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L'islam intérieur à l'Europe

©Richard Messenger / Flickr/CC
©Richard Messenger / Flickr/CC

Projet - Quel est à vos yeux l’enjeu le plus saillant dans la mise en route de ce processus ?

Abdelwahab Meddeb - L’islam est à envisager comme une réalité intérieure à l’Europe et non comme une étrangeté absolue. Il est d’abord intérieur à l’Europe d’un point de vue historique contrairement aux stéréotypes médiévaux qui continuent de courir. Cette démarche de reconnaissance et d’apaisement aurait une portée politique : admettre que l’apport islamique, dans le cadre de la langue arabe mais aussi persane à l’époque médiévale, est au fondement culturel de l’Europe au même titre que la culture grecque et latine ou le judéo-christianisme. Un des penseurs les plus prestigieux de l’islam, Averroès, n’a pas eu de descendance dans le monde musulman, mais son héritage a été recueilli par les seuls Européens et joue un rôle majeur dans le mouvement de la pensée occidentale qui conduira aux Lumières.

Projet - Comment qualifieriez-vous le moment que nous vivons et quelles ressources offre-t-il pour un changement de ce regard sur l’islam ?

Abdelwahab Meddeb - La connaissance de l’islam est confortée par les nombreuses traductions d’œuvres destinées à un public relativement large, y compris dans des éditions de poche. De même, de nombreuses expositions ont été présentées, par exemple sur divers arts médiévaux de l’islam et leur influence sur les arts roman et gothique. L’école doit maintenant prendre le relais en diffusant les acquis de ces recherches.

L’Europe est capable de conduire ce changement dans les mentalités : celles-ci ont évolué et, à l’intérieur même des Eglises, la question du rapport avec les autres religions est posée en tenant compte de la diversité anthropologique. Des hommes d’Eglise sont en train de rompre avec l’idée que l’islam serait la religion de l’inaccomplissement ou une sorte de déviation chrétienne. De nombreux ouvrages français témoignent de cette expérience : l’attitude de chrétiens qui restent chrétiens et confrontent leur croyance avec une autre croyance qu’ils reconnaissent authentique.

D’une autre manière, le récent conflit en Bosnie a révélé un changement. Il a été perçu par les Européens comme une affaire interne à l’Europe. Pour la première fois, peut-être, cela mérite d’y réfléchir, des Européens, dans le cadre de la démocratie européenne, se sont mobilisés fortement pour des musulmans. Pour une fois, mais une fois n’est pas coutume, l’islam avait le « beau rôle », celui de l’élite, de la culture, mais aussi de la victime par rapport à des adversaires coupables de barbarie.

Projet - Tous ces éléments permettent donc la reconnaissance de l’islam comme une réalité intérieure à l’Europe...

Abdelwahab Meddeb - Oui, l’islam a été réellement interne à l’Europe, non seulement à travers les œuvres, mais par une présence humaine, inscrite dans la géographie. Il a eu un vécu sicilien et surtout, évidemment, ibérique. L’Etat, l’autorité islamique, à l’intérieur même de l’Europe, s’est confronté d’une manière aiguë à la gestion de la pluralité, c’est-à-dire la présence des juifs et des chrétiens dans la cité. On peut parler de l’âpre présence chrétienne parce que le christianisme ibérique a résisté énergiquement. Il y eut des conversions mais beaucoup aussi sont restés chrétiens à l’intérieur de la cité islamique. Et la guerre était toujours présente à l’extérieur. Sans verser dans l’angélisme, on ne peut méconnaître la richesse de cette civilisation, représentée par l’Espagne « des trois cultures ».

Je n’évoquerai qu’un témoignage, celui du calendrier de Cordoue. Ce texte, écrit en arabe autour de l’an 1000, appartient à la littérature « pratique ». Il est d’abord une description dans le style des « travaux et des jours », très présent au Moyen Age sur les porches des églises, dans l’iconographie. Il manifeste un sens profond du climat d’Al-Andalous, de cette semi-aridité européenne qui influence la manière dont sont organisées toutes les activités, de l’agriculture à la chasse, des semailles aux récoltes, et jusqu’au temps de la collecte des impôts.

Ce calendrier, destiné à un prince musulman, a été écrit à deux mains, l’une chrétienne et l’autre musulmane. Le calendrier liturgique de l’islam est un calendrier lunaire, la scansion religieuse se déplace au rythme des saisons. En même temps, la pratique humaine a besoin de la régularité des saisons. Et, dans les faits, le temps islamique est double : liturgique (lunaire), et socio-économique (solaire) utilisant des noms qui sont encore aujourd’hui ceux des paysans syriens, égyptiens, maghrébins, et qui viennent du calendrier julien. Si, dans ce calendrier, les fêtes chrétiennes ne sont pas systématiquement mentionnées, certaines sont néanmoins présentes, comme Pâques ou la Saint Jean... Le dernier élément est une référence « nostalgique », repérable à travers la mention du climat, en Arabie, dans le berceau d’origine des Omeyyades. Parmi d’autres témoins, le calendrier de Cordoue est ainsi le symbole d’une présence, celle d’un islam européen qui a duré, qui a exercé l’autorité et connu la nécessité de composer avec l’autre, autochtone, judéo-chrétien.

Projet - Comment le rapport entre l’islam et l’Europe s’est-il transformé dans l’histoire plus récente ? Quels changements de problématique ?

Abdelwahab Meddeb - L’islam a d’abord connu un statut de minoritaire après la fin de l’Etat islamique, de 1492 à 1609, de la chute de Grenade à l’expulsion des morisques. Ce fut l’époque où s’intensifia l’esprit mudéjar dans les parties « reconquises » où demeuraient des minorités musulmanes importantes, qui mettaient à la disposition de l’autorité chrétienne leur savoir-faire et leur maîtrise des arts et techniques. Puis vint une interruption qui a duré de 1609 à 1830.

Mais voici qu’une sorte de retour s’effectue avec la colonisation : c’est l’Europe d’abord, qui se retrouve à l’intérieur de l’islam avant que, dans un second temps, l’islam ne se retrouve de nouveau à l’intérieur de l’Europe ! Par-delà le déséquilibre entre dominants et dominés, cette proximité, en particulier entre l’islam et la France, a produit une expérience, accumulée dans le cadre colonial, de connaissance réciproque de l’histoire et de la civilisation. Nombre de musulmans en sont venus à la langue française, c’est important. Moi-même, je suis le produit de ce processus. Mais la présence de l’islam est vécue aujourd’hui dans des conditions différentes : la question de la minorité islamique se pose désormais au sein d’un Etat démocratique, séculier, qui n’est plus fondé sur le primat de l’appartenance religieuse, même s’il reste marqué par sa genèse chrétienne.

Projet - Dans votre livre, La maladie de l’islam, vous récusez l’argumentation qui prétend démontrer l’impossibilité d’une séparation entre politique et religieux en islam. L’examen de l’histoire conforte-t-il cette vision ?

Abdelwahab Meddeb - L’attribution à l’islam de la consubstantialité du religieux et du politique procède d’une vision essentialiste, d’autant plus erronée que nous sommes aujourd’hui dans un monde de l’interférence qui requiert une grande finesse dans la délimitation entre l’universel et le particulier, l’identique et le différent. On revient toujours à la scène de l’origine, et on oppose le prophète législateur et guerrier, ce qu’a été le prophète Mohammed, à la parole évangélique qui sépare les deux domaines, « rendez à César ce qui appartient à César et à Dieu ce qui appartient à Dieu ». Il convient cependant de rappeler certains faits historiques. Le modèle théocratique a été beaucoup plus développé dans le champ chrétien, dans l’empire byzantin, puis à travers la prétention de la papauté à représenter le verus imperator. Il est nécessaire, aussi, de relativiser, au-delà de la dénomination, la spécificité du califat. Celui-ci empruntait largement aux normes du modèle impérial byzantin ou sassanide. Très vite, en islam, le militaire s’est emparé du pouvoir politique. Ce fait éclaire jusqu’à la situation actuelle de l’autorité politique dans les pays islamiques. Quelle que soit la forme de l’Etat, démocratie populaire ou libérale, monarchie absolue, éclairée ou constitutionnelle, nous sommes confrontés à la modernisation de la notion d’émirat, illustrée par les militaires dans l’exercice du pouvoir politique, lesquels déléguaient l’autorité juridico-religieuse au corps des ulémas. Mais, si cette séparation de fait n’a guère été pensée jusqu’ici, il est temps de le faire, fût-ce a posteriori.

Projet - Ceux qui déclarent la séparation du politique et du religieux impossible en islam, qu’ils soient islamistes ou critiques occidentaux, tirent aussi argument de dispositions juridiques qui découleraient du Coran...

Abdelwahab Meddeb - On s’arc-boute sur la dimension juridique, particulièrement sur cette part du juridique qui est censée être la parole de Dieu pour le croyant musulman. Il faudrait d’abord relater la controverse mu’tazilite, considérant le Coran comme créé. Du reste, les prescriptions juridiques dans le Coran sont peu nombreuses. Peut-on identifier l’islam à cette part juridique infime ? Elle comporte seulement les hudud, un rudiment de droit pénal autour des cinq ou six châtiments corporels, et des passages qui concernent le statut personnel (polygamie, répudiation, succession, interdiction de l’adoption légale, voile, dispositions pour mettre en place la séparation des sexes, etc.). Mais le corps du droit est autrement plus complexe et les questions de conflits entre les hommes autrement plus denses.

Systématiquement, la jurisprudence, le fiqh, a eu recours au droit coutumier ou à d’autres grandes traditions juridiques. Ainsi, pour ce qui concerne mon pays d’origine, la Tunisie, qu’on appelait à l’époque médiévale l’Ifriqya par imitation de l’Africa romaine, nombre de dispositions juridiques s’inspirent du droit romain. Il convient aussi de revivifier une disposition juridico-théologique ancienne, qui recommande le devoir d’adaptation devant la force du fait. Un seul exemple pour l’illustrer : l’esclavage. L’esclavage est géré en principe par le droit coranique, mais aujourd’hui plus personne ne l’évoque, parce que c’est un état de fait révolu. L’islam doit ainsi dépasser des prescriptions qui deviennent des signes d’identité, les éléments d’une idéologie qui érige la distinction en principe.

Il est d’ailleurs bien des prescriptions que l’on peut immédiatement interpréter dans la logique du texte coranique. Les tribus de Mauritanie ont ainsi réglé la question de la polygamie. Le texte coranique autorise d’avoir quatre femmes à condition d’être juste à leur égard et prédit à son interlocuteur qu’il ne le sera point. Quand la justice serait atteinte dans le partage matériel, il n’en sera pas ainsi dans le domaine du sentiment ! Aussi la polygamie peut-elle s’effacer d’elle-même.

Projet - N’y a-t-il pas, cependant, un risque de conflits entre le droit public et la jurisprudence islamique ? La polémique sur le voile habite encore les esprits...

Abdelwahab Meddeb - Je me suis interrogé jusqu’ici sur des sources du droit dans la perspective d’un islam majoritaire. Mais ce type de question, d’évidence, n’a pas à se poser et ne peut se poser dans un pays comme la France. Je ne peux pas imaginer d’autre recours juridique que le droit républicain qui s’impose à tous. J’admets et je souhaite que l’exercice du culte musulman soit traité avec respect et dans la dignité, mais la question du droit ne peut pas interférer. Il est insensé de la poser comme le voudraient les néo-fondamentalistes. Ces derniers, qui étaient très présents dans la négociation pour les institutions, me paraissent extrêmement dangereux. « Vous ne pouvez pas, disent-ils, interdire le voile pour des femmes qui de leur propre volonté veulent se voiler. » Certes, en principe, la démocratie n’a pas à interdire. Mais le rôle de l’école, du débat dans la société civile, des associations est de rappeler que ce sujet du voile a déclenché, dans le cadre même des pays islamiques, une très féconde controverse. Dès la fin du xixe siècle, dans le désir de modernisation, il a suscité un grand nombre de pamphlets comme celui de l’égyptien Qasim Amin, et encore, par la suite, à l’intérieur même de la société coloniale comme dans l’œuvre du tunisien Tahar Haddad. Dans les années 50 a eu lieu un mouvement de dévoilement des femmes spectaculaire. Bref, il y a en pays d’islam un mouvement féministe qui a commencé dès le début du xxe siècle. Sans vouloir interdire à ces jeunes filles de se voiler, je ne peux pas, personnellement, manquer d’exprimer ma tristesse devant elles parce que j’y perçois un signe d’oppression même si je viens moi aussi de l’islam. Je ne peux pas empêcher une jeune fille de se voiler mais je dois lui montrer que ce n’est pas une fatalité, que d’autres voies ont été explorées. L’important est de ne pas abandonner le champ de la parole et de la définition de la norme entre les seules mains des néo-fondamentalistes.

Projet - La reconnaissance nouvelle de l’islam peut-elle être l’occasion d’une redéfinition de la laïcité à la française ?

Abdelwahab Meddeb - Lors du débat sur la « consultation » un entretien, publié dans Libération, m’a fortement choqué. « Nous avons fait, nous islam, disait l’interviewé, un pas vers la laïcité, la laïcité doit faire un pas vers nous. » Le « nous islam » m’inquiète déjà, cette façon de parler au nom d’une communauté entière sans définir la légitimité de ce « nous ». Mais, surtout, est-ce vraiment ainsi que le problème se pose ? La séparation du politique et du religieux, dans la tradition française, a engendré une situation de l’école, une position de l’Etat dans son rapport à la sphère publique, un rôle du ministère de l’Intérieur dans la gestion du culte, qui me paraissent adaptables à la disposition de l’islam. Je ne vois pas en quoi il y aurait lieu de toucher à cet édifice. D’une manière objective, la France change et la présence de l’islam n’est pas seule en cause. Les questions qui se posent à la France ne concernent pas l’islam seul. Celui-ci est à la fois une culture et une religion, il porte avec lui un habitus, des manières d’être et des manières de faire. Cet habitus et cette culture sont déjà présents dans la société française. Il faudrait aussi évoquer les chinatowns des villes françaises, l’éthos noir africain ou la présence juive. Cette apparition du pluriel, de la pluralité des signes dans la cité, crée une très belle mêlée, elle permet le voyage sans se déplacer. Quel bonheur de pouvoir circuler et se frotter, d’avoir à frôler tel type de corps qui se met en mouvement d’une manière particulière ! Passer de telle cuisine à telle autre, c’est le privilège de la métropole. Cet air du temps, la démocratie a les moyens de l’entretenir et elle choisit de ne pas l’interdire. Mais je m’oppose absolument à ce que le droit se transforme pour inscrire les particularités.

Cependant, j’estime qu’il n’y a pas lieu de répondre à l’intégrisme religieux par l’intégrisme laïque, qui existe lui aussi. Dans l’enseignement, dans le projet même de la pensée, la tradition laïque française des Lumières a été réductrice, elle a occulté la part enténébrée de l’humain. La tendance, aujourd’hui, est d’en tenir compte. L’influence exercée sur la jeunesse par des auteurs comme Bataille, Artaud ou Nietzsche dans les années 60-70, a été importante. Il faut y voir un phénomène de religiosité plus que de religion ou, du moins, de la part de l’âme qui excède la croyance. Je crois que la sophistication du siècle qu’on inaugure lèvera forcément ce que j’appellerais la réduction laïciste.

Projet - L’invitation à un retour se retrouve dans votre livre à travers le contraste que vous soulignez entre un « islam ancien et aimable » et « les formes politiques de l’islam actuel, bêtes et détestables ». Comment cette prise de position se distingue d’un discours nostalgique ou identitaire, à rebours des évolutions liées à la modernité ?

Abdelwahab Meddeb - Quand je parle d’un islam ancien aimable et intelligent, je pense surtout à l’expérience intérieure que suscite l’islam. Les soufis comme Ibn’Arabi ont pensé, jusque dans leurs ultimes conséquences, l’économie de l’âme, le tragique et la mélancolie qui y sont attachés, la perplexité et le désarroi qui en procèdent. Ils ont pensé le négatif qu’implique le rapport avec l’altérité absolue. Et ils se retrouvent bien près de cet homme qui raillait tant la religion, Voltaire, car ils le rencontrent dans le déisme. Or, dans toutes les traditions, on a toujours très peur de ces spirituels car, à suivre leur logique, le culte dépérirait avec les rites qui distinguent l’identité de la communauté.

Les spirituels de l’islam n’ont pas manqué, eux aussi, de bousculer leur Loi. L’immense richesse du fonds soufi est surprenante. Le soufisme paraît une telle anomalie, au regard d’une religion réputée surtout juri-dique et politique, qu’un grand islamologue comme Asin Palacios ne résolvait la contradiction qu’en déclarant que tous ces spirituels étaient des chrétiens inconscients ! C’est d’ailleurs le soufisme qui attire les étrangers vers l’islam et non l’islam rigoriste, sauf ces quelques fous tout disposés à rejoindre une secte. Car, comme tous les extrémismes, l’islam politique fonctionne comme une secte. Il est d’autant plus nécessaire de ne pas être victime des stéréotypes diffusés par les néo-fondamentalistes qui clament cette solidarité du politique et du religieux, ce primat du juridique.

Projet - Dans La maladie de l’islam vous identifiez parmi ses causes un processus de démocratisation, conduit en l’absence d’une véritable expérience de la démocratie, qui a produit des « semi-lettrés » responsables, selon vous, de cette vision schématique de l’islam. L’affirmation d’un islam en France peut-elle contribuer à enrayer cette dérive ? Les pouvoirs publics ont-ils un rôle à jouer ?

Abdelwahab Meddeb - L’Etat doit s’impliquer, d’une manière plus déterminée et plus pédagogique. S’il s’interdit d’assumer lui-même cette fonction dans le cadre laïc, il devrait susciter, par un système d’aides et de subventions, la création d’institutions théologiques et favoriser leur émanation à partir de la société civile. Les dérives sont visibles à travers les images inquiétantes, diffusées à la télévision, de ces mosquées de banlieue qui semblent être le creuset de futurs terroristes. Se détourner définitivement de ces réduits conduit à refuser la prédominance de ces semi-lettrés produits par la démocratisation sans démocratie. Ils arrivent ici, envoyés par des Etats étrangers pour encadrer les musulmans. Il est grave de laisser le culte, le prêche et le sermon entre leurs mains. Même lorsque ce sont des gens de paix, comme ceux du Tabligh, ils prônent un islam obscurantiste et il suffit ensuite d’un pas pour passer au terrorisme. L’Arabie saoudite aura à se préoccuper de ce très grand problème : elle est sincèrement dans l’alliance occidentale, elle est sincèrement pour la paix dans le monde mais lorsqu’on entend les prêches diffusés à la Mecque, il suffit d’un pas pour basculer et devenir un adepte de Ben Laden, lequel n’est rien de plus que « le wahhabite du wahhabite », c’est-à-dire apte à dénoncer, parmi les siens, ceux qui ne tirent pas les ultimes conséquences de leurs discours.

Nous avons à créer des imams dans la logique de la culture française, formés à la fois dans la grande tradition théologique et dans l’approche historique. Il y a lieu d’instituer de véritables licences théologiques de haut niveau. Les étudiants doivent savoir qu’il existe une pluralité de grandes voix exégétiques dans leur propre tradition comme Tabari, Zamakhshari, Razi. Ils doivent aussi situer leur croyance dans la perspective de l’histoire des religions.

Les semi-lettrés viennent d’al-Azhar et d’autres écoles encore moins fiables. A al-Azhar on privilégie un seul texte exégétique, à partir d’Ibn Kathir, un auteur relativement tardif du xive siècle, consensuel car il annule toute controverse. Il importe de retrouver la véritable tradition dans la pluralité de ses vocations, de ses méthodes, de ses voies, de savoir qu’il y a eu un tafsir philosophique, un tafsir rationaliste, mystique..., et d’articuler cette tradition aux méthodes discursives modernes.


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