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La tyrannie de l’évaluation

Angélique del Rey La Découverte, 2013, 150 p., 14 €

Le constat : les formes actuelles d’évaluation – réunies ici sous le nom d’ « évaluation managériale » – constituent un puissant dispositif de pouvoir, propre aux démocraties occidentales, qui s’étend à tous les secteurs de la société. La conviction : « Si les nouvelles évaluations posent problème, c’est moins du fait de leur illégitimité (…) que de leur incapacité à respecter les processus à la source de toute vitalité sociale » (p. 8), dans une logique de déréalisation et de déterritorialisation. Cet essai interroge ainsi le paradoxe de « nouvelles évaluations » dont la recherche effrénée d’efficacité confinerait à de sérieux dysfonctionnements (partie I). Elle veut démonter les raisons de notre adhésion à ce processus (partie II) et avancer des alternatives possibles (partie III). Mais il est difficile de suivre Angélique del Rey dans ses raisonnements, qui font fi d’à peu près tout empirisme. L’évaluation en question n’est guère circonscrite : elle semble partout la même, dans les secteurs public et privé, quelles que soient les activités, et univoque, de l’école à France Télécom. C’est finalement une tyrannie sans tyran. L’évaluation est un sujet agissant. Il n’y a aucun évaluateur ; en atteste cette formule que la philosophe reprend à son compte : « Évaluer tue ». Au-delà des raccourcis et des imprécisions (la « rationalisation budgétaire » est loin d’épargner l’armée contrairement à ce qui est affirmé p. 30), nombre d’assertions restent à démontrer, comme « cette identification totale de l’être à une évaluation ou à un ensemble d’évaluations » (p. 81), qui serait liée à « la conception postmoderne du mérite port[ant] sur l’être même de l’individu » (p. 87). Le parallèle entre vie sociale et vie organique n’aide pas nécessairement à saisir les enjeux concrets. Pour autant, les éclairages intéressants sont nombreux : une lecture historique (un mode d’évaluation « bureaucratique » puis « technico-économique » ayant précédé le mode dominant actuel), indique qu’un retour en arrière n’est ni possible, ni souhaitable ; la dénonciation d’une objectivité et d’une neutralité prétendues des évaluations, basées sur des méthodes statistiques, est un rappel utile (elles sont toujours une modélisation et une interprétation du réel) ; la réflexion sur la part immaîtrisable et inévaluable de toute activité humaine, comme sur l’efficacité en tant que « valeur distribuée et conflictuelle » (p. 140) est indispensable…

Jean Vettraino
10 avril 2013
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