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Dossier : Famille cherche société

Famille cherche société (introduction)


En 1994, Projet publiait un numéro spécial intitulé « Société cherche famille ». Il constatait un paradoxe : renvoyée à la seule sphère privée, désinstitutionnalisée, la famille n’en suscitait pas moins une attente sociale et politique croissante, pour répondre aux maux de l’époque – solitude, érosion des solidarités, incertitude des repères… Et Christian Mellon de conclure « Société cherche famille. Il faudrait faire davantage droit à la réciproque : famille cherche société. Car on voit mal comment pourrait se poursuivre indéfiniment l’évolution qui privatise la famille comme valeur et la fragilise comme institution. »1 C’est ce droit à la réciproque que le présent dossier vise à honorer.

Depuis vingt ans, le paysage familial français a vu certaines tendances lourdes se confirmer : importance de la valeur sociale accordée à la famille, progression du taux de femmes actives, recul de l’âge du mariage et de la première maternité, montée du nombre de divorces (130 000 prononcés en 2009), diversification des modèles familiaux. Au point que la notion même de modèle puisse paraître anachronique : un mariage célébré sur huit est mixte (le conjoint étranger est majoritairement d’Afrique du Nord) ; un enfant sur dix vit dans une famille recomposée et près d’un sur cinq dans une famille monoparentale.

Dans le même temps, le taux de fécondité a rebondi (deux enfants par femme actuellement), le nombre de mariages a cessé de diminuer (250 000 en 2009) et on constate une explosion du nombre de Pacs (pacte civil de solidarité) depuis sa création en novembre 1999 (175 000 ont été conclus en 2009, pour 22 000 dissous). De nouvelles questions se sont aussi imposées dans le débat public : le « droit au divorce », celui d’avoir un enfant, celui de connaître sa filiation biologique, l’homoparentalité (qui concernerait environ deux enfants sur mille).

En somme, la famille reste traversée par les évolutions structurelles de la société : quête de liberté individuelle, émancipation féminine, consumérisme et incertitude économique, recours croissant au droit et aux palliatifs médico-psychologiques. Dans ce contexte, quelles formes prend la famille? Comment faire famille? Comment la société des individus fait-elle droit à l’expérience d’abord collective de l’enfant, à cette histoire familiale qui l’inscrit dans le monde?

À l’heure de l’individu

L’individualisme s’est donc invité dans la famille, mais aussi dans le traitement social de la famille. L’ancien président de l’Union nationale des associations familiales, Hubert Brin, défend fortement le principe de politiques visant les familles dans leur globalité, particularité française, qui est progressivement affaibli par la contrainte financière et la tendance des politiques publiques à cibler l’individu (cf. Claude Martin). Ce mouvement n’est pas sans poser de questions : le droit rend absolue l’éthique de la liberté (cf. Françoise Dekeuwer-Défossez), alors que la liberté est ambiguë, tant les normes dont l’individu contemporain pense s’être affranchi se réinventent, plus diverses, moins explicites, mais tout aussi puissantes (cf. Jean-Hugues Déchaux). Le juge ne peut guère qu’entériner les impasses auxquelles cette évolution aboutit (cf. Marie-Odile Devillers).

Dans la chaîne des générations

La pente est dangereuse, aussi, lorsque l’institution individualise ses interventions au point de rompre la chaîne des générations, par l’humiliation des parents (cf. Maria Maïlat). Car c’est la filiation qui inscrit l’enfant dans l’histoire (cf. Bertrand Cassaigne). Il est mis au monde et apprend le rapport au monde par d’autres : « On s’essaye à l’altérité sur fond d’appartenance au même lignage » (cf.Jean-Philippe Pierron). D’autres approches tentent précisément de concilier au lieu de segmenter (cf. Brigitte Chatoney et Frédéric Van der Borght) et d’accueillir la famille dans sa différence (en faisant par exemple des barrières linguistiques un atout pour l’école – cf. Patrick Pecorella).



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1 / . Ce n° 239 de Projet est disponible au prix de 8 € en contactant le Ceras (01 48 22 40 18, 4 rue de la Croix-Faron, 93 217 La Plaine Saint-Denis, secretariat@ceras-projet.com).


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