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La société comme verdict. Classes, identités, trajectoires

Didier Eribon Fayard, 2013, 280 p., 19 €

Dans cette « introspection sociologique » de transfuge de classe, le philosophe et sociologue Didier Eribon approfondit le travail entrepris dans Retour à Reims (2009), afin de saisir les « verdicts » qui s’emparent de nous à notre naissance et dont nous avons tant de mal à nous départir. Dans un style clair et fluide, l’auteur élargit le dialogue avec des grands noms des sciences sociales (Bourdieu, Foucault, Hoggart), de la philosophie (Sartre et Beauvoir) et de la littérature (Annie Ernaux en premier lieu, mais aussi Claude Simon, Proust, Sarraute, Gide…), qu’il croise avec son histoire personnelle et familiale. Il cherche ainsi « quelque chose qui s’apparente à une connaissance critique, dans laquelle le désir de changer le monde social pourrait trouver les moyens d’un début de réalisation. » La mémoire et l’histoire, « politiques de part en part », y tiennent une grande place, de même que les hontes – sociale, sexuelle – et les peurs qui nous constituent (le premier chapitre s’intitule « honto-analyse »). Le système scolaire, les auto-éliminations, les trajectoires qui en découlent, les rapports entre cultures « populaire » et « légitime » sont aussi abordés. Eribon pointe une contradiction en particulier : lorsque l’on vient d’une classe populaire ou d’une culture dominée (à l’instar des écrivains Mouloud Mammeri ou Assia Djebar) la réappropriation de soi et de sa culture passe par l’acquisition d’une culture qui en impose le reniement. La question de l’émancipation, à reconduire sans cesse, traverse tout l’ouvrage. Il nous offre aussi une belle réflexion sur le sens et la portée de l’écriture, de sa générosité principielle.

Jean Vettraino
14 mai 2013
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