ces instances ont eu à traiter, on peut en citer deux. Le premier, c’est danone.communities, une Sicav lancée en 2006, dans laquelle il y a aujourd’hui quelque 70 millions d’euros et dont la vocation est de soutenir le développement d’entreprises à vocation sociétale dans les métiers de Danone. Ce social business, par lequel toute la valeur créée est partagée avec la « communauté » de l’entreprise, c’est l’inverse de la maximisation de la valeur pour les actionnaires ! Car ceux-ci abandonnent d’entrée leur droit aux dividendes. Les profits éventuels sont réinvestis dans la mission sociétale de l’entreprise. Par exemple, Grameen-Danone est née au Bangladesh en partenariat avec la Grameen Bank, avec pour mission d’« apporter la santé par l’alimentation aux enfants des communautés les plus pauvres et y lutter contre la pauvreté », en implantant des micro-usines dans une logique de proximité. Chaque paradigme de l’entreprise est inversé : comment puis-je acheter le lait le plus cher possible aux fermiers locaux ? Comment vendre le yaourt le moins cher possible et employer le plus de personnes possibles ? Bien sûr, la création de danone .communities a été votée en Assemblée générale de Danone.

Projet – Vous prenez vos actionnaires à rebrousse-poil.

Emmanuel Faber – Un dialogue avec les actionnaires est possible à partir du moment où nous agissons de façon cohérente et innovante, et où le dialogue s’instaure dans la durée sur des propositions « intelligibles » par rapport au projet déclaré de l’entreprise.

Second exemple d’initiative relevant de cette logique hybride, nous avons créé cette année un fonds pour soutenir notre écosystème. L’entreprise est un organisme vivant, en osmose avec son environnement. L’écosystème de Danone, ce sont toutes les personnes et organisations qui dépendent, pour leur propre développement, de leurs relations avec nous : les 5 000 producteurs laitiers avec lesquels nous travaillons en France, les micro-entreprises de distribution de proximité au Mexique ou en Indonésie, etc. Nous avons proposé aux actionnaires, lors de l’Assemblée générale du 23 avril dernier, de prélever 100 millions d’euros sur les bénéfices de Danone, de les placer dans un fonds de dotation pour le développement de notre écosystème. La rentabilité en est d’abord sociétale. Comment aider dans tel pays la collecte de lait à se structurer de façon économiquement viable à moyen et long terme ? Comment former et soutenir les micro-entrepreneurs à Mexico qui distribuent nos produits pour qu’ils acquièrent des camions plus sûrs et développent d’autres pratiques (des permis de conduire, une économie qui sorte un peu de l’informel, une formation à la gestion) et ainsi diminuer graduellement leur dépendance et augmenter leur viabilité économique ? Si l’on regarde les relations des grandes entreprises avec leur écosystème dans la crise actuelle, on mesure les tensions et l’importance de la plasticité et de la vitalité de cet environnement.

Projet – Le rapport aux fournisseurs habituels est-il partout structurant?

Emmanuel Faber – Oui et jamais suffisamment. En France, nous avons mis en place depuis des années des systèmes d’accompagnement de la collecte de lait et de formation. 50 personnes passent leur temps à former des agriculteurs à la gestion de leur entreprise, travaillent avec eux sur la sélection des races, les soins et l’alimentation du bétail. Dans tous les pays, on prend le lait de nos fournisseurs quelle que soit sa qualité ! On sait que sinon, des tentations pourraient exister de ne pas nous déclarer l’état réel de santé du troupeau. On prend tout et on n’utilise que ce qui est propre à la consommation. Mais on tisse ainsi des relations de confiance. Et il serait plus cher de mettre en place un système de contrôle a priori. En revanche, on demande que les carnets de santé soient tenus, que les vétérinaires examinent toutes les bêtes, que les vaccinations soient faites, etc.

Ces initiatives s’inscrivent dans une vision de l’économie qui ne correspond pas à ce qu’est la globalisation aujourd’hui. L’économie doit se revitaliser, et la mondialisation doit être repensée : un milliard de personnes sont à l’abri de la famine, mais pour cinq autres milliards la question peut se poser. On a pour beaucoup transformé la pauvreté en misère, avec la fin d’une société vernaculaire où la richesse était autant dans le processus de l’échange que dans son contenu, une économie du don et du contre don. Aujourd’hui, nombre de richesses humaines se retrouvent laminées par cette mondialisation : 15 espèces de plantes assurent 75 % de l’alimentation humaine, ce qui signifie une déperdition dramatique de la biodiversité avec ce qu’elle drainait de culture et de richesse humaine. On assiste à une standardisation des goûts, des modes de consommation, du rapport au réel et au temps…

Je suis conscient des limites du système dans lequel nous engage la mondialisation de l’économie, assez en tout cas pour vouloir rester vigilant et chercher activement et tester des alternatives. L’économie actuelle n’est plus vivable sur terre : il faudrait cinq planètes pour vivre comme les Américains et deux planètes pour vivre comme les Français. Les États, on le sait, n’auront pas de quoi payer la dette qu’ils sont en train de contracter, et il n’y aura pas suffisamment d’argent pour les retraites. Notre civilisation a tenté de remplir le manque d’être ontologique en se gavant d’avoir, en espérant être la seule espèce à échapper au destin commun.

Projet – Une telle vision n’est-elle pas paradoxale dans un groupe qui joue à l’échelle mondiale?

Emmanuel Faber – Peut-être, mais je pense le paradoxe encore plus compliqué. Pendant que notre PDG était à Davos en janvier dernier à la demande de M. Yunus, j’étais au Forum social mondial de Belem où j’ai participé à plusieurs ateliers. L’un portait sur le sujet suivant : « existe-t-il des conditions qui permettent de légitimer l’intervention d’un acteur non local dans une économie locale ? » Qu’est-ce que le local aujourd’hui et où commence le non-local ? Je suis persuadé qu’il y a dans l’intelligence collective des siècles d’évolution du savoir humain une capacité d’imaginer une nouvelle oïkos-nomia. En intégrant des outils non pas comme des objectifs en soi mais comme des moyens au service de l’être, l’intelligence humaine est capable d’inventer un oïkos qui ne soit pas seulement celui de l’ancrage territorial. Il pourrait se construire des oïkos autour de la notion d’internet, qui relient à distance. Le plus grand paradoxe n’est pas dans la mondialisation. On peut imaginer des organisations multinationales qui soient multi-locales avec des réseaux d’échange de compétences, de capitalisation de ressources, de talents au service du local. On pourrait ainsi créer une gouvernance qui permette de partir de la communauté locale, dont les besoins et les priorités seraient évalués selon un principe de subsidiarité. Naturellement, ce n’est pas l’objectif actuel tracé à l’Onu ou à Davos…

Projet – Avez-vous l’impression de construire une gouvernance de Danone qui tienne compte des dimensions locales… ? Sur le plan fiscal, par exemple, existe-t-il des propositions pour éviter les phénomènes de siphonnage et l’appauvrissement des pays qui auraient besoin de ressources?

Emmanuel Faber – Je suis persuadé qu’il faut réguler la circulation du capital, trop rapide, car il est quasi dématérialisé. La question de la fiscalité rentre dans ce cadre. Pour moi, la vraie complexité vient du fait que l’on est dans une économie de surabondance. Les propositions de Danone, quand nous disons « apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre », visent une plus grande accessibilité des produits, fabriqués localement. Nous sommes dans des métiers plutôt locaux. Les produits laitiers frais ne voyagent pas. 98 % de la production de Danone sont vendus à l’intérieur du pays dans lequel ils ont été fabriqués. Mais l’organisation des décisions entre le local et le global est un réglage permanent.

Projet – Dans les pays développés, n’y a-t-il pas un modèle différent?

Emmanuel Faber – On ne part pas du même historique. Si la direction est commune, le chemin est différent. Nous avons entrepris, en France, une réflexion sur l’accessibilité des produits pour les foyers les plus modestes. Il est trop tôt pour en parler. Mais cela nous obligera à des réglages économiques différents. Comment passer d’une économie exclusive à une économie inclusive ? Pour avancer, nous avons soutenu la création d’une chaire « Entreprise et pauvreté » à HEC, co-présidée par M. Yunus et M. Hirsch.

L’enjeu est clair de l’économie vers laquelle il faut aller, quel que soit le marché : la remettre à sa juste place. Commencer par ne pas parler des peuples comme d’un marché ! On a considéré trop longtemps que l’économie de marché et la démocratie étaient une seule et même chose. En Chine et ailleurs, on s’aperçoit que le capitalisme se développe très bien sans démocratie ! Pour un chef d’entreprise se pose en permanence le choix du regard qu’il porte sur les communautés qui l’entourent. Est-ce des consommateurs ou des alter ego dans une concitoyenneté d’humanité dans laquelle de gré ou de force nous devrons faire face à la réalité Plus largement, nos processus économiques ont contribué à créer des besoins. Nous les avons renforcés en postulant par ce matérialisme que le bonheur était de les satisfaire. Face aux enjeux du monde actuel, il me semble urgent de développer une économie qui laisse au contraire une place au manque, parce qu’ultimement l’être ne naîtra et ne grandira que dans cette faille. Comment inventer une économie de l’être, au-delà de l’avoir ? Nous avons tous une responsabilité en tant qu’acteurs, producteurs, consommateurs et citoyens. Je ne sais si cela fait partie de la responsabilité de l’entreprise, mais c’est une conviction personnelle. S’il y a responsabilité pour moi, c’est donc vraiment de trouver une place à cette recherche dans ma vie de dirigeant d’entreprise.


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