Renouveler la démocratie. Eloge du sens commun
Raymond Boudon Odile Jacob, 2007, 365 p., 25 €Des essais pour débattre : écrits divers de R. Boudon, touchant deux thèmes distincts en vérité. D’un côté, le relativisme, qui dominerait aujourd’hui, entraînant un fort cynisme dans l’appréciation des relations sociales et politiques. On ne croit pas que telle pratique puisse être jugée meilleure ou plus mauvaise que d’autres… De l’autre côté : la sociologie qu’on pourrait appeler de gauche, marxisme subliminal et non moins freudisme encore courants. Boudon rattache ces deux objets de sa critique par le fait qu’ils seraient l’un et l’autre des concessions au culturalisme. Celui-ci est destructeur du sujet, de la liberté en définitive, « tout serait effet de forces psychologiques ou culturelles échappant au contrôle du sujet ». La rationalité du sens commun est du coup décriée. Est décrié aussi le progrès moral, pourtant certain, observé dans l’histoire (irréversible, dit Boudon). Les intellectuels en général, les intellectuels français plus que tous autres, vivent couramment ce décalage, dans leur opposition entre autres à tout ce qui est « libéral ». Je noterai certes, ici, que nombre des intellectuels américains, pas si éloignés des Français, sont qualifiés, eux, et se qualifient volontiers de liberal (prononçez cette fois à l’anglaise). Les intellectuels se classent en tout cas face à beaucoup d’autres hommes par effet de rôle – ils ont le rôle de dénonciateurs des injustices (Boudon admet que quelqu’un doit avoir ce rôle). Par fonction critique aussi. En France de plus, il y a une tradition étatiste particulière, partagée il est vrai par d’autres que les intellectuels. Une question ne manquera pas de hanter le lecteur : le relativisme, dont il est question au début, est dit « culturel », n’est-il pas fort éloigné en vérité des dogmatismes que nourrissaient en fait les « maîtres du soupçon » ? Bref, la continuité est-elle si grande ?
13 juin 2008