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Dossier : Reconnaître le travail

Le sens enfoui du travail


Resumé Le travail demande à être reconnu, à la fois présent et cache dans ce qu’il produit, a la fois souffrance et dévoilement.

L’effort fourni par la philosophie pour penser le travail rencontre la difficulté constante à former un concept de travail qui ne se dissolve pas dans ce qui l’accompagne et ne se confond pas avec lui : la technique, l’acquisition des habitus nécessaires à la mise en œuvre des outils, l’invention de ces derniers, les rapports économiques et sociaux, etc. Le travail est en effet quelque chose d’irréductible à quoi que ce soit d’autre : une activité en temps contraint, faite par obligation sociale, caractérisant toutes les sociétés qui obligent au moins certains de leurs membres jour après jour à une tâche pour laquelle ils n’éprouvent pas d’attirance spéciale – et qui cependant est tenue pour indispensable à la survie de la collectivité puisqu’elle en assure la subsistance. Or comme tel le travail est apparemment très rarement convoqué sur la scène philosophique. Je voudrais tenter de montrer qu’en fait il est plus présent qu’on ne croit, mais qu’il a tendance à se dissimuler, selon sa propre essence. Les conséquences de cette dissimulation ne sont pas minces.

La difficulté à penser le travail

C’est la difficulté même à penser le travail qui a donné son point de départ au chapitre de la Condition de l’homme moderne que Hannah Arendt lui consacre 1. On connaît l’amorce du thème : les penseurs de la condition humaine, au dire de Hannah Arendt, ont manqué l’originalité du travail : le pur temps contraint improductif dans la productivité même. Il fallait distinguer entre le travail et l’œuvre, distinction que toutes les langues portent, car ce qu’ignorent les théoriciens, le langage le sait 2. De là suit une très brillante interprétation de l’activité humaine (la vita activa) et par voie de conséquence de l’anthropologie tout entière, où il convient de distinguer par strates successives de plus en plus élevées et de plus en plus nobles l’animal laborans, l’ Homo faber, l’action, ce dernier terme étant réservé à l’action politique, à la mise en œuvre du vivre ensemble par une action concertée et consciente 3. Si l’on veut : le travailleur (ou l’ouvrier), l’artiste (ou l’artisan), le citoyen (celui qui par la parole vit parmi d’autres êtres parlants).

La distinction conceptuelle permet un diagnostic sévère portant sur la société contemporaine, disons la société du XXe siècle qui est devenue une société de consommateurs, parce qu’elle a glorifié monstrueusement l’animal laborans comme s’il s’était agi de l’ Homo faber, voire du politique. Nous usons tout, consommons tout, nous ne laissons plus d’œuvres ni de monuments derrière nous, mais en revanche, nous nous consommons nous-mêmes, irrémédiablement. C’est, « en effet, la marque de tout travail de ne rien laisser derrière soi, de voir le résultat de l’effort presque aussitôt consommé que l’effort est dépensé » 4. La faute en incomberait pour une bonne part à Marx. C’est lui qui, identifiant correctement dans L’Idéologie allemande l’activité humaine à partir de la production des moyens d’existence, n’aurait pas su ensuite opérer la distinction capable de renvoyer l’activité de l’animal laborans là où elle aurait dû être maintenue, pour au contraire proposer contradictoirement d’y voir à la fois l’essence de l’homme et ce que les hommes devaient finalement supprimer au terme de leur histoire.

Présence cachée du concept de travail

Aussi brillante et suggestive soit l’analyse, la distance mise par Hannah Arendt entre l’animal laborans et l’ Homo faber, entre le travail et l’œuvre, l’a rendue injuste à la fois à l’égard du travail et de ses prédécesseurs. Nous ne pensons pas en effet qu’on puisse maintenir le travail, même en lui conservant la définition du labeur, dans le mépris où Hannah Arendt tient l’animal laborans. Au contraire, ce qui se joue à cet endroit est anthropologiquement et éthiquement tout simplement immense. De même, il y a une présence du concept de travail au sens le plus précis du terme au moins chez Hegel et Marx. Il est vrai qu’il se cache, s’enferme dans l’objet fabriqué et dès lors pourrait sembler une confusion entre le travail et l’œuvre. Mais c’est justement à ce titre qu’il est partie constituante de toute la théorie de l’aliénation.

On trouve en effet chez Hegel une description extrêmement forte du mouvement par lequel celui qui travaille s’identifie à et par l’objet qu’il fabrique. Il est vrai qu’alors le travail ne se trouve pas identifié, mais bien au contraire caché, enfoui, dans l’œuvre. Il est vrai donc qu’en réalité Hegel parle de l’œuvre et non du travail au sens précis du terme ; celui auquel il se réfère est l’artisan, non l’ouvrier. Cependant il écrit ceci 5 : « Langage et travail sont des extériorisations dans lesquelles l’individu ne se conserve plus et ne se possède plus en lui-même » parce qu’il laisse aller son propre intérieur à l’extérieur de soi, « l’abandonnant à la merci de quelque chose d’Autre ». Dans le travail, comme dans le langage, nous exposons notre intériorité dans un objet extérieur dont chacun peut s’emparer : l’objet fabriqué, les phonèmes prononcés. Or on « peut aussi bien dire, et que ces extériorisations expriment trop l’intérieur, et qu’elles l’expriment trop peu. – Trop, parce que l’intérieur débouche en elles […] ; - Trop peu parce que l’intérieur […] se fait autre ».

Dès lors se donne à comprendre en quoi et par quoi tout travail (et toute parole) sont l’activité par laquelle nous nous livrons comme un autre à un autre. « Devenir autre » peut, selon les circonstances, être pris en bonne ou en mauvaise part, selon le cas qui est fait par les autres de ce que nous disons et de ce que nous faisons. Tout travail engage celui qui s’y livre bien au-delà de ce qu’il fait, dans son être même, parce que l’objet qu’il engendre n’est que la sédimentation de son intériorité devenue autre. C’est ainsi que ce thème pourra ressurgir beaucoup plus tard dans la Phénoménologie, là où l’artisan est dans son travail comme une figure de l’Esprit lui-même : il s’est perdu dans son travail, mais cette perte signifie que son essence est son œuvre et que par là elle lui est restituée. L’artisan « est l’essence encore intérieure et cachée qui, en tant que totalité, est présente seulement désagrégée dans la conscience de soi active et dans l’objet produit par elle 6 » Le travail-labeur existe chez Hegel, il est l’activité par laquelle, pour le dire dans les termes de Hannah Arendt, l’Homo faber s’identifie à l’œuvre : l’animal laborans est interne à l’ Homo faber et c’est lui qui opère l’aliénation.

La volonté souffrante

On voit bien sûr alors combien Marx est tributaire de Hegel dans sa théorisation de l’aliénation du travail. L’objet se trouve en quelque sorte et à tous égards, arraché à celui qui le produit par l’avènement du capitalisme et de la grande industrie qu’il engendre. Le travail à la chaîne, le rôle prépondérant que prennent les rapports marchands, la force de travail transformée en cette marchandise spéciale qui confère leur plus-value aux autres marchandises - tout va dans le même sens, à savoir déposséder l’ouvrier, en faire un artisan dont l’aliénation ne peut jamais être vécue positivement parce qu’il ne lui reste précisément que le travail au sens pénible du terme.

Marx a donc bien identifié le travail comme tel, le travail de l’animal laborans. Mais il n’est pas vrai qu’il glorifie les besoins de l’animal laborans. A ses yeux la distinction de l’animal laborans et de l’H omo faber est le résultat de la pathologie même du travail et non pas ce qu’il est pertinent de distinguer et de séparer – car il est de l’essence du travail de s’incorporer à ce qui n’est pas lui.

Mais Marx va beaucoup plus loin dans l’analyse de cette capacité « agrégative » du travail et du coup se retrouve devant ce qui constitue peut-être le paradoxe ultime du travail. Il le fait dans un texte extrêmement célèbre et peut-être pas toujours compris : « Mais ce qui distingue dès l’abord le plus mauvais architecte de l’abeille la plus experte, c’est qu’il a construit la cellule dans sa tête avant de la construire dans la ruche » 7. On en déduit généralement que la caractéristique du travail humain est pour Marx de mobiliser l’imagination et l’intelligence, la conscience. Ce n’est que très partiellement vrai : ce détour par la distance instaurée par la conscience vise tout autre chose : « Ce n’est pas qu’il opère seulement un changement de formes dans les matières naturelles [ce que l’abeille sait faire] ; il y réalise du même coup son propre but dont il a conscience, qui détermine comme loi son mode d’action, et auquel il doit subordonner sa volonté » 8. Ce qui caractérise le travail humain, c’est la volonté. Et voici maintenant l’essentiel : « L’œuvre exige pendant toute sa durée, outre l’effort des organes qui agissent, une attention soutenue, laquelle ne peut résulter que d’une tension constante de la volonté. Elle l’exige d’autant plus que, par son objet et son mode d’exécution, le travail entraîne moins le travailleur, qu’il se fait moins sentir à lui comme le libre jeu de ses forces corporelles et intellectuelles, en un mot, qu’il est moins attrayant. » 9

Où nous apprenons trois choses. 1°) Marx identifie tout à fait le travail dans son originalité insubstituable de temps contraint et le distingue conceptuellement de l’oeuvre. Mais il est un moment de la volonté or il est de l’essence de la volonté de venir s’accomplir dans son objet comme dans sa vérité. Le travail n’est pas fait pour être distingué. 2°) Jamais la volonté n’est davantage volonté que lorsqu’elle se contraint, lorsqu’elle se retourne contre elle-même et s’oblige à se concentrer sur un objet qui « ne l’entraîne pas ». Il est de l’essence du travail de participer à cette torsion douloureuse. Il est profondément humain de s’obliger à un travail pénible. Et cette pénibilité ne tient pas comme telle à la fatigue physique ni à un état des forces de production qui exigerait une masse ouvrière. Elle couvre aussi bien toute forme de stress ou d’angoisse liée au temps contraint, car elle est constitutive du travail. 3°) On voit ce que serait une humanité d’individus complets et libres, l’idéal utopique de l’humanité : un travail qui viendrait s’agréger à un objet voulu dans le libre jeu des forces corporelles et intellectuelles. Mais à ce moment là, il cesserait d’être un travail pour devenir création.

Travail et illusion du bonheur

Le concept de travail a bien été identifié, pensé ; mais de telle sorte qu’il est toujours aussitôt réinvesti en autre chose, conformément à son essence. Du coup il resterait encore une tâche qui n’a pas trouvé sa place. En particulier chez Marx la présupposition que la part de souffrance inhérente au travail disparaîtrait dans une forme de travail assimilable à la création appartient à l’utopie et précisément comme telle n’a pas été pensée. A aucun degré Marx ne s’aventure à traiter sérieusement d’une telle éventualité, il l’écarte toujours sur le mode humoristique (ainsi la description de la société communiste qui me permet de « chasser le matin, de pêcher l’après-midi, de m’occuper d’élevage le soir et de m’adonner à la critique après le repas » 10). Une création sans souffrance n’est probablement pas concevable – et il y a tout à parier que cela lui vient encore du travail qu’elle exige.

Mais alors, quelle est exactement cette souffrance ? Il faut faire un détour. Pourquoi désirons-nous les fruits du travail ? Adam Smith a une réponse étonnante 11 : nous savons que les riches ne sont pas plus heureux que les autres, mais parce que nous avons l’irrépressible illusion que si nous avions leurs moyens, nous, nous saurions être heureux, nous travaillons autant que nous le pouvons. Cette illusion est salutaire. Seuls les malades et les mourants la perdent. Adam Smith ne dit pas ce qu’ils voient alors, mais il nous donne accès à une dialectique du travail se nouant dans l’horizon éthique 12. Nous sommes en fait très loin d’une éthique du travail dans le style des Puritains du XVIIe siècle fondée sur la vocation au travail. Adam Smith montre bien plutôt, d’une manière certes implicite mais nette, le lien très fort existant entre la contrainte et l’illusion qu’un bonheur est possible.

On pourrait traduire ce que Adam Smith met au jour par une sorte d’équation : travail d’autrui=promesse d’un bonheur personnel. L’essence du travail en effet, qu’il s’agisse de sa performativité par la division du travail, ou de la puissance que donne la propriété d’un capital est toujours le travail d’autrui. Même le plus pauvre des manœuvres du port est habillé de la tête aux pieds par un travail qui n’est pas le sien. Et tout ce que me permet la possession d’un capital, c’est de commander au travail d’autrui. Mais la réalité rencontrée est en fait d’une tout autre nature et retourne l’équation : mon travail=bonheur d’un autre, d’ailleurs jamais clairement identifié (moi, si j’étais un autre possédant des richesses).

Ainsi donc, l’articulation entre travail et possibilité du bonheur est fondée sur une illusion qui ne se dissipe qu’à l’approche de la mort. Mais l’illusion est un très mauvais concept en philosophie. Une illusion nécessaire ne peut être maintenue dans son statut d’illusion qu’à la condition de se donner la facilité d’échapper soi-même à l’illusion. En revanche, elle devient vraiment opératoire lorsqu’on peut montrer en quoi elle n’est pas une illusion, mais la compréhension paradoxale d’une vérité. Ici, nous proposons : l’impossibilité d’accéder au bonheur est la condition de possibilité de la compréhension de sa possibilité. Tant que le travail me contraint à ne pas être heureux, mais à contraindre mon temps, je vois (sans aucune illusion) ce que pourrait être une vie heureuse de repos et de création. Mais si jamais la contrainte se desserre, je perds mon savoir. A moins qu’à nouveau l’impossibilité où me mettent la maladie et l’approche de la mort ne dévoilent que le travail comme tel ne pouvait pas me mener jusqu’à la vie heureuse, mais que celle-ci était possible encore tout autrement. Mais à nouveau je ne puis en jouir.

Travail et capacité à désespérer

Tout cela, le travail le sait. Et c’est pourquoi, jour après jour, heure après heure, il tient. Malgré tout, nous ne désespérons pas – même après que la vanité de nos fins a été dévoilée. Comme si le travail abritait encore autre chose, comme s’il était capable de rassembler en lui tous les enjeux, y compris ceux de la vie heureuse. Comme contrainte, il est souffrance, mais comme contrainte il est aussi dévoilement de la liberté possible. Le plus grand danger est alors de vouloir l’un sans l’autre ou de prendre l’un pour l’autre : « ce fut un trait de génie de l’instinct anglais que de faire du dimanche une journée si sainte et si ennuyeuse que l’Anglais en vient, sans le savoir, à souhaiter le retour de sa journée de travail. » 13 Mais ce qu’il faut maintenir au nom de Nietzsche contre Nietzsche lui-même, c’est que le travail n’est pas seulement cette police des esprits 14, il est aussi ce qui à la fois s’affronte à l’essentiel et l’esquive. Or ici l’essentiel est la transformation de la souffrance en autre chose. « Vous voulez abolir la souffrance dans la mesure du possible, et il n’y a pas de plus folle ambition. Et nous ? Il semble que nous la voudrions encore plus profonde et plus grave qu’elle ne fut jamais. […] La culture de la souffrance, de la grande souffrance, ne savez-vous pas que c’est là l’unique cause des dépassements de l’homme ? » 15 Il n’y a là, évidemment, aucune apologie du dolorisme, mais la reconnaissance, une fois encore, que la lumineuse harmonie apollinienne n’est rien si elle n’est pas la métamorphose de l’horreur nocturne dionysiaque demeurée présente, aussi cachée que la nuit dans le jour et le cri dans le chant 16.

Nous risquerons que cela même se joue dans le travail : le désespoir et la possibilité de ne pas désespérer – la Grande Souffrance nietzschéenne et la joie de l’affronter. C’est là, pensons-nous, que le véritable problème se tient. Si la philosophie esquive le travail, c’est qu’elle en déplace la souffrance toujours vers autre chose, un autre lieu, un autre temps, sans jamais l’affronter directement. Cet affrontement devrait pourtant être mené, car sous son aspect terne et peu attractif, notre capacité à travailler abrite en fait notre capacité à désespérer et notre capacité à résister au désespoir. C’est dire qu’aucun problème lié au travail ne peut être traité à son seul niveau, qu’il mobilise aussitôt et nécessairement l’énergie la plus haute dont dispose une époque.



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1 / Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne, Calmann-Lévy, 1961 et 1983, « Pocket » 1994, chapitre III « Le Travail », p. 123-186

2 / Grec ponein et ergazesthai, latin laborare et facere, anglais labor et work, allemand arbeiten et werken.

3 / Hannah Arendt entend par là assumer complètement l’héritage grec qui refuse au travail toute noblesse et le considère bon pour l’esclave, parce qu’il empêche de penser.

4 / Condition de l’homme moderne, p. 131-132.

5 / Hegel, Phénoménologie de l’Esprit, tome I, p. 259, traduction Hyppolite, éd. Aubier Montaigne, 1939.

6 / Hegel, Phénoménologie de l’Esprit, tome II, p. 219.

7 / Marx, Le Capital, Livre I, troisième section, p. 728 de la traduction J. Roy revue par M. Rubel, in Œuvres, économie, tome I, Gallimard, « Pléiade », 1965.

8 / C’est moi qui souligne.

9 / Souligné par Marx.

10 / Idéologie allemande, in Œuvres III, philosophie, Gallimard « Pléiade », 1982, p. 1665.

11 / Voir la présentation par Daniel Diatkine de la traduction française de La Richesse des nations, GF Flammarion, 1991.

12 / Daniel Diatkine montre très bien que La Richesse des nations a été écrite pour résoudre une question non résolue par le Traité des sentiments moraux : comment normer le désir insatiable de l’accumulation des richesses, comment faire d’un vice une vertu ? Par l’accumulation du capital.

13 / Nietzsche, Par-delà bien et mal, § 189, in Œuvres philosophiques complètes, t. VII, Gallimard, 1971, p. 102.

14 / Cf. Nietzsche, Aurore, tout le § 173 in t. IV.

15 / Par-delà bien et mal, § 225, p. 143.

16 / Thème de toute La Naissance de la tragédie in t. I des Œuvres complètes déjà citées.


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