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Christianisme et croissance économique

Pierre de Lauzun Parole et Silence, 2008, 184 p., 17 €

Pierre de Lauzun nous est apparu dans un autre ouvrage comme justifiant sans réserve le capitalisme libéral de notre temps, le présentant finalement comme l’expression même de la doctrine sociale catholique. Il se montre ici résolument critique, au contraire, du système en vigueur, surtout dans les derniers chapitres de son livre. L’économisme moderne comporte, nous dit-il, une rigoureuse « perte de sens » de l’économie : celle-ci est désormais comprise comme pur mécanisme, sans plus de relation à des valeurs morales –, comme la dignité de la personne humaine, le sens de l’autre comme personne aussi, la relativité de tout bien matériel. Il y a, bien sûr, là, un « puissant système de valeur implicite », c’est même une « religion » (séculière), mais se posant en face de toute morale et religion plus traditionnelles, par exemple celles du christianisme. « Ceci vaut notamment pour l’école de Chicago », affirme de Lauzun. L’avenir est du coup, selon lui, terriblement inquiétant. Il faudrait donc dire, semble-t-il, que le christianisme, lui seul d’ailleurs, a autrefois produit l’économie moderne, sa croissance et sa vigueur (plus ou moins capitaliste mais soumise aux valeurs morales, dans une première époque). Quand le christianisme a commencé à s’estomper, le système a pu se maintenir un temps et garder des valeurs morales, de manière auto-entretenue en somme – c’est ce que disait naguère Max Weber des valeurs puritaines. Aujourd’hui, il ne reste plus qu’un fonctionnement, dénué de sens… C’est bien une sorte de « religion » pourtant, nous dit de Lauzun, il faut y revenir, un « système de valeur implicite » – voire explicite, énoncé face au christianisme et à son enseignement social. Ceci est juste, en partie au moins, me semble-t-il : mais ne faudrait-il pas renoncer à laisser entendre que cet enseignement social se confond plus ou moins avec notre capitalisme libéral courant, comme a semblé le faire l’auteur ? Il me paraît difficile d’échapper à cette question.

Jean-Yves Calvez
8 juin 2008
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