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L’Afrique des banlieues françaises

Michel Agier et Rémy Bazenguissa Ganga Éditions Paari, 2012, 186 p., 20 €

Cet ouvrage collectif est le prolongement d’une table ronde organisée par le Centre d’études africaines de l’École des hautes études en sciences sociales en 2006, à la suite des émeutes urbaines. L’émergence politique de l’Afrique des banlieues françaises a eu lieu à la faveur d’une « révolte populaire » (Michel Kokoreff) en 2005, nouvelle par ses modalités et sa portée. Les auteurs s’accordent sur l’importance de l’héritage colonial et des discours ethno-raciaux dans les tensions entre les gens au ban et les autorités publiques. « Dire, comprendre et historiciser l’injustice », tel pourrait être le sous-titre de l’ouvrage. La première partie explore les liens entre colonisation, immigration et discours racistes. L’exclusion des jeunes de banlieues est ainsi comprise dans un temps long, comme l’appendice d’un malaise postcolonial : « Il faut bien reconnaître que ce problème de la fabrication des différences raciales a toujours constitué le trou noir de l’universalisme à la française, son complexe de Caïn, son grand refoulé » tranche Achille Mbembe (p. 45). La deuxième partie se concentre sur les logiques d’appartenance citoyenne et identitaire. Thomas Sauvadet souligne que les jeunes fréquentant la rue (de 5 à 10 % de la jeunesse locale) sont plus isolés encore dans la société et à l’intérieur même des quartiers populaires depuis les événements de 2005. Les émeutes médiatisées ont mis en lumière la lutte entre bandes divisées d’un point de vue ethnique et générationnel, pour l’acquisition du capital guerrier au sein de ces territoires. La dernière partie tente de faire la jonction entre les deux premières (les mobilisations ethniques et historiographie dans une société postcoloniale), mais leur regroupement est quelque peu artificiel. L’ouvrage manque ici de fil directeur. L’approche postcoloniale des révoltes populaires nous éclaire sur les liens entre héritage historique, pratiques politiques et sociales et malaise dans les faubourgs populaires français. Mais, paradoxalement, elle a tendance à survaloriser le moment colonial et ses ramifications qu’elle cherche justement à déconstruire.

Laurent Duarte
17 décembre 2012
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