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La grande désillusion

Joseph Stiglitz Fayard, 2002, 328 p., 20 €

Profitant de son aura, le récent prix Nobel d’économie règle ses comptes avec les institutions où il a travaillé et dont il est parti en claquant la porte. A l’en croire, les experts du Fmi sont au mieux d’une ignorance crasse, au pire les suppôts d’un libéralisme échevelé dangereux pour la planète. Cet ouvrage ne mériterait pas un compte-rendu s’il ne reposait sur une intuition fructueuse. Le marché appelle des conditions institutionnelles, réglementaires, bref une régulation administrative qu’il ne produit pas lui-même. La vérité de cette intuition affaiblit paradoxalement sa critique qui rassemble dans le même sac néolibéral la politique maffieuse de la Russie, la gestion plus mercantiliste que libérale de la Corée, le capitalisme népotiste de l’Indonésie. Le lecteur est surpris de voir défendre comme un acte de foi une politique keynésienne dont les conditions très strictes ne sont pas évoquées. Le Japon, il est vrai, renouvelant la même erreur keynésienne depuis douze ans, n’a pas eu besoin de faire appel au Fmi pour s’enfoncer dans la crise. Que la restauration du tissu bancaire conditionne la vie économique efficiente, qui en doute? Que les transitions doivent être progressives, et que les ajustements législatifs doivent accompagner souplement l’émergence d’un tissu économique de petits et moyens entrepreneurs, la plupart des experts fustigés par Stiglitz en étaient bien convaincus avant qu’il n’arrive dans leur sérail. Le Fmi parlait déjà, à l’époque de M. Camdessus, de libéralisation ordonnée des capitaux. Façon diplomatique d’évoquer ce que les pressions politiques interdisaient de proclamer trop fort. Rien de ce terrain miné n’apparaît dans le western mis bruyamment en scène par le récent prix Nobel.

Étienne Perrot
4 juin 2012
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