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Des stars en Afrique


Comment parler des stars en Afrique sans évoquer les griots ? Les griots sont l’âme, la bibliothèque vivante du continent noir. Ils sont le grenier de la sagesse africaine. Du temps de nos aïeux, les stars étaient les griots qui chantaient les prouesses des vainqueurs, racontaient l’histoire, vantaient les mérites des familles et des hommes, en distrayant. Ils jouaient un rôle essentiel dans la société traditionnelle. De nos jours, ces griots se sont transformés en stars payées à prix d’or. Ils sont des oiseaux migrateurs mais aussi des leaders d’opinion. Leur combat aujourd’hui n’est pas la préservation de la tradition mais l’avènement d’une Afrique réconciliée.

Morceaux choisis de sagesse africaine… Des phrases, des chansons, des contes, pour faire le tour de cette sagesse à la fois ancestrale et contemporaine ; belles, poétiques, prophétiques, magiques, lucides… Les paroles-chansons de griots nous font pénétrer dans l’imaginaire africain. Chantées par les griots de sang issus d’un clan, ou par des griots modernes comme le reggae man ivoirien Alpha Blondy, elles disent que « le bonheur n’est pas pour demain, il commence ici et maintenant ». Ces paroles nous décrivent l’éternité : « Il y a une chose que vous devez savoir, les enfants, nous sommes ici-bas pour construire l’éternité. Alors cramponnez-vous à la terre, cramponnez-vous au temps » (Alpha Blondy).

En Afrique traditionnelle, il existait deux types de griots : les griots de rois et les griots de chasseurs et de grands féticheurs. Le roi vainqueur d’une bataille et d’une expédition faisait chanter des mélodies glorifiantes par le griot-artiste de la partie vaincue. Un griot de la cour du Roi animait les soirées festives et les fêtes sacrées réservées aux grands chasseurs ou féticheurs, « chevaliers » de l’ordre national. Ils formaient une caste sacrée. Leur savoir-faire se transmettait de génération en génération. Leur formation impliquait un long apprentissage sous la direction de leur père ou d’un oncle. Grâce à eux se transmettaient et se perpétuaient la poésie, la musique et l’histoire. Ils étaient en quelque sorte les détenteurs du patrimoine socioculturel de l’Afrique. Garants de la survie de la mémoire collective, certains ont été confidents et conseillers des rois, des présidents, des poètes et parfois des juges.

De nos jours, les nouveaux griot-stars sont sportifs, conteurs ou musiciens qui disent et chantent les épopées du passé, le pays et l’amour. Chanter les louanges de quelqu’un, c’est aussi chanter les louanges de son père, de sa mère, de toute sa famille. Accompagnés d’un instrument, solennellement reçu de leur maître, et d’un ensemble de musique, les griot-stars chantent pour faire danser une assemblée. « Un griot qui meurt, c’est une bibliothèque qui brûle », disait Amadou Hampâté Bâ. Mais cette bibliothèque ne s’est pas confinée dans les oubliettes de l’histoire : elle a accédé à la scène internationale, comme en témoigne le livre d’Alex Haley, Racines.

Les griot-stars constituent une classe sociale distincte, sacrée. La tradition griotte, qui s’observe dans plusieurs pays de l’Afrique sub-saharienne, considère qu’ils délivrent les valeurs morales d’une société majoritairement analphabète et qu’ils constituent une institution de la culture africaine, une culture complexe et grandiose, héritée de grands empires naissants et déclinants.

Mais la musique, le football, le basket et l’athlétisme comptent aujourd’hui parmi les produits de cette bibliothèque qui s’exportent le mieux de toute l’Afrique. Gebré Sélassier, Carl Lewis, Salif Keita, Kandia Koyate, Youssou N’dur sont devenus de grandes stars internationales. Ils gagnent ainsi bien plus qu’au service de leurs patrons.

Autrefois, il n’était pas inhabituel pour une femme d’être chanteuse, raconte Amy Koita, une griotte vénérée du Mali. « Tout a commencé avec nos ancêtres : les hommes racontaient l’histoire et les femmes la chantaient. Ma mère et ma grand-mère chantent toujours ». Dans l’Afrique moderne, selon Amy Koita, mettre en question et critiquer ne fait pas partie des fonctions du griot, qui doit d’abord maintenir la tradition. « Ce que j’ai envie de dire aux jeunes, c’est : pensez à demain et préservez vos traditions. Notre rôle est d’éduquer, et les générations suivantes remettront en question des choses que nous avons admises comme telles. De nombreux sujets sont traités dans mes chants : l’égoïsme, les relations entre les hommes et les femmes et le besoin de bien s’entendre ». Mais leur premier rôle est de dire la vérité, d’être les porte-parole des sans voix, sans chercher à choquer. Leur art est celui d’un médiateur entre les hommes et les dieux. Ils détiennent le pouvoir d’attirer les premières pluies, de conjurer le mauvais sort, d’introniser un chef, de transformer les enfants en hommes adultes. Cette tradition évolue mais ne disparaîtra pas.

Les griots d’aujourd’hui ne vivent pratiquement que de leur art. A l’instar de Peter Tosh et Bob Marley, d’Alpha Blondy, de Lucky Dubbe, Koffi Olomidé, mais aussi de Zinedine Zidane, George Weah ou Marcel Desailly, nombre d’entre eux, stars du rastafarisme ou du ballon rond, manifestent une conscience aiguë de la nécessité de se forger à la fois une identité et une culture internationale, une préoccupation commune à toute l’Afrique. Ils ont connu, dès leur jeune âge, l’exode et bien des tribulations. Mais, au lieu de les enfoncer, cette traversée fait d’eux des personnages hors normes, à la fois brillants et sombres, africains mais universels, idoles de la jeunesse, adorés comme des « dieux ». A chaque manifestation, ils sont cernés par leurs fans, qui voient en eux des modèles d’intégration.

Ils séduisent par leur habillement provocateur, leur coiffure, leur démarche ou leur franc-parler. Ils incarnent les rêves les plus fous. Non sans ambiguïté : comment les jeunes ne se demanderaient-ils pas pourquoi étudier, quand on peut réussir sans avoir été à l’école ? Mais plusieurs de ces stars africaines se font aussi des ambassadeurs de la solidarité, les porte-parole de la lutte contre le sida et le paludisme, par exemple. Ils inscrivent leur combat dans les objectifs pour le développement, dans la lutte contre la pauvreté, pour l’éducation et l’égalité des sexes.

Certains sont considérés comme des leaders d’opinion. Par leur plume ou leur voix, ils fustigent les inégalités sociales, les coups d’Etat, ce mal endémique qui mine la famille politique africaine et discrédite le continent. Ils dénoncent l’ethnicisme, les guerres civiles, les égarements de la technologie, le multipartisme quand il n’est que tribalisme, les « boulevards de la mort » et les présidents marionnettes. Qualifiant d’imbéciles ces fantoches, l’un d’eux demande s’il y aurait une raison pour que l’Afrique soit le continent le plus riche en matières premières et en même temps le plus pauvre et le plus endetté ?

Si la musique et le football ont un tel pouvoir mobilisateur, ils peuvent aider la jeunesse africaine, qui veut imiter ses petits dieux, à être porteuse d’espérance, attentive aux « faiseurs de pluie » de paix et de vérité.


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