France chrétienne, France laïque. Entretiens avec Danièle Masson
Émile Poulat DDB, 2008, 280 p., 22 €Je craignais une irritante reprise sur la laïcité « à la française » ou « pas à la française… Au début des entretiens, par ailleurs, on sent E. Poulat réservé, s’abritant face à toute question – agressive parfois – derrière la scientificité du sociologue, un certain positivisme donnant à l’interlocutrice l’impression de la négation de tout « fait surnaturel ». A ce point, il se présente comme « libre », mais libre pour quoi ? Il « étudie » tout, il n’est rien de ce qu’il étudie (ni « moderniste » ni « antimoderniste » par exemple). Mais, pressé de questions, il doit peu à peu en venir à juger, apprécier, distinguer, prendre position. Les pages sur la laïcité française – car il y en a tout de même – ne sont pas du tout laïcistes. E. Poulat conteste sans ambages que le régime français soit de privatisation de la religion, et s’il y a bien chez nous une séparation, elle est clairement « tempérée, limitée » et affaire de « droit ». Il conteste en général les jugements sommaires qui lui sont présentés. Devant toute position, il supplie qu’on voie l’autre côté. Il dit sa foi. Il s’agit peut-être de lui, en un sens, quand il parle des « invalides de l’Eglise », que les difficultés et les misères de la vie ont séparés d’elle. Sans doute pas, cependant, car il ne prétend pas vivre hors structure, pour employer un terme qui apparaît aussi dans son vocabulaire. « Je ne relativise rien », dit-il fortement, après avoir fait allusion aux inquiétudes de Benoît XVI sur le « relativisme ». Au bout du compte, il peut louer son intervieweuse intempestive : « Vous avez réussi à me faire dire ce que je n’avais jamais encore jamais su dire ou eu l’occasion de dire ». Vers la fin, on trouve ces mots bien loin de ceux du commencement : « Blondel n’a pas convaincu son jury et je ne prétends pas faire mieux ».
6 juin 2008