La banlieue abrite dans ses pavillons une population nombreuse, certes moins connue et moins stigmatisée que celle des grands ensembles. Pour cette France des « petits moyens », l’accession à la propriété est un symbole d’ascension sociale. Selon certains sociologues, tel Pierre Bourdieu, l’encouragement en faveur du pavillon individuel était l’expression, dans les années 70, d’une volonté politique dont l’objectif était de « lutter contre le collectivisme auquel était associé l’habitat collectif ». Pour comprendre ces habitants, les auteurs se sont intéressés à la cité des Peupliers à Gonesse (Val d’Oise). En « bande » ou individuels, tous les pavillons comportent un petit jardin et forment « un village dans la ville ». Les premiers occupants étaient des cadres moyens et artisans, désireux d’accéder à la propriété immobilière : de jeunes parents, unis par des centres d’intérêt communs, et qui ont su créer un tissu relationnel important autour du sport, de l’entraide, de l’école et de la convivialité. Ils portaient un grand intérêt à leur cadre de vie. La retraite, le départ des enfants et des moyens financiers plus importants les ont incités à déménager. Sur ce fonds de « décomposition d’une culture domestique locale », apparaissent de nouveaux habitants dans les années 90, des familles d’origine étrangère issues des cités. Une quête de respectabilité et une volonté farouche de se démarquer de leur milieu d’origine leur font supporter le sacrifice de l’accession à la propriété. L’arrivée de certains groupes (des chaldéens) a cristallisé des tensions – « ça fait maintenant cité » –, et est vécue comme une forme de « rabaissement social ». La convivialité locale est remplacée par la famille élargie, les différences de modes de vie provoquent des départs ou la rancœur de ceux qui ne peuvent pas partir. Plutôt à gauche du temps des « pionniers », cette cité a basculé à droite (le Front national y a fait un score important). L’exemple de la cité des Peupliers est révélateur : au fil du temps, un lieu de promotion est devenu un lieu de relégation… Des « pionniers » aux « étrangers » (p 38), la mixité sociale n’est pas donnée d’avance.